Des falaises rouges qui plongent dans la mer, une eau couleur turquoise sous le soleil méditerranéen... La réserve de Scandola est l'un des plus beaux sites maritimes de la Corse, classé au patrimoine mondial de l'Unesco. Ce décor se révèle si grandiose qu'il est le premier lieu de France à avoir été adoubé pour son double intérêt : une zone terrestre de 919 hectares et un espace marin couvrant environ 750 hectares, sur la côte ouest. Mais, depuis 2022, le site a été déchu de son label d'espace européen protégé, en raison d'une surfréquentation touristique et du manque de protection de ses espèces emblématiques, dont le balbuzard pêcheur. Cet oiseau est devenu le symbole de la réserve, car c'est ici qu'il a pu être sauvé de l'extinction : si, en 1973, on n'en dénombrait plus que trois couples, un programme de sauvegarde a permis de multiplier la population par dix. Cet été, seuls neuf nids étaient occupés. Des mesures de protection restreignent la navigation et le mouillage jusqu'à fin juillet, parfois fin août.

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Scandola ne s'approche que par la mer, en voilier, en petit bateau à moteur ou dans des navettes touristiques depuis Porto, Calvi, Ajaccio voire Porticcio. Alors qu'il y a foule sur l'eau en juillet et août, cette deuxième échappée propose de l'explorer différemment, à bord d'un kayak de mer. Ce raid de cinq jours en autonomie débute au sud, à Cargèse. Il offre de caboter le long du littoral jusqu'aux calanques de Piana, falaises de plus de 300 mètres de haut taillées dans un porphyre rouge orangé. Notre petite équipe fend la mer d'huile d'un mouvement de pagaie précis et délicat, le trait d'eau se refermant immédiatement derrière nous, dans un silence de cathédrale. La nuit, nous bivouaquons sur une plage surplom-bée par le maquis fleurant bon l'immortelle des sables. Nous dînons d'un poisson frais pêché à la traîne par Éric Verjat, le guide, qui garde toujours une ligne dans son sillage. Nous sommes les hôtes fugaces - avec zéro impact - de cette nature au sommet.

Mystère et légendes

Dans le golfe de Porto, la troisième journée se termine à Girolata, porte d'entrée de la réserve de Scandola. La quatrième journée est consacrée à la découverte de cette presqu'île spectaculaire, à la seule force des biceps. « Nous n'y aurons pas l'impression d'être seuls au monde, mais nous nous faufilerons dans la seule grotte accessible et ouvrirons grand nos yeux, en nous tenant à l'écart des embarcations à moteur », prévient le guide. Cette folie minérale résulte de l'explosion, il y a 250 millions d'années, d'un giga complexe volcanique. Singularité magnétique, des orgues basaltiques s'y sont développées à l'horizontale, sculptures gravées dans la roche qui résultent de la solidification de coulées de lave. Des cavités arrondies, appelées taffoni - « trous » en corse -, ajoutent leur part de mystère, avec leurs formes creusées nourrissant les légendes. Des oiseaux y trouvent refuge, dont la grive musicienne et la deuxième plus grande espèce de chauve-souris d'Europe, connue sous le nom de « molosse », qui affectionne les fissures étroites. De temps en temps, des aigles royaux et des gypaètes barbus descendent de la montagne proche pour croquer quelques poussins de goélands. À flanc de falaise verticale, les chèvres jouent les acrobates.

Couple de balbuzards, espèce emblématique du site. (Crédits : © LTD / Olivier LECLERCQ/HEMIS)

Bivouac et plongées

En fin de journée, le bivouac est installé à l'extérieur de la réserve côté nord, vers Galéria, les kayaks hissés sur le sable. Il est alors l'heure de s'immerger dans cette eau translucide en palmes, masque et tuba, pour observer les poissons colorés frétillant au milieu des anciennes colonies de corail rouge en Méditerranée. Le lendemain, les côtes de la réserve de Scandola se parcourent en sens inverse, sous une autre perspective, pas moins magique au ras de l'eau.

Pour les amateurs de solitude, même au cœur de l'été, Éric Verjat conseille, au nord de l'Île de Beauté, de partir en raid autour du cap Corse ; au sud, de pagayer le long des rives du cap Roccapina ou dans les bouches de Bonifacio, la plus grande réserve naturelle de France métropolitaine. Là, des restrictions visent à protéger le cormoran huppé, le goéland d'Audouin et les sternes pierregarin, au nord des îles Lavezzi. Laissant toutefois un large terrain d'exploration aux aventuriers kayakistes...

Slow aventures

La semaine prochaine, pour le troisième épisode de notre série, retrouvez une chasse au trésor dans le Béarn.