Basket : Steve Kerr veut rendre l’Amérique meilleure

Épris de justice sociale, le coach des basketteurs américains est vent debout contre les violences policières et la prolifération des armes à feu.
Steve Kerr et Kevin Durant lors d’un match NBA entre Phoenix et Golden State, en novembre 2023.
Steve Kerr et Kevin Durant lors d’un match NBA entre Phoenix et Golden State, en novembre 2023. (Crédits : © LTD / Mark J. Rebilas/USA TODAY Sports/PRESSE SPORTS)

Steve Kerr avait le visage grave de circonstance lorsque les médias américains lui ont demandé de réagir à la tentative d'assassinat contre l'ancien président Donald Trump, le 13 juillet. « C'est un nouvel exemple de notre division politique, mais aussi de la culture des armes à feu », a déploré le coach de Team USA, l'équipe masculine de basket, opposée à la Serbie (à 17 h 15 aujourd'hui) pour son entrée dans le tournoi olympique à Villeneuve-d'Ascq (Nord). Songer au tireur armé d'un fusil semi-automatique AR-15 âgé de 20 ans est pour lui « démoralisant » et « effrayant ».

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Si l'Amérique n'était pas décimée par une épidémie de crimes par armes à feu, Steve Kerr parlerait plus souvent le langage du basket. La passion d'une vie. Trente années à enfiler les paniers à l'université d'Arizona puis dans six franchises de la NBA, avec cinq titres de champion à la clé. Dix autres à faire des Warriors de Golden State l'équipe la plus dominante de la dernière décennie (quatre bagues de 2015 à 2022). Mais l'Amérique étant ce qu'elle est, ses prises de parole suivent aussi la chronologie macabre des tueries de masse à travers le pays.

En mai 2022, l'équipe californienne préparait un match au Texas quand un assassin de 18 ans a ôté la vie à 21 innocents dans une école primaire de l'État, à Uvalde. Les mots déchirants qu'il a prononcés ce jour-là sont restés dans bien des mémoires. « Je suis tellement fatigué de me tenir là à offrir mes condoléances aux familles dévastées, a-t-il commencé, des larmes plein les yeux. Je suis épuisé des minutes de silence. Quand allons-nous faire quelque chose ? » Infatigable opposant au lobby des armes à feu, la puissante NRA, il a accusé ceux qu'il juge coupables : « Cinquante sénateurs [républicains] qui retiennent en otage les 90 % de la population, de tous bords, qui réclament une nouvelle réglementation . »

En NBA, nous dirigeons des hommes dont la plupart sont africains-américains, et nous voyons, entendons et partageons leur sentiment de colère

Steve Kerr

Steve Kerr, 58 ans, est une figure du sport américain. Alors, quand il a invité chacun à penser « à ses enfants, ses petits-enfants, son père et sa mère, ses sœurs et ses frères » et à se mettre à la place des familles endeuillées en se demandant « Comment me sentirais-je si cela venait de m'arriver ? », ceux qui le connaissent se sont souvenus à quel point il était concerné. Car à cette question, l'ancienne gâchette à trois points connaît trop bien la réponse.

Un père assassiné par des fanatiques du djihad en 1984

Dans la nuit du 18 janvier 1984, un appel téléphonique d'un ami de son père l'avait réveillé dans sa résidence étudiante. Deux coups de feu tirés dans le dos par des fanatiques du djihad islamique avaient atteint mortellement Malcolm Kerr, en route pour son bureau de président de l'université américaine de Beyrouth (Liban). « Comme toutes les personnes à qui rien de tragique n'arrive, nous pensions qu'aucun drame ne nous toucherait jamais », a-t-il raconté dans le podcast de David Axelrod, ancien conseiller de Barack Obama.

Sa renommée pour les années passées chez les Chicago Bulls de Michael Jordan (1993-1998) a offert une tribune médiatique à Steve Kerr. « On me pose des questions, pourquoi ne devrais-je pas y répondre ? » L'état de son pays lui a donné de nombreuses occasions de partager ses convictions. L'élection à la présidence de Donald Trump également. Invités à la Maison-Blanche après leurs titres de champions en 2017 et 2018, comme c'est la tradition, ses Warriors ont décliné. Le leader de l'équipe, Stephen Curry, avait battu froid au dirigeant républicain, coupable à ses yeux d'attaques répétées contre les sportifs qui s'agenouillent pendant l'hymne américain en protestation contre les violences raciales. Steve Kerr a soutenu sans réserve. En 2016, les Warriors au complet avaient rendu visite à Barack Obama, un grand fan des Bulls, dans le Bureau ovale.

Comité de lutte contre l'injustice raciale

Sur le réseau social X, Steve Kerr n'a rien publié depuis le 18 novembre 2021, mais sa photo de profil vaut bien des mots : deux maillots floqués du prénom et du nom de George Floyd - cet Américain noir asphyxié après avoir été maintenu sous le genou d'un policier blanc à Minneapolis en 2020 - et des chiffres 8 et 46, soit la durée de son ignoble agonie sur le bitume. Peu après, l'actuel entraîneur de Team USA s'est rendu auprès de jeunes activistes du mouvement Black Organizing Project, à Oakland, pour écouter et échanger. « Il se battra toujours pour ce qui est juste », a constaté l'ancien Warrior Damion Lee. Dans une Amérique tellement divisée, ce père de trois enfants n'a pas eu peur d'applaudir la condamnation à vingt et un ans de prison du meurtrier en uniforme.

Avec son ami Gregg Popovich, l'entraîneur de Victor Wembanyama chez les Spurs de San Antonio et le précédent sélectionneur américain, Steve Kerr a contribué à la création d'un comité de lutte contre l'injustice raciale. « En NBA, nous dirigeons des groupes d'hommes dont la plupart sont africains-américains, et nous voyons, entendons et partageons leur sentiment de dégoût, de frustration, d'impuissance et de colère », avaient-ils expliqué quelques jours après le meurtre de George Floyd. Ils avaient réuni tous leurs collègues afin de trouver des moyens d'agir dans les villes où sont implantées les trente franchises NBA. « Nous avons le pouvoir d'influer sur le changement, et nous allons l'utiliser », avaient-ils encore assuré. À leurs yeux, qui en ont vu tellement, « les voix et les actions comptent ».

Avant les Jeux olympiques, Steve Kerr s'est dit « fier » de travailler avec Stephen Curry ou LeBron James, des sportifs engagés et des citoyens « indignés » qui ont « fait connaître leurs pensées ». Des ambassadeurs dignes de rendre sa grandeur à l'Amérique.

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Commentaire 1
à écrit le 28/07/2024 à 8:50
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25% de la finance international est liée au crime organisé sans que l'on puisse la distinguer de la finance "légale" si cela existe. L'engeance est systémique.

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