Pas de data, pas d'IA : Meta punit les utilisateurs européens en accusant le régulateur

Le futur modèle multimodal d'intelligence artificielle générative du géant des réseaux sociaux ne sera pas disponible pour les utilisateurs européens. La firme accuse le Règlement général de protection des données (RGPD), dont la mise en application dans ce cadre serait trop floue.
Selon un média américain, Meta a choisi de repousser le lancement en Europe de son modèle Llama 3.
Selon un média américain, Meta a choisi de repousser le lancement en Europe de son modèle Llama 3. (Crédits : Dado Ruvic)

C'est le signe d'un déploiement de l'IA à deux vitesses, qui se fait au détriment des utilisateurs européens. Dans les prochains mois, Meta doit mettre en ligne une version multimodale de son Llama 3, c'est-à-dire un modèle de langage permettant d'utiliser et de créer du texte, mais aussi des images ou des cartes. Il devrait permettre de nouvelles fonctionnalités à l'ensemble des plateformes du groupe, Facebook, Instagram, Messenger et WhatsApp, ainsi qu'à ses lunettes connectées co-crées avec Ray-Ban.

Mais l'entreprise repousse le lancement de ce modèle dans l'Union Européenne sine die, a révélé, jeudi 18 juillet, le média américain Axios. Et l'ensemble de ses futures grands modèles d'IA générative ne seront pas accessibles aux européens. L'entreprise a confirmé l'information auprès de l'AFP, précisant que cette décision est liée à « l'environnement réglementaire incertain ».

Dernièrement l'Union Européenne a adopté de nouveaux textes permettant de protéger les utilisateurs européens : le Digital Markets Act, le Digital Services Act, et dernièrement le l'IA Act, définitivement adopté par les 27 pays membres de l'UE fin mai. Ce cadre législatif, qui entrera en application, pour l'essentiel, à partir de 2026, vise à favoriser l'innovation en Europe tout en limitant les risques de dérives de l'IA. Mais Meta affirme que son choix est surtout lié au règlement général sur la protection des données (RGPD), entré en vigueur en 2018.

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Les entreprises également privées de ce service

L'entreprise de Mark Zuckerberg dit manquer de précisions relatives à l'interprétation par l'Europe de ce texte quant à l'utilisation de données des internautes. Meta, comme les grands acteurs de l'intelligence artificielle, utilise ces données pour développer les modèles de langage de l'IA. Pour le moment, le gendarme numérique irlandais n'a pas encore réagi à la décision du géant. Meta précise que les entreprises européennes ne pourront pas, elles n'ont plus, utiliser son futur modèle multimodal.

La discorde entre le géant et le régulateur européen date sur ce sujet d'il y a quelques semaines. Début juin, la firme change sa politique de confidentialité précisant qu'elle compte désormais piocher dans les images et textes publiées par les utilisateurs, y compris sur des pages privées, pour entraîner ses modèles d'IA. Une notification est envoyée aux utilisateurs européens pour les prévenir qu'ils peuvent refuser la collecte, mais la démarche n'est pas si évidente.

Le changement vaut à l'entreprise une série de plaintes déposées par l'association Noyb et la protestation de milliers d'utilisateurs. Meta avait finalement annoncé quelques jours plus tard suspendre l'utilisation des données des utilisateurs pour l'IA dans l'Union européenne. L'entreprise argue que pour permettre aux utilisateurs européens d'avoir un service de qualité, représentant le vocabulaire et la culture de leur région, elle doit utiliser leurs données.

« Nous avons longuement consulté la Data Protection Commission irlandaise - notre principal organisme de réglementation en matière de protection de la vie privée en Europe -, à l'avance. Google et OpenAI utilisent également la même base juridique que nous et disposent d'un formulaire d'objection. Pourquoi ces sociétés ont le droit de le faire, et pas Meta ? » , se défendait, début, juin un porte-parole de Meta auprès de La Tribune. 

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Les utilisateurs deviennent un moyen de faire pression contre les réglementations

Cette stratégie qui consiste à faire pression sur le régulateur en se servant des utilisateurs n'est pas l'apanage de Meta. Fin juin, Apple a renvoyé à plus tard le lancement de son système d'IA générative dans l'Union européenne, du fait d'« incertitudes réglementaires » liées au règlement sur les marchés numériques (DMA). En mars, à la suite de l'entrée en vigueur de ce même texte, Google a pris la décision de retirer son application Maps de son moteur de recherche. Mais pour se conformer au texte, le moteur de recherche aurait pu choisir d'afficher aux côtés de Maps des services similaires d'autres fournisseurs, ce qui n'aurait pas pénalisé les internautes.

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Pas sûre que ces méthodes suffisent à amoindrir les ambitions de la Commission de faire appliquer les textes. Dans une déclaration écrite consacrée à son programme des cinq prochaines années, Ursula von der Leyen, reconduite jeudi pour un second mandat à la tête de la Commission européenne, a promis de « renforcer et d'intensifier l'application » des textes européens concernant le secteur technologique.

La décision de Meta pourrait aussi s'avérer une bonne nouvelle pour l'écosystème IA européen. Si le géant persiste à ne rien sortir sur le Vieux Continent, cela laisse la place à des rivaux locaux.

Notons que la décision de Meta concerne son modèle multimodal, mais pas la prochaine version, uniquement texte, de Llama 3, qui devrait sortir le 23 juillet selon The Information. Ce modèle sera a priori accessible aux consommateurs et utilisateurs européens.

