Glisser sur la surface paisible d'un lac à la force des bras, debout, parfois à genoux, au rythme de sa pagaie, le regard posé au loin sur l'horizon... Un paddle se loue en général pour une heure ou deux. Mais cette itinérance invite à voguer durant deux jours sur le lac d'Hourtin, plus grand lac d'eau douce de France, et celui de Lacanau, dans le Médoc atlantique, en Gironde. En maillot, teeshirt et bob sous le soleil, on emporte pour tout bagage un sac étanche que l'on glisse sous l'élastique situé à l'arrière de la planche, dans lequel on glisse une tenue légère pour le soir, une brosse à dents et une polaire.

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Cette grande boucle démarre sur la plage du Montaut, à Carcans-Maubuisson, petit port où se trouve le cabanon du loueur Force 7. « C'est un raid inhabituel et exigeant », prévient Laurent Braure, le loueur, ancien champion de planche à voile qui la parcourt, lui, plutôt en canoë. Mais l'idée de la micro-aventure - une échappée de courte durée - reste de sortir des sentiers battus et d'appréhender différemment un endroit que l'on peut parfois déjà connaître. On se hisse sur sa planche, d'abord à genoux puis debout, rame à la main, le leash (« laisse » en anglais) accroché à la cheville par un scratch afin de rester relié à son paddle même en cas de chute dans l'eau.

La pointe du Tedey. (Crédits : ©LTD / JEAN-EMMANUELJAY)

On met le cap vers l'est pour contourner la première jetée et approcher de l'embouchure d'une voie étonnamment rectiligne qui pique plein sud. Le canal des Étangs a été creusé entre 1860 et 1871 dans le but de drainer cette région de marais frappée alors par le paludisme et permettre le développement de l'exploitation de la forêt landaise. Il a été élargi à la fin des années 1970 pour faciliter l'écoulement des eaux en cas de crue, de quoi former une belle allée aquatique sur laquelle on s'engage à l'abri du vent.

Premier défi à relever : passer sous un pont en s'agenouillant, puis contourner une écluse qui ne fonctionne plus en mettant pied à terre sur une dizaine de mètres, sa planche sous le bras. On se jette de nouveau à l'eau pour avancer au milieu des nénuphars et des libellules avec l'impression de filer à toute allure. Dire que l'océan rugissant, ses rouleaux et ses baïnes sont si proches, à même pas 10 kilomètres, de l'autre côté du cordon dunaire...          De petits chênes verts, des arbousiers et des pins bordent notre progression silencieuse au sein de la réserve naturelle de l'étang de Cousseau. Les plus chanceux apercevront un balbuzard pêcheur plonger ou une aigrette blanche s'envoler...

Au milieu des roseaux et des iris sauvages

Au bout de deux bonnes heures, voire trois heures, nous débouchons sur l'étang de Lacanau, à l'ambiance plus intimiste que celui de Carcans-Hourtin avec ses conches, nom local des petites criques. Nous piquons vers l'ouest en direction du Moutchic, où nous pagayons au milieu des roseaux parsemés d'iris sauvages, de lobélies de Dortmann violettes ou de scirpe des marais. Il faut contourner les tonnes à canard, ces cabanes rustiques où s'installent les chasseurs à la nuit tombée, à partir de début août, pour guetter le gibier d'eau.

(Crédits : ©LTD / DR)

On rejoint notre campement pour la nuit, le camping Le Tedey. Avec le plaisir d'arriver par les flots et non par l'entrée classique et sa barrière, en glissant sa planche sur le sable...                Pas si aventuriers, nous ne plantons pas la tente mais nous prenons nos quartiers dans une cabane améliorée, une tiny house ou une tente lodge, après nous être enregistrés à l'accueil.  Le lendemain matin, au réveil, nous faisons craquer les aiguilles de pin sous nos pieds nus. Cette deuxième journée nous emmène jusqu'à la Grande Escoure, dont la pointe boisée ressemble une tête de crocodile, la gueule grande ouverte, des pins esseulés faisant penser à des dents.

Nous rebroussons chemin, l'île aux oiseaux semblant bien trop loin avec le vent qui se lève    et crée un léger clapot. Les plus sportifs explorent la marina de Talaris, nichée dans les arbres, un hameau de maisons privées au bord des flots bleus, certaines sur pilotis comme à Venise, version forestière. Après une sieste sur le rivage, nous regagnons le canal des Étangs pour le prendre en sens inverse jusqu'au lac d'Hourtin. Là, l'itinérance pourrait se poursuivre en pédalo, en catamaran ou en wingfoil... ou sur l'océan, avec une session surf en paddle, armé de sa pagaie pour dompter les vagues.