Emmanuel Biden vs Marine Trump

CHRONIQUE LE MONDE À L'ENDROIT — Le débat télévisé qui opposera jeudi Joe Biden à Donald Trump sera décisif pour entrer dans le vif de la campagne présidentielle américaine. Mais il permettra aussi de mieux comprendre en miroir les différences fondamentales qui séparent la majorité sortante en France de l’alliance des droites dessinée par le Rassemblement national.
François Clemenceau
(Crédits : © LTD / DR)

Même s'il s'en défend, Emmanuel Macron a beaucoup emprunté depuis 2017 à Barack Obama. Leur élection avait tout d'improbable. Le second parce qu'il était noir et insuffisamment expérimenté après moins de quatre années seulement passées au Sénat. Le premier parce qu'il était aussi très jeune et n'avait jamais affronté le suffrage, et parce qu'il avait osé lancer son mouvement quelques mois seulement avant de défier frontalement tous les partis traditionnels. Une fois à l'Élysée, le disruptif en chef n'avait pas tardé à faire l'objet des mêmes critiques que celles émises à l'encontre de son modèle américain. Trop intellectualisant, pas assez proche des gens, naïf quant à la capacité de convaincre ses adversaires de travailler ensemble et autopersuadé de pouvoir modifier par la force de ses idées les dures réalités internationales.

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Sur ce dernier point, ce fut le cas dès le départ pour Obama avec le défi des printemps arabes et pour Macron face à la Russie de Poutine. Dans leur mode de relation avec les opinions publiques, les deux dirigeants ont essayé d'être novateurs, passant par-dessus les médias traditionnels ou à côté d'eux pour leur préférer un accès plus direct aux citoyens via les réseaux sociaux ou en se frottant aux experts de tous les sujets sauf de la politique politicienne. Tous deux ont été réélus. Obama plus facilement que Macron car son adversaire - Mitt Romney - était faible. En France, la réélection du président français en 2022 a été facilitée par le tabou de l'arrivée de Marine Le Pen à l'Élysée. L'Américain ne s'en est aussi jamais caché, sa hantise était de voir une droite devenue très dure, celle du Tea Party, s'emparer de la Maison-Blanche après son départ. Même chose pour Macron, qui a souvent confié en privé, avant sa conférence de presse du 12 juin, son effroi à la perspective d'avoir échoué à maintenir l'extrême droite française en minorité.

Marion Maréchal, nièce prodigue

Bien qu'il se soit préparé à devenir président pendant huit ans aux côtés de Barack Obama, « à un battement de cœur du Bureau ovale », Joe Biden ne s'est pas transformé ces quatre dernières années en clone de son ancien partenaire. Lui, le vieux sénateur du Delaware, avait bien plus d'expérience politique et ne s'est jamais résigné à tendre la main à ses adversaires républicains en vue de bâtir des majorités bipartisanes sur des textes importants. En vain. Aujourd'hui, alors que Donald Trump est toujours au coude à coude avec lui dans les sondages, une partie du camp démocrate est en panique à l'idée de voir Donald Trump revenir se venger. Le débat télévisé qui aura lieu jeudi sur CNN entre le vieux président américain et son adversaire septuagénaire - sur qui les orages s'abattent sans jamais le tremper - sera très important pour la suite de la campagne. Mais il permettra aussi de mieux saisir le gouffre fondamental qui sépare la droite américaine que Trump a extrémisé et la gauche centriste qu'a toujours incarnée Joe Biden.

En France, ne nous y trompons pas : le Rassemblement national version Bardella est une copie à peine déformée de ce qu'est devenu le Parti républicain aux États-Unis, c'est-à-dire un mouvement libéral et interventionniste devenu farouchement protectionniste et isolationniste, avec en prime la perspective de meilleures relations avec la Russie de Poutine. N'était-ce pas déjà Steve Bannon, éminence grise du président Trump, qui était venu se faire acclamer au congrès du Rassemblement national de 2018 à Lille sous les yeux émerveillés de Marine Le Pen ? Cette même année, Marion Maréchal, aujourd'hui nièce prodigue revenue dans le giron familial, n'était-elle pas l'une des invitées d'honneur de la CPAC (la conférence annuelle des ultraconservateurs) près de Washington ? Elle y avait rendu hommage à la politique « America First » de Donald Trump avant de revendiquer « La France d'abord » pour notre pays. En anglais, elle avait dénoncé une Europe qui « est en train de tuer lentement des nations millénaires ».

Jordan Bardella, lui, s'il a fini, comme Marine Le Pen, par reconnaître la validité des résultats de l'élection de Joe Biden en 2020, n'en reste pas moins solidaire du bilan et du discours trumpistes. Notamment sur le sujet économique et identitaire de l'immigration. Mais nombreux sont les responsables locaux du Rassemblement national à avoir minoré l'assaut du Capitole par les partisans de Trump. Joe Biden a fait de sa réélection un nouveau combat pour « l'âme de la nation » américaine. Emmanuel Macron s'est jeté dans la bataille de la dissolution avec l'espoir de voir la clarification qu'il en attend l'emporter sur les peurs et les haines. À la MaisonBlanche comme à l'Élysée, on redoute la vague conjointe de Trump et du protégé de Marine Le Pen, et pas uniquement parce que ce serait objectivement une magnifique victoire pour Vladimir Poutine...

François Clemenceau

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Commentaires 2
à écrit le 23/06/2024 à 12:20
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Je comparerais plutôt l'élection d'Obama à celle de François Hollande car l'un comme l'autre succédaient à des présidents clivants et il fallait faire retomber la pression. Macron renvoie lui à Sarkozy car passés les discours de campagne, la manière ...

à écrit le 23/06/2024 à 9:00
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Comparer Le Pen a Trump c'est comparé une voiture sans permis avec une Bugatti.

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