Jeux olympiques de Paris 2024 : les saisonniers ont-ils déserté les régions au profit de la capitale ?

PARIS 2024. Jeux olympiques obligent, Paris se prépare à accueillir des visiteurs du monde entier. Pour gérer ce pic d’affluence, des travailleurs saisonniers viendront prêter main-forte. Pour autant, les saisonniers ont-ils déserté les régions pour Paris ou inversement ? Éléments de réponse.
Cette année, le groupe espagnol Kampaoh peine à recruter des saisonniers. La faute aux JO, d'après le directeur commercial et marketing.
Cette année, le groupe espagnol Kampaoh peine à recruter des saisonniers. La faute aux JO, d'après le directeur commercial et marketing. (Crédits : Kampaoh)

En avril dernier, la RATP a organisé un job dating géant. Objectif : recruter un millier de saisonniers pour renforcer l'accueil en station pendant l'été qui verra Paris transformé par les Jeux olympiques et paralympiques. C'est cinq fois plus comparé à un été classique. Il faut dire que, cette année, pas moins d'1,5 million de voyageurs de plus sont attendus comparé à un été classique.

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Contactée par La Tribune, la régie précise que les saisonniers recrutés sont, pour la grande majorité, des enfants d'agents RATP et sont tous domiciliés en Ile-de-France. Une aubaine pour ces derniers alors que trouver un logement relève de l'exploit d'autant plus cet été, période durant laquelle la crise du logement à Paris atteint son pic.

Le hic du logement

Car c'est là que le bât blesse. Bien que les JO puissent jouer un rôle d'attractivité auprès des saisonniers, ces derniers se heurtent toujours à la problématique du manque de logements. Conséquence des fortes tensions à Paris, les saisonniers manqueraient à l'appel. Et les professionnels de l'hôtellerie/restauration, un secteur en déficit de main-d'œuvre avant même les Jeux, éprouveraient toujours des difficultés à pourvoir les postes. Un constat établi par Laurent Barthelemy, président de la branche saisonniers de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih) qui note par ailleurs une baisse d'affluence touristique, conséquence du temps instable du mois de juin et de la campagne électorale inattendue des législatives. Il raconte :

« Début juin, nous avons organisé un job dating des métiers de l'hôtellerie, café et restauration au Hall Carpentier à Paris avec la présence de 80 entreprises qui recrutaient près de 250 salariés. Nous n'avons pas eu un franc succès. La fréquentation n'était pas au rendez-vous. »

L'ensemble des besoins n'est donc pas pourvu.

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 De son côté, Éric Gras, spécialiste du marché de l'emploi pour Indeed France, note une hausse du nombre d'offres d'emplois saisonniers (+75% pour le secteur de la restauration et +57% pour le secteur de l'hôtellerie) comparé à février 2020, aussi bien en Île-de-France (+29,6%) qu'en régions (+99% en Corse, +62,8% en Paca, +51,4% en Nouvelle Aquitaine, +46,8% dans les Pays de la Loire). « Pour anticiper cette problématique du logement, les employeurs parisiens auraient pourtant lancé plus tôt leurs recrutements et devancé leurs homologues en région. Malgré tout, il n'y a pas eu de grande vague migratoire vers la capitale », observe-t-il. Les JO ne changeraient donc finalement pas la donne.

« Le marché de l'emploi est en tension en Ile-de-France et dans les autres grandes villes de Province depuis plusieurs années. Et puisque toutes les grandes villes subissent ce phénomène, il n'est, bien souvent, pas profitable pour les saisonniers de quitter la campagne pour la ville si c'est pour lutter à trouver un logement, par exemple », dixit Éric Gras.

Pas de perturbations liées aux JO

Un constat partagé par Jérôme Vayr, président de Vacances Bleues (opérateur du tourisme social) qui gère 25 établissements en France, dont la moitié d'hôtels, des résidences de tourisme et clubs/villages vacances avec une forte présence sur les côtes atlantique et méditerranéenne. « Si vous ne logez pas les saisonniers, ils ne viennent pas », résume-t-il. Vacances Bleues aurait donc été amené à faire « des choix draconiens » : « des chambres destinées à la clientèle touristique ont été réquisitionnés pour loger la majorité des saisonniers, 6 à 8 appartements ont été loués et des moyens engagés pour la qualité de leur accueil ». Contrairement à ce qu'il craignait, Jérome Vayr n'a pas rencontré de difficultés pour recruter cette année 200 nouveaux saisonniers pour l'animation, l'hébergement et la restauration sur les 350 postes nécessaires pour passer la saison estivale. « Nous pensions être secoués en 2024 en raison des Jeux Olympiques. Finalement, ce n'est pas le cas. » Un constat qui vaut aussi pour ses deux hôtels parisiens où Vacances Bleues a recours à des saisonniers d'appoint. Une dizaine de postes seulement restaient à pourvoir début juillet.

