Marathon : « Cette côte, je ne la monte pas sans tire-fesses »

Reportage sur la route du Pavé-des-Gardes, où s’est dessinée la victoire de l’Éthiopien Tamirat Tola devant plusieurs milliers de personnes exaltées.
Record olympique pour Tamirat Tola, qui remporte la course en 2h06’26”, hier à Paris.
Record olympique pour Tamirat Tola, qui remporte la course en 2h06’26”, hier à Paris. (Crédits : © LTD / REUTERS/Lisa Leutner)

Une bande de quatre, la vingtaine, déboule au petit trot. Sous leurs yeux se déploie la vertigineuse route du Pavédes-Gardes, hier à Sèvres. Ses interminables 700 mètres à 10 % de dénivelé en moyenne, avec des pics à 15 %, promettent d'être le juge de paix du marathon, le plus dur de l'histoire olympique. Elle ne décevra pas.

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« Même en station debout, je sens bosser mes quadriceps », lance le plus bavard. « Cette côte, je ne la monte pas sans tire-fesses », lui rétorque une amie, alors qu'un troisième, drapeau tricolore en main, est prêt à faire l'effort, désignant d'un coup de menton les barrières qui délimitent le parcours. « Tu te rends compte, on va pouvoir courir à côté de Kipchoge », double détenteur du titre olympique. Le dernier cherche sur son téléphone le visage du Français qu'ils ont décidé de soutenir. « Nicolas Navarro ressemble à ça », annonce-t-il. Il est alors 8 heures, les coureurs s'élancent de la place de l'Hôtel-de-Ville, à Paris.

Encadrée par la forêt de Meudon, la côte n'est pas la gouailleuse rue Lepic à Montmartre, prise d'assaut une semaine plus tôt par Parisiens, Belges et Néerlandais venus enflammer la course cycliste. Mais peu à peu, elle se remplit, jusqu'à accueillir plusieurs milliers de spectateurs. Diogo et Julien ont pris la route depuis Orléans. « On s'est garés à 3 kilomètres et on a fini en courant », détaille Diogo, qui vaut un excellent 2 h 44 au marathon. Connaisseurs, les deux copains se posent quelques dizaines de mètres avant le sommet. « C'est ici que la course va se jouer. »

Encore une heure à patienter, quand l'atmosphère s'anime. Deux Belges, Fleur et Birgit, viennent nouer leur drapeau sur une barrière métallique. En éclaireuses. Surgissent bientôt des centaines de compatriotes. « On est parties à 3 heures du matin de Gand et de Courtrai, dans huit cars d'environ 70 personnes, expose Fleur. On vient pour supporter Bashir Abdi et Koen Naert. C'est le club de Bashir qui organise. »

Olas, gyrophares et zigzag

Henri, 84 ans, est venu en voisin et amateur éclairé. « La course à pied, c'était ma vie, raconte cet ancien ingénieur. Même pour aller à l'école, je courais. C'était tout près d'ici. » Adulte, il a avalé la côte de l'observatoire de Meudon, situé à deux pas, trois fois par semaine. Il admire les coureurs, s'étonne des allures annoncées. « Ils vont vraiment grimper à 4'30" au kilomètre ? »

Soudain, Montmartre n'est plus si loin. Des « Let's go Belgium » sortent des mégaphones, du Claude François des enceintes. Des olas sont déclenchées au passage de coureurs amateurs lancés sur la route, à la manière des cyclistes du dimanche sur les cols du Tour de France. Drapeaux et maillots français fleurissent. Ici ou là, un Américain, un Japonais ou un Néerlandais s'ajoutent. Voitures et motos de gendarmes et policiers se succèdent sur le parcours, annonçant le peloton. Ils chauffent la foule à coups de klaxon et de gyrophare. Des membres de l'organisation grimpent à vélo. L'un d'eux zigzague, en souffrance. Il est acclamé comme un marathonien.

Henri, 84 ans, est venu en voisin et amateur éclairé. « Ils vont vraiment grimper à 4'30" au kilomètre ? »

Il est près de 9 h 30 quand Tamirat Tola pointe à l'horizon. L'Éthiopien a attaqué au pied de la côte. Il conservera jusqu'aux Invalides sa vingtaine de secondes d'avance, et battra le record olympique en 2h06'26''. Le mur de supporters exulte au passage de Bashir Abdi, futur médaillé d'argent. Le Kényan Benson Kipruto complétera le podium. Le premier Français au sommet, Hassan Chahdi, reçoit sa ration d'« Allez les Bleus ». Il finira 20e, derrière Nicolas Navarro (16e), mais devant Felix Bour (50e). Surprise, les idoles Kenenisa Bekele (39e) et Eliud Kipchoge (abandon) sont reléguées. Mais acclamées. Les dos sont courbés, les traits tirés. Certains semblent au ralenti. Ils doublent pourtant des cyclistes de l'organisation.

Même étiré, le gros des coureurs est passé si vite. « Ça a duré quoi, cinq minutes ? » s'étonne une spectatrice. On guette les retardataires pour faire durer le plaisir. Avant de quitter la route de la côte des Gardes. En coupant par la forêt, pour éviter la grimpette.

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