Paris 2024 : après les Jeux, la peur de la gueule de bois

Des sponsors soutiennent les champions tricolores. Mais qu’en sera-t-il demain ?
Carrefour se prépare pour les Jeux olympiques
Carrefour se prépare pour les Jeux olympiques (Crédits : © LTD / Carrefour)

C'est un signe des temps : la page 5 du rapport d'activité 2023 de la Fondation du sport français ressemble à la liste du CAC 40. Sanofi, Carrefour, Air Liquide ou Saint-Gobain composent le tableau des mécènes des champions. Le cru 2024 montera encore en gamme avec LVMH ou Accor. La raison ? Les Jeux olympiques et paralympiques (JOP). « Depuis trois ans, il n'y a jamais eu autant d'argent pour les athlètes français », constate Sophie Kamoun, agent des nageurs Maxime Grousset et Charlotte Bonnet.

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La manifestation la plus visible est l'explosion des « teams d'athlètes » : les partenaires de Paris 2024 et des entreprises désireuses d'y associer leur nom ont constitué des équipes. S'y mêlent médaillables et jeunes pousses, femmes et hommes, valides et para-athlètes. En échange d'une rémunération et d'aides, ils participent à des campagnes de communication. Entre 400 et 500 sportifs sont intégrés à une team, parfois à plusieurs comme Teddy Riner. Un chiffre en croissance jusqu'à ces derniers mois.

Sensation du tennis de table, les frères Lebrun font partie des têtes de gondole de celle de Carrefour ; la judokate Clarisse Agbegnenou, de celle d'Allianz ; le handballeur Nikola Karabatic, de l'Accor All Champions Family. La BPCE regroupe, elle, 253 athlètes, dont 131 sélectionnés aux JO. Ceetrus, Decathlon, Engie ou Century 21 ont aussi leurs équipes. EDF fait figure de modèle. Tout comme la FDJ, dont l'engagement remonte à 1991.

En 2019, 1 200 athlètes ont postulé à la FDJ Sport Factory. Cinq ans plus tard, 35 bénéficient d'au moins 35 000 euros annuels. La Maif, assureur de 27 fédérations olympiques, s'est engagée avec 11 sportifs, rémunérés entre 20 000 et 25 000 euros. Les aides sont parfois élargies. Accor héberge ses champions lors des compétitions internationales. La FDJ finance des études.

Ce soutien s'appuie sur d'autres piliers, tel le pacte de performance : tout bénéficiaire de ce dispositif reçoit au moins 23 000 euros annuels, versés par une ou plusieurs entreprises associées, qui profitent en retour d'exonérations fiscales. En 2022, 197 athlètes en bénéficiaient. En 2024, ils sont 604 ; 557 entreprises jouent le jeu, investissant 12 millions d'euros en cette année olympique. Trois fois plus qu'il y a quatre ans.

On ne sait pas à quelle sauce on va être mangés

Florian Merrien, paratennis de table

L'Agence nationale du sport (ANS), créée en 2019, est au cœur du système. Elle juge que 23 000 euros par an ne peuvent pas tranquilliser un sportif de haut niveau. Elle en a identifié 630 prioritaires et veille à ce qu'aucun ne vive avec moins de 40 000 euros brut tout cumulé (contrats de performance, d'image, défraiement de clubs, contrats professionnels avec mise à disposition, aides fédérales...). « Aujourd'hui, des sportifs performants en judo, en escrime, même en triathlon ou en pentathlon moderne dépassent souvent largement cette somme », souligne Maguy Nestoret-Ontanon, conseillère haute performance à l'ANS, qui assure que, lors de ces Jeux, personne ne sera sous le seuil de pauvreté (15 000 euros), alors que c'était le cas de 40 % des athlètes à Rio en 2016.

Mais quand la flamme aura quitté Paris, que des contrats signés jusqu'au 31 décembre 2024 auront expiré, qu'adviendra-t-il ? Personne n'ose imaginer une disparition de l'ANS ou du pacte de performance. Mais impossible de prédire si des arbitrages politiques amputeront les budgets. Les regards se tournent vers les partenaires privés. Les derniers arrivés, séduits par les Jeux à Paris, jugeront-ils bon de continuer ? Directrice des partenariats des JOP de Carrefour, Eve Zuckerman résume un sentiment partagé : « Nous avons constitué une équipe pour contribuer à la réussite de cet événement historique, qui passe par le succès des équipes de France. Pour la suite, nous étudierons les opportunités de continuer. »

« C'est du cas par cas, précise Stéphanie Dartervelle, d'Accor. Des champions partiront à la retraite, d'autres continueront. On s'est déjà engagés à continuer avec certains, comme le joueur de cécifoot Hakim Arezki, employé au Pullmann Tour Eiffel. » Fabrice Badreau, responsable des partenariats de la Maif, souligne que l'engagement de ses champions s'est déjà orienté vers les sujets environnementaux, à travers sa team Sport Planète : « On continuera dans ce sens. »

Mais aucun partenaire contacté ne garantit un budget 2025 au niveau du précédent. « Tout pourrait s'écrouler », s'inquiète un agent expérimenté. « Beaucoup vont quitter le navire, acquiesce un autre. La génération d'athlètes arrivés récemment à haut niveau risque d'être déçue. Certains doivent s'imaginer que la normalité, c'est ça. » Champion de paratennis de table, Florian Merrien estime que « c'est aussi aux entourages de les préparer ». Certains de ses contrats s'arrêtent en fin d'année. Il a aussi pris soin d'en signer jusqu'en 2026 voire 2028. « C'est vrai qu'on ne sait pas à quelle sauce on va être mangés, poursuit-il. Mais qui sait : les JO pourraient aussi déclencher d'autres partenariats. »

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Commentaires 2
à écrit le 15/07/2024 à 14:27
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J.O. 2024 ? Ne manquez pas de lire "Oxymore" de Jean Tuan chez C.L.C. Éditions. L'auteur observateur attentif de la Chine, le pays de son père, nous dévoile comment la Chine utilise tous les moyens pour que ses athlètes triomphent au niveau mondial....

à écrit le 14/07/2024 à 9:01
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"La génération d'athlètes arrivés récemment à haut niveau risque d'être déçue." Hé oui le modèle marchand est un échec sur tous les plans. Et je vous garantie que c'était pas compliqué à penser le truc là, 2500 ans de penseurs européens derrière nous...

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