Les Jeux sont faits

La France a basculé en mode olympique cette semaine. Et s’apprête à organiser vendredi la cérémonie d’ouverture la plus ambitieuse de l’Histoire. Que la fête commence !
Les anneaux olympiques sur la tour Eiffel, depuis l’esplanade du Trocadéro.
Les anneaux olympiques sur la tour Eiffel, depuis l’esplanade du Trocadéro. (Crédits : © LTD / J-F ROLLINGER / ONLYPARIS.NET)

Sur la terrasse surplombant la Seine de ce bel hôtel parisien, Tony Estanguet et Thomas Jolly devisent. La tranquillité apparente du patron du comité d'organisation (Cojop) et de son directeur artistique tranche avec le tournis à venir : dans une semaine, ils seront aux premières loges et en première ligne pour le spectacle du siècle. Seize étages plus bas, des ouvriers s'activent sur un élément du décor, une entrée de métro Art nouveau, semble-t-il. Plus loin, un pont avec des grillages et des embouteillages. Le suivant est surmonté de gradins payants pour la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques, la première hors stade, le long de la Seine, avec 326 000 spectateurs. Le panorama qui s'offre à eux dit ceci : les JO sont là.

« C'est un peu vertigineux après avoir passé neuf ans dans ce projet, admet Tony Estanguet. Quand on a ouvert le village aux athlètes jeudi, on s'est dit qu'on y était. On ne peut plus se cacher et dire que ça va bien se passer : il faut que ça se passe bien. » Avec cette cérémonie et ces Jeux en ville, la France n'a pas choisi la facilité. Elle veut marquer les esprits, laisser une trace majestueuse. « On est prêts », martèle l'organisation.

Mais les défis restent quotidiens. Ce jour-là : une panne informatique mondiale. Des menaces de grèves planent toujours. Tout comme le Covid, vaguement de retour après avoir plombé les derniers JO, à Tokyo en 2020. Ou les cyberattaques russes. Certains fantômes ont aussi resurgi...

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SÉCURITÉ: La menace est multiple

Depuis le début de l'aventure Paris 2024, lancée au lendemain des attentats de 2015, une inquiétude écrase les autres : celle de l'attentat terroriste en mondovision. Dans un contexte international incandescent, avec les guerres à Gaza et en Ukraine, le pays demeure en état d'alerte maximum. Des projets d'actes criminels ont régulièrement été déjoués depuis le début de l'année, encore cette semaine avec l'interpellation d'un jeune néonazi en Alsace. La menace est multiple, mais d'abord diffusée par l'État islamique.

En réponse, le déploiement de force est exceptionnel. Pendant les JO, 35 000 policiers et gendarmes occuperont le terrain chaque jour ; 18 000 militaires complètent le dispositif selon les besoins. Sans compter 1 750 renforts étrangers, venus d'une quarantaine de pays. La cérémonie d'ouverture vendredi soir cristallise l'attention : 45 000 policiers et gendarmes seront à pied d'œuvre, aidés par plusieurs milliers de militaires et les trois unités d'élite (BRI, GIGN et Raid), qui collaborent pour la première fois. Le tout avec : inspection de la Seine par des plongeurs, bateaux de sécurité pré-positionnés, tireurs sur les points hauts, systèmes radars et brouilleurs de drones, « spotters » (observateurs de foule), démineurs, équipes de lutte contre la menace bactériologique, chimique et nucléaire, brigades cynophiles, réseau souterrain sécurisé...

Au sol, les fameux périmètres de sécurité ont été instaurés cette semaine, générant des situations confuses. Après quelques inquiétudes, « il n'y a pas de défaillance en matière de sécurité privée », a enfin observé le préfet d'Île-de-France, Marc Guillaume. Même s'il reste encore quelques personnes à recruter pour atteindre les objectifs de 22 000 agents, plus 3 900 en réserve en cas de no-show. Les enquêtes administratives ont par ailleurs conduit à écarter plus de 3 500 personnes qui devaient participer de près ou de loin.

