Cybersécurité : les Etats-Unis bannissent le logiciel russe Kaspersky

Par Jean-Victor Semeraro  |   |  755  mots
Les Etats-Unis ont interdit cette semaine à l'entreprise russe, Kaspersky, de vendre ses logiciels sur son territoire. (Crédits : Albert Gea)
Les Américains ont annoncé, jeudi, interdire à l’entreprise russe, Kaspersky, de vendre ses logiciels sur son territoire. Une mesure prise par les autorités pour se prémunir « d’un risque pour la sécurité nationale », alors que les Etats-Unis reprochent au géant de la cybersécurité sa proximité avec Moscou. Washington a même infligé des sanctions économiques à 12 personnes appartenant au management de Kaspersky.

Une décision radicale. Les Etats-Unis ont annoncé, jeudi, que l'entreprise russe, Kaspersky, spécialisée dans la cybersécurité et les antivirus, n'est plus autorisée à vendre ses produits sur le territoire américain. Une sanction qui ne sera que pleinement effective le 29 septembre prochain, le temps aux « clients particuliers et entreprises » de « trouver des alternatives », ont précisé les autorités américaines.

Cette mesure résulte « d'une enquête longue et approfondie qui a révélé que la poursuite des opérations de l'entreprise aux Etats-Unis présentait un risque pour la sécurité nationale, en raison des cybercapacités offensives du gouvernement russe et de sa capacité à influencer ou diriger les opérations de Kaspersky », a précisé le Département du Commerce, dans un communiqué.

12 responsables de Kaspersky sanctionnés

Et visiblement, ce risque ne pouvait pas être contré autrement que par une interdiction pure et simple de l'entreprise russe dans le pays. Preuve que les Etats-Unis prennent cette affaire très au sérieux, le Département du Trésor a annoncé, vendredi, avoir prononcé des sanctions économiques contre 12 personnes du management de Kaspersky.

« L'action d'aujourd'hui contre les dirigeants de Kaspesrky Lab souligne notre engagement à garantir l'intégrité de notre espace numérique pour protéger nos citoyens contre les menaces malveillantes en ligne », a déclaré le sous-secrétaire au Trésor, chargé du terrorisme et du renseignement financier, Brian Nelson.

En retour, Kaspersky a tenu à rappeler son indépendance du pouvoir russe. L'entreprise « a démontré à de nombreuses reprises son indépendance de tout gouvernement » et les Etats-Unis ont « ignoré ces preuves », a-t-elle déploré. Dans un communiqué transmis à l'AFP, la société a jugé la décision du Trésor « injustifiée et sans fondement ».

« Ni Kaspersky ni son équipe de direction n'ont de liens avec un gouvernement, et nous considérons les accusations de l'OFAC comme de pures spéculations, dépourvues de preuves concrètes quant à une menace posée à la sécurité nationale des Etats-Unis », a affirmé le groupe.

De son côté, le Kremlin n'a pas tardé à réagir aux sanctions américaines. C'est « la technique préférée de concurrence déloyale de la part des Etats-Unis. Ils l'utilisent à chaque fois », a tancé le porte-parole de la présidence russe, Dimitri Peskov.

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Un risque technologique

Kaspersky, dont les produits sont utilisés par plus de 400 millions d'utilisateurs dans le monde et 270.000 entreprises, est reconnue mondialement pour son expertise en matière de cybersécurité. Et ce, au travers de son équipe d'experts, dénommée GReAT (Global Research & Analysis Team). Son produit antivirus est particulièrement salué pour sa qualité. Mais ce type de logiciel n'est pas sans risque technologique.

« Le principe d'un antivirus, c'est de tout surveiller, tout vérifier, rappelle Gérôme Billois, partner cybersécurité chez Wavestone. Revers de la médaille, l'antivirus peut être utilisé pour espionner, capter des informations, effacer un disque dur, ou encore masquer une attaque par exemple. »

Et pour être efficace, un antivirus doit être constamment mis à jour. « Il est impossible de vérifier en temps réel que le logiciel ne pose pas de problèmes, donc il y a un vrai risque technologique », abonde l'expert.

Kaspersky dans le viseur depuis une décennie

Les sanctions prises par les Etats-Unis cette semaine, dans un contexte de tension avec la Russie, en raison du conflit en Ukraine, ne sont finalement qu'un épilogue à une décennie de mesures visant à évincer progressivement Kaspersky du pays.

Dès 2017, le ministère de la Sécurité intérieure américain avait enjoint les agences fédérales à cesser d'utiliser les produits de l'entreprise russe. Un an plus tard, c'était au tour du gouvernement fédéral de se voir interdire l'utilisation des produits Kaspersky.

« Les Etats-Unis cherchent à protéger en priorité le gouvernement, les agences fédérales, mais aussi les infrastructures critiques (distribution de l'eau, du gaz, de l'électricité, etc., ndlr) qui sont souvent opérées par des sociétés privées, et à parer des scénario de déstabilisation qui peuvent toucher le grand public », analyse Gérôme Billois.

En France, il sera intéressant de voir la réaction des autorités publiques face à cette décision américaine. Mais comme le rappelle l'expert : « Nous n'avons pas d'antivirus dans l'Hexagone, et nous sommes finalement obligés de faire confiance à des acteurs étrangers. »

(Avec AFP)