La SNCF cherche des solutions face aux tensions sur les approvisionnements

Face aux modifications structurelles des chaînes d'approvisionnement