Partir à l'aventure dans l'espace demeure un rêve encore inaccessible. C'est la prochaine terra incognita, maintenant que l'ensemble du globe semble avoir été exploré. À défaut d'embarquer dans une navette spatiale, cette échappée propose d'observer l'univers intergalactique depuis l'une des cinq réserves internationales de ciel étoilé de France : le parc national du Mercantour, à cheval sur les Alpes du Sud et les Alpes-de-Haute-Provence. Ce label récompense un ciel nocturne exceptionnel, attesté par des mesures de noirceur, désormais rarissime en Europe. Un tiers de la population mondiale est privé de Voie lactée. Là, l'altitude et l'air très sec font de ces montagnes méridionales un haut lieu historique de l'observation astronomique.

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L'astrotourisme y prend son envol, avec l'inauguration d'un observatoire à Barcelonnette cet automne, suivie de l'ouverture, mi-2025, d'une maison départementale de l'environnement et de l'observation à Valberg. À la tombée de la nuit, le slow aventurier avance à pas feutrés dans le silence, les sens en éveil, sa lampe frontale allumée uniquement dans les passages délicats. Perchée à 2 860 mètres, la cime de la Bonette offre le meilleur balcon sur l'atmosphère ce début de soirée. En une vingtaine de minutes, les yeux s'habituent à l'obscurité. Nous voyons presque comme un hibou, ou comme une chouette de Tengmalm, rapace nocturne qui apprécie cette absence de pollution lumineuse des lieues à la ronde : les villages des environs coupent l'éclairage public à 23 heures l'été. Même les habitants jouent le jeu, sensibilisés à éviter les spots dans les piscines ou les lanternes solaires dans les jardins.

(Crédits : © Laurent Malthieux/ Aube et caméra infra rouge à Tabourde)

3 500 astres à observer

La démarche un peu pataude devient plus féline, renouant avec cette mobilité primale perdue depuis l'arrivée de la fée électricité. « Nous contemplons le ciel comme le voyaient nos ancêtres avant l'urbanisation, dans le parc national le plus sauvage de France avec ses vallées étroites peu praticables : l'œil peut observer 3 500 étoiles, contre 1 000 en ville », note Marc Aynié, accompagnateur en montagne partenaire du parc. Des chauves-souris sorties chasser les insectes nous frôlent. Il ne manquerait plus que des hurlements de loups, réapparus dans le Mercantour, pour nous faire frissonner encore plus... L'ouïe s'a ne, captant un éboulement sans doute provoqué par un mouflon. Les plus observateurs guettent le clignotement de la Station spatiale internationale qui fait le tour de la planète en une heure et demie, à bord de laquelle la Française Sophie Adenot succédera à Thomas Pesquet en 2026.

Forestière, la chouette de Tengmalm se rencontre dans les massifs résineux d'altitude du Mercantour.  (Crédits : ©LTD / CÉDRIC ROBION)

Comme pour les satellites, la lumière qui s'en dégage n'est en réalité que le reflet sur ses parois métalliques des rayons du soleil frappant depuis l'autre côté de la Terre. Il est près de minuit et il fait 6 °C, loin des nuits chaudes de la Côte d'Azur dont les lumières se devinent à seulement 20 kilomètres à vol d'oiseau. Première à apparaître, l'étoile du berger, Vénus, ouvre le bal. Cette balade poétique a pour éclaireurs les dieux de l'Antiquité : le guide dégaine son pointeur à laser rouge sur Mars, reconnaissable à sa couleur orangée, puis Jupiter, plus grande planète du Système solaire. Une lunette d'observation permet de distinguer les anneaux de Saturne, « une image surréaliste qui provoque toujours de l'émotion, voire des vocations », s'émerveille Yohan Archambaud, médiateur scientifique en astronomie depuis vingt-cinq ans.

À l'œil nu, la galaxie d'Andromède, la plus proche de notre système solaire, à 2,5 millions d'années-lumière, ressemble à une tache floue, légèrement allongée, tel un ballon de rugby aplati. Dans la mythologie grecque, cette princesse était la fille de Cassiopée dont nous cherchons à distinguer la constellation, en forme de W. « Face à ces points de repère millénaires pour les Grecs mais aussi les Perses, les Arabes ou les Chinois, nous nous déconnectons de la réalité, plongés dans le mystère de l'Univers et l'imaginaire », apprécie Antony Turpaud, agent du parc spécialisé en photographie nocturne. Ces signes célestes invitent à rêver, prendre de la hauteur et voyager dans le temps, les deux pieds dans le Mercantour.

Slow aventure
La semaine prochaine, pour le cinquième épisode de notre série (à retrouver dans Slow Aventures, paru aux éditions Arthaud), découvrez un safari ornitho dans la Brenne.