« Nous constatons un petit impact des JO pour les postes en CDI, mais n'avons pas été réellement perturbés. Nous nous inquiétons davantage des difficultés de circulation que pourraient rencontrer nos salariés cet été », commente-t-il.

Une situation largement partagée dans le monde de l'hôtellerie et des logements de vacances, même si des exceptions demeurent.

Kampaoh note lui un « effet JO »

C'est un tout autre discours que tient, en effet, le groupe espagnol Kampaoh qui ne cesse de gagner du terrain avec ses tentes haut de gamme dans les campings. Implantée à Nantes, il est aujourd'hui présent dans plus de 100 destinations, dont 7 en France et de nouvelles implantations aux Sables d'Olonne, à La Rochelle et sur l'Île de Ré. Soit 300 hébergements en tout.

Pour l'entreprise, cette saison estivale s'annonce au beau fixe avec des réservations qui se multiplient. Pour l'assurer, elle a déjà recruté davantage de saisonniers : 68 contre 42 en 2023, pour l'accueil et le ménage. 30% viennent de Paris et sa région, les autres sont des étudiants étrangers (Espagne...) ou des jeunes travailleurs locaux. Mais force est de constater que les candidats manquent à l'appel. « Nous avons seulement reçu 25 candidatures (contre 100 l'année dernière) », se désole José Luis Avila, directeur commercial et marketing. En date du 9 juillet, 10 postes restaient encore à pourvoir. Kampaoh va donc avoir recours à l'interim pour combler ses besoins ou aller chercher des candidats en Espagne où ils seraient plus nombreux.  La faute, selon lui, aux JO.

« J'ai contacté d'anciens saisonniers et beaucoup sont montés à la capitale pour les Jeux. »

Les quelques arguments avancés par Kampaoh pour leur « vendre une expérience vacances/travail » (rémunération attractive, deux jours de repos consécutifs, parcours d'intégration, accès au camping...) n'auraient donc pas suffi à attirer les saisonniers. « Il faut dire que les JO sont une expérience unique à vivre, je peux les comprendre », admet-il.

Toutefois la situation décrite par Kampaoh serait belle et bien isolée. Alors que les JO arrivent à grand pas, les saisonniers auraient davantage mis le cap en direction du littoral délaissant ainsi la Ville Lumière où la pénurie de logements empêche clairement la main-d'œuvre de se déplacer.

En Nouvelle-Aquitaine, les saisonniers présents mais la fréquentation dissipée par les JO

Les contrats saisonniers se concentrent d'abord sur le littoral. Avec ses quatre départements côtiers, la Nouvelle-Aquitaine est la région qui accueille le plus de main d'œuvre estivale. En ajoutant ses sites touristiques fréquentés dans les terres dont Bordeaux, les montagnes du Béarn et du Limousin ou le Futuroscope, c'est un besoin d'au moins 30.000 saisonniers qu'il faut couvrir pour l'hébergement et la restauration. Mais là non plus, les difficultés de recrutement ne sont pas pires que d'habitude en cet été olympique. « La situation n'est pas si compliquée que ça par rapport aux JO. Les professionnels ont mis des cellules de recrutement bien en amont », observe Christelle Chassagne, présidente du Comité régional du tourisme (CRT) de Nouvelle-Aquitaine.

L'événement mondial ne semble pas provoquer la ferveur des saisonniers, qui privilégient toujours le cadre balnéaire à l'agitation de la capitale. Ce qui n'empêche pas les tensions. « Il y a un manque d'attractivité du métier à cause de conditions difficiles, des rémunérations parfois trop faibles et des pénuries de logement qui restent majeures », rappelle encore Christelle Chassagne. Des problèmes depuis longtemps irrésolus.

Le problème spécifique cette année, c'est la faible fréquentation des territoires touristiques : 60 % des professionnels du secteur se disent en baisse d'activité par rapport à 2022 selon le CRT. La météo et les élections n'ont pas été favorables. Les prévisions pour juillet ne sont pas meilleures. 18% estiment même que les JO sont responsables de ce manque d'intérêt pour le littoral.

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Commentaire 1
à écrit le 18/07/2024 à 8:53
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De plus, croyez vous que cela va nous passionner ? Non ! Mais c'est une excellence fenêtre mondiale pour voir la décrépitude française ! ;-)

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