Paris 2024 : la victoire en s’aimant

Ils ont remporté une médaille et vibré encore plus pour leur partenaire, également en compétition. Les couples des JO racontent leur double dose d’émotions.
Boladé Apithy, médaillé de bronze au sabre par équipes, et sa femme, Manon Apithy-Brunet, médaillée d’or au sabre.
Boladé Apithy, médaillé de bronze au sabre par équipes, et sa femme, Manon Apithy-Brunet, médaillée d’or au sabre. (Crédits : © LTD / Olivier Arandel/LP/MAXPPP)

On dit qu'en amour il est important de surprendre l'autre. « Tiens, tu as changé ton fond d'écran », remarque Manon Apithy-Brunet en jetant un œil sur le smartphone de son mari, Boladé Apithy, où l'on voit les amoureux du Grand Palais s'enlacer après le sacre de la sabreuse. Sur la dernière touche, l'aîné du couple a bondi sur la piste et soulevé sa championne olympique « aussi haut que la verrière ». À peine ralenti par un léger contretemps : un vigile a tenté de le retenir mais un autre, qui avait vu les tourtereaux ensemble toute la journée, est intervenu. Pauline Ferrand-Prévot a eu moins de chance lors de la course en ligne masculine. Accourue près d'une barrière pour enlacer son homme, le Néerlandais Dylan Van Baarle, la nouvelle reine du cross-country a été (gentiment) repoussée par un agent de sécurité, pas franchement ému par les feux de l'amour.

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Le couple Apithy a vécu cette olympiade comme une revanche. À Tokyo, sous cloche en raison de la pandémie, Boladé avait dû repartir en France juste après sa compétition, en pleine nuit. « À 2 heures », n'a pas oublié Manon, toujours déçue de n'avoir pas pu partager ses deux médailles avec son conjoint. Et peut-être même plus : sans les restrictions sanitaires, le sabreur aurait peut-être demandé sa main dans la capitale japonaise. Une union finalement célébrée quelques mois plus tard.

Chacun dans sa chambre

Ces derniers jours, les demandes en mariage sur les sites de compétition ont proliféré, comme celle d'Alice Finot, quatrième du 3 000 mètres steeple, record d'Europe à la clé. Mais entre athlètes, il n'y en a eu qu'une : celle du badiste chinois Liu Yu Chen à sa compagne Huang Ya Qiong, tout juste sacrée en double mixte. Devant tant d'émotions, celle-ci a été d'abord « très surprise ». Avant de se laisser passer la bague au doigt devant les photographes.

Médaillée de bronze en plongeon, la Britannique Lois Toulson a toujours trois médailles de moins que son fiancé Jack Laugher, monté lui aussi sur la troisième marche du podium dans cette discipline au centre aquatique de Saint-Denis. Mais au moins la décoration de leur maison va bientôt changer. « Ses récompenses sont joliment encadrées, maintenant je vais faire pareil avec ma médaille, a-t-elle prévenu. Je suis impatiente de l'accrocher à côté des siennes. » Amour et Jeux font bon ménage.

Pour Boladé Apithy, 38 ans, « l'objectif principal de cette olympiade était que Manon soit championne olympique ». « Après sa victoire, ajoute-t-il, je me suis dit que nous l'étions tous les deux. » Il assure que son propre parcours n'était « que du bonus ». La Lyonnaise admet qu'elle était « très stressée » le jour du sabre masculin par équipes. La dernière chance de son mari, qui l'a rassurée avec « son smile ». « J'ai vu Boladé s'entraîner pendant dix ans, revit-elle. Je voulais qu'il ait aussi son moment. Il l'a mérité. » À l'issue du relais décisif synonyme de bronze, leurs larmes ont coulé en même temps : celles de Boladé dans les bras de son coéquipier Maxime Pianfetti, Manon dans les gradins.

Sur la piste, Manon Apithy-Brunet cherche son partenaire du regard ; il est son « assistant vidéo » sur les touches litigieuses. Avant et après chaque match, il y a eu « débrief et bisou ». Chaque soir aussi, avant l'extinction des feux à 22 heures, chacun dans sa chambre au village olympique. Jusqu'au petit déjeuner du lendemain, toujours partagé.

Les archers Lisa Barbelin et Thomas Chirault ont vécu une expérience différente. « On a passé les Jeux à se voir de loin », regrette la médaillée de bronze, privée de l'élu de son cœur jusqu'au Parc des champions du Trocadéro, lieu de célébration et de retrouvailles. Là où ils s'étaient quittés le soir de la cérémonie d'ouverture : après le défilé en bateau sur la Seine, ils avaient emprunté le circuit court permettant aux sportifs de s'éclipser discrètement et de rentrer au village olympique pour se reposer. Chacun de son côté. Médaillé par équipes cinq jours avant le podium individuel de son amie, Thomas Chirault avait repéré un petit coin de zone mixte où profiter l'un de l'autre pendant « quelques secondes ». Un instant volé au protocole rigide du Comité international olympique (CIO), qui accapare les athlètes dès la fin de l'effort.

« Réaliser notre rêve en commun »

Entre les interviews et le passage d'Emmanuel Macron au stade de BMX de Saint-Quentin-en-Yvelines, Romain Mahieu a perdu la notion du temps. Le médaillé de bronze de l'invraisemblable triplé français a vécu dix minutes surréalistes. Car la finale de sa compagne, l'Australienne Saya Sakakibara, a suivi presque immédiatement la sienne. « Du coup, j'ai eu plus de temps pour réaliser sa victoire que mon podium », raconte le cycliste lillois. Et savourer, car elle avait « failli arrêter » le vélo il y a deux ans lors d'une phase éprouvante. Informée de la troisième place de Romain juste avant son propre départ, Saya n'a pas été « vraiment déconcentrée ». Jeudi soir, au même endroit, le champion olympique d'omnium Benjamin Thomas s'est accordé un moment dans les bras de son amoureuse Martina Alzini, pistarde de l'équipe d'Italie.

Les couples de l'escrime, du tir à l'arc et du BMX se connaissent à travers l'« armée des champions », un dispositif d'aide aux sportifs de haut niveau sous statut militaire. Au village olympique, le temps de chacun était compté, les échanges réduits à des conversations légères. Mais tous s'accordent à dire que vivre les Jeux à deux a été « encore plus mémorable ». « On s'est investis à 2 000 % pour réaliser notre rêve en commun », affirme Thomas Chirault qui, sous le regard approbateur de Lisa Barbelin, ajoute qu'ils sont « encore sur [leur] nuage ». Avec les rendez-vous qui s'enchaînent, le jeune couple n'a pas assisté aux finales de badminton ni aux matchs de basket 3×3 pour lesquels ils avaient acheté des billets. Ils n'ont « pas trop de regrets ». Même s'il faut revivre plusieurs jours « chacun dans sa chambre », les deux médaillés du tir à l'arc sont « fin prêts » à repartir pour une autre olympiade.

Au sommet de son art, Manon Apithy-Brunet a, elle aussi, l'intention de voir Los Angeles dans quatre ans. Le voyage éventuel de son époux ne dépendra plus de lui : bientôt entraîneur, il posera le pied en Californie seulement si ses futurs élèves « sont performants et se qualifient ».

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Commentaires 3
à écrit le 11/08/2024 à 17:11
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J.O. 2024 ? Ne manquez pas de lire "Oxymore" de Jean Tuan chez C.L.C. Éditions. L'auteur observateur attentif de la Chine, le pays de son père, nous dévoile comment la Chine utilise tous les moyens pour que ses athlètes triomphent au niveau mondial....

à écrit le 11/08/2024 à 17:06
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Leur vie privée doit rester privée, ce ne sont pas les grotesques personnages du spectacle incapables de vivre autrement qu'au travers de leur notoriété, protegeons les plutôt que de les faire plonger, eux ne pourront pas se refugier dans la C ya de...

à écrit le 11/08/2024 à 17:04
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L'impression est inverse en ce qui me concerne ! la contrainte, bon pourquoi pas, mais a côté de la seine, pour moi il s'agit d'une fête privée ! Je suis content pour eux, mais franchement le story telling est dépendant de la ou l'on se trouve et...

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