(Avec AFP)

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Commentaires 20
à écrit le 19/07/2024 à 21:19
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Mettre en avant "mistral" ! Zut de zut, le temps que l'on comprenne qu'on avait une pépite, Microsoft a investi dedans.. Thierry Breton qui veut investir dans l'IA européenne des milliards en avait une sous le nez et gratuite, c'est balot..

à écrit le 19/07/2024 à 13:47
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Tant mieux: 1/ ses concurrents seront contents de cette nouvelle 2/ il est temps de couper le cordon ombilical gafam .. nous rendant dépendant … que les internautes cessent l usage de leur mise en scène sur le net et de raconter » leur vie «  qui ...

à écrit le 19/07/2024 à 13:46
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Tant mieux: 1/ ses concurrents seront contents de cette nouvelle 2/ il est temps de couper le cordon ombilical gafam .. nous rendant dépendant … que les internautes cessent l usage de leur mise en scène sur le net et de raconter » leur vie «  qui ...

à écrit le 19/07/2024 à 13:18
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La question qui vient à l'esprit: "mais à quoi donc sert l'"intelligence artificielle" (la mal nommée)". Ce n'est rien de plus qu'une (immense) base de données. Que ce soit à disposition des scientifiques, leur permettant des corrélations moins évide...

à écrit le 19/07/2024 à 11:07
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Wait and sée on verra si a terme l'Europe est gagnante ou pas. L'UE c'est moins de ,6% de la population mondiale et son économie décline chaque jour un peu plus Au passage je note que l'Europe a été incapable de développer une alternative crédible...

à écrit le 19/07/2024 à 10:40
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Bref Méta/Facebook fait du chantage parceque le RGPD lui empêche de récupérer trop de données sur les utilisateurs. D'ailleurs en matière d'IA il y a déjà de la concurrence et meta n'a pas été le premier à se lancer, à mon avis on ne perd pas grand c...

à écrit le 19/07/2024 à 10:34
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Nous savons les moyens de vous plier en deux ! IA wohl !

à écrit le 19/07/2024 à 9:59
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Bonjour , bien ce n'est pas grave, cela favorisera peut être un opérateur européenne... Après tous s'ils refuse nos règles, ils n'ont pas besoin de notre présence, de notre argent... Fin de l'histoire...Nous refusons de nous plier devant des multin...

le 19/07/2024 à 13:09
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Émergence d'un opérateur européen! vous croyez au père noël. L'UE a été incapable de créer une alternative à Google ni a WhatsApp,toutes les innovations dans le numérique vie‹ent des US. En même temps est ce un drame ?

à écrit le 19/07/2024 à 9:19
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Tout cela pour accumuler des datas inutiles qui peuvent, peut être, servir un jour ! Cela rappelle, les vieilleries que l'on entasse chez soi sous surveillance à l'abris des voleurs ! Vivement le minimalisme ! ;-) Tout ça pour relancer une consommati...

à écrit le 19/07/2024 à 9:15
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N’oublions pas que les GAFA on procédés a un vol massif de nos données jusqu’a que l’Europe mette en place un cadre législatif qui les empêchent (les GAFA) de continuer ce vol massif. Leur IA et autre ne sont qu’un nouvel outil pour nous faucher enco...

le 20/07/2024 à 7:18
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Accusation mensongère puisque les 43 millions de fiches volées aux français via pôle emploi ne l'ont pas été des GAFAM. Tu diffames les GAFAM en utilisant mon pseudo ce qui est totalement inacceptable. Arrêtes de prêcher l'économie à papa, essayons d...

à écrit le 19/07/2024 à 9:07
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Pendant ce temps : Entreprises et administrations rencontrent depuis vendredi matin des difficultés informatiques majeures liées à une panne de service de la multinationale américaine.Une panne mondiale. Microsofta signalé vendredi une panne de se...

à écrit le 19/07/2024 à 8:59
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Déjà que la protection des données dans le domaine du numérique est une vraie passoire, du moins en France, faut-il être surpris? Évidemment non, ou alors faut-il n'avoir jamais eu d'autre point de comparaison en Occident.

à écrit le 19/07/2024 à 8:52
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Ben faut face de bouc de l Europe couper les câbles et créer notevprope eco système il serait temps!! Perso je boycotte tout ce qui est anti européen y compris stes Risses Chinoises et usa

à écrit le 19/07/2024 à 8:38
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Les alternatives de manquent pas. Si ça peut participer au déclin de Méta en Europe ce sera très bien.

à écrit le 19/07/2024 à 8:30
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" Pas de bras...pas de chocolat !" Le niveau! Mais, pouvions nous attendre une autre façon d'agir de ceux qui ont créé la première "couillonade ": Facebook !!!

à écrit le 19/07/2024 à 8:25
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Ouf! Nous serons ( sans doute provisoirement) protégés d'une super "couillonade ".

à écrit le 19/07/2024 à 8:11
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L'UE est nulle, ne sachant plus que compter donc forcément que 'cest un piège pour taxer les GAFAM à savoirs les génies surdoués de l'économie internationale pendant que lems ultinationales européennes croulent sous la corruption et l'incompétence gé...

à écrit le 19/07/2024 à 8:00
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d'un point de vue technique ca se comprend, apres je ne vois toujours pas l'interet de demander la generation de videos de chats qui jouent au ping pong, ou de chansons des beatles interpretees par rammstein.......a un moment faut se poser les bonne...

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