Au lendemain d'élections législatives inédites, qui rebattent les cartes du paysage politique français en ne donnant la majorité absolue à aucun parti, l'hémicycle de l'Assemblée nationale se voit désormais divisé en trois blocs politiques relativement équilibrés. Alors que le pouvoir d'achat, les thématiques sociales et l'état de l'économie se placent aujourd'hui dans le top 5 des préoccupations les plus déterminantes pour les Français, d'après une étude Appinio pour LSA menée le 17 juin dernier, le résultat de ces élections hâtives, marquées par la colère, la souffrance et la frustration, doit nous conduire à regarder en face les fractures de notre société. Parmi elles, la fracture numérique, au carrefour de ces trois thématiques.
Face à une population toujours touchée à 17% par l'illectronisme (Insee - chiffres de 2023), les enjeux de fond liés à l'accès à Internet demeurent éminemment actuels. Plus qu'une question économique, il en va aujourd'hui de l'avenir social de la France. 84 % des démarches identifiées comme prioritaires par le gouvernement en 2022 peuvent en effet être réalisées sur Internet actuellement. Pour autant, l'accès à un débit de connexion suffisamment bon pour pouvoir les faire reste une chance que ne partagent pas tous les Français en 2024, malgré son caractère essentiel.
Des coûts d'exploitation élevés dans les campagnes
Certes, la France est très avancée dans le « fibrage » de son territoire, avec 86% des foyers éligibles à l'installation de la fibre optique, à la fin du premier trimestre 2024. Néanmoins, ce chiffre, qui fait honneur au secteur des infrastructures numériques de notre pays (nous sommes parmi les plus avancés en Europe), cache une réalité bien plus ambivalente.
En effet, le pacte de la fibre dans les territoires, basé sur le principe d'un tarif identique en tous points du territoire national, est aujourd'hui menacé. À l'initiative des collectivités, des réseaux ont pu être déployés dans les territoires les plus enclavés de notre pays afin de vaincre la fracture numérique. Toutefois, du fait de coûts d'exploitation très élevés en zones rurales, les règles du jeu économique applicables aux industriels qui construisent et exploitent ces réseaux, édictées il y a une décennie, sont désormais intenables. Sans un outil de péréquation efficace au bénéfice des collectivités les plus défavorisées, le risque est aujourd'hui de voir les tarifs varier, en fonction de la zone où chacun habite.
Le risque d'une amplification de la fracture numérique
Alors que, le plus souvent à l'image de leurs homologues des autres formations politiques, les représentants du Nouveau Front populaire appelaient dimanche soir à « faire en sorte que notre pays se retrouve [...] sur des bases claires, des valeurs claires, celles de la République », InfraNum, représentant les entreprises du secteur des infrastructures numériques, juge primordial d'interroger notre Assemblée nationale sur la place qui sera réservée aux sujets numériques, et avec eux sur l'accès à l'information, à l'éducation, à la santé, dans l'hémicycle de demain.
Devons-nous laisser un sentiment de déclassement s'installer également au sujet de l'égalité dans l'accès à la société de l'information ? La fracture numérique s'amplifiera-t-elle entre les villes et la campagne ? N'est-il pas urgent d'éduquer aux outils numériques, pour ne pas subir les conséquences de la désinformation ? L'État acceptera-t-il de porter un projet numérique, social et économique pour notre pays ?
Contrebalancer les disparités géographiques
Mesdames et messieurs les députés, inscrivons une stratégie numérique globale, inclusive et tournée vers le développement économique de notre pays, comme priorité. Déjà inégaux face à cette question, nos concitoyens pourraient être d'autant plus fracturés demain, si votre engagement pour l'égalité ne se traduit pas par des mesures claires, permettant de contrebalancer les disparités géographiques de nos territoires. Notre modèle social en dépend.
Sujets les + commentés