Les sites et leurs abords ne seront pas les seuls sous surveillance renforcée. Cinquante unités mobiles lutteront contre la délinquance à Paris et à proximité, cinq à dix fois plus que l'habitude. Et 700 patrouilles sécuriseront les transports parisiens. De fait, si un sentiment de crainte ne quittera ni les autorités ni la population jusqu'au 11 août, c'est aussi parce que la menace peut frapper ailleurs, pour profiter de la lumière indirecte des JO. Les attaques contre un militaire à la gare de l'Est et un policier sur les Champs-Élysées ainsi que la voiture folle ayant percuté une terrasse mercredi près du Père-Lachaise ou l'arrestation d'un islamiste radicalisé, lourdement armé, vendredi à Poissy (Yvelines) - des faits sans lien officiel avec les JO - font remonter d'angoissants souvenirs. Et racontent une ambiance. « Je suis confiant, confie Tony Estanguet. C'est un sujet sur lequel on travaille depuis des années. Le relais de la flamme à Paris avec 500 000 personnes s'est très bien déroulé. On reste concentré sur nos sujets. »

SEINE: Petites baignades et gros débit

Trop polluée un jour, trop haute le lendemain, inhabituellement agitée jusqu'à ces derniers jours : la Seine aura parasité l'agenda des préparatifs olympiques. Les images d'Anne Hidalgo y étirant un crawl mercredi, trente-six ans après la promesse de Jacques Chirac, ont fait le tour du monde, preuve que le sujet a fasciné au-delà du périphérique. « Quand on a écrit ça dans le dossier de candidature en 2015, c'était audacieux, resitue Tony Estanguet, qui s'est aussi mis à l'eau. À quelques jours des Jeux, on a démontré que c'est un sujet sous contrôle alors qu'il était source d'inquiétudes. » En juillet, les analyses de la qualité de l'eau ont presque toutes été conformes aux normes sanitaires.

Pour autant, les bateaux pourront-ils manœuvrer le jour de la cérémonie d'ouverture ? Triathlètes et nageurs en eau libre pourront-ils disputer leurs compétitions ? Face à ces interrogations, les autorités continuent d'afficher leur optimisme. Confortées par la météo enfin estivale et les prévisions rassurantes. Les pluies exceptionnelles ont pourtant joué avec leurs nerfs. Corrélés, le débit, la hauteur et les taux de pollution de la Seine se sont affolés alors que 1,4 milliard d'euros ont été investis dans des bassins de stockage et systèmes de dépollution.

À cinq jours de la cérémonie d'ouverture, le fleuve conserve un débit entre deux et trois fois supérieur aux normales saisonnières. « Aucune inquiétude, assuret-on en coulisses alors que des répétitions se sont tenues hier et sont prévues toute cette semaine. Les bateaux de la cérémonie adapteront leur vitesse grâce à leurs moteurs. » Quant aux triathlètes, habitués à nager en eaux troubles, ils ne sont pas davantage préoccupés. « Ce courant n'a rien d'exceptionnel pour eux », explique un proche de l'équipe de France. Mieux, il convient aux représentants tricolores, « d'excellents nageurs qui pourraient faire des écarts en remontant le courant ». Un comble, si l'agitation du fleuve débouchait sur une médaille.

SPORT: Pluie de médailles attendue

Au lendemain de la désignation de Paris comme ville hôte en 2017, la ministre des Sports Laura Flessel s'était laissé griser : objectif 80 médailles. Malgré les rétropédalages, le chiffre est resté. Rond. Symbolique. Irréaliste, même si les moyens consacrés à la haute performance ont augmenté de 70 % depuis 2019. L'idée est que la France intègre le top 5, ce qui ne lui est plus arrivé depuis Atlanta en 1996 (grâce à 15 médailles d'or), et batte son record de breloques, qui date de Pékin en 2008 (43). Poussée par le « home advantage », psychologique (le public) et quantitatif (plus d'athlètes), la délégation tricolore devrait y parvenir selon les projections de la société Gracenote depuis un an. La dernière étude, en juin, promettait 56 médailles, dont 29 en or, ce qui classait la France troisième derrière les États-Unis et la Chine. Il est probable que l'ultime livraison, mardi, prolonge cette tendance. D'autant que le contingent d'athlètes russes et biélorusses (31), qui concourront sous bannière neutre, est moins fourni que celui de l'équipe des réfugiés (37).

Comme à Tokyo en 2021, le judo, tracté par Clarisse Agbegnenou et Teddy Riner, devrait être le gros plus pourvoyeur. Il pourrait même lancer la France sur la voie royale dès samedi, avec Shirine Boukli et Luka Mkheidze. Tout comme l'escrime, qui détient le record de médailles du sport français (123). Antoine Dupont, avec l'équipe de France de rugby à 7, pourrait aussi offrir un joli feu d'artifice inaugural (lire page 7). Car pour que les Jeux soient réussis et pour embarquer le pays, il faut gagner, mais aussi éviter de lanterner avant de noircir le tableau des médailles.

Pressenti comme la star des Jeux, le nageur Léon Marchand, 22 ans, entre en lice dès le deuxième jour avec le 400 mètres 4 nages, dont il effacé le record du monde de la légende Michael Phelps. La première de ses quatre courses, avec au moins trois médailles potentielles au bout. « Je sais qu'en France c'est difficile de gagner une fois et de gagner à nouveau, a soufflé le Toulousain exilé aux États-Unis, cette semaine. J'ai envie de faire mon propre chemin et d'essayer de prouver que c'est possible. » En deuxième semaine, un miracle n'est pas à exclure en athlétisme, discipline phare des JO longtemps promise à un zéro pointé, ou en breaking, seul nouveau sport au programme. Mais il vaut mieux compter sur les sports collectifs, handball et volley en tête, pour revivre un dernier week-end de folie comme il y a trois ans.

Les JO en bref

8,9 milliards d'euros

Le budget des Jeux olympiques, 4,5 milliards pour le comité d'organisation (Cojop) et 4,4 milliards pour la Société de livraison des ouvrages (Solideo)

8,7 millions

de tickets vendus pour les JO (26 juillet-11 août), record d'Atlanta battu. La billetterie des paralympiques (28 août-8 septembre) a dépassé le million.

L'agenda

Lundi, 18 h 30

Ouverture de la 142e session du Comité international olympique à la Fondation Louis Vuitton

Mercredi, 15 heures

Premiers matchs de football, Ouzbékistan-Espagne à Paris et Argentine-Maroc à Saint-Étienne

Vendredi, 19 h 30

Cérémonie d'ouverture des JO entre le pont d'Austerlitz et le Trocadéro

Samedi, 10 h 30

Premier podium, au tir à la carabine mixte à 10 mètres, à Châteauroux.

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Commentaires 4
à écrit le 21/07/2024 à 21:58
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Les jeux sont faits ! l indécence les salaires astronomiques des dirigeants ( lu dans la presse )

à écrit le 21/07/2024 à 19:18
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Je prends l'avion jeudi pour des vacances loin de cette mascarade qui profite qu'à des privilégiés. J'attends le plus intéressant le bilan financier qui va peut être doucher l'enthousiasme de certains . J'invite le président de la région PACA et l'ex...

à écrit le 21/07/2024 à 9:48
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J.O. 2024 ? Ne manquez pas de lire "Oxymore" de Jean Tuan chez C.L.C. Éditions. L'auteur observateur attentif de la Chine, le pays de son père, nous dévoile comment la Chine utilise tous les moyens pour que ses athlètes triomphent au niveau mondial....

à écrit le 21/07/2024 à 7:45
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Avec notre pognon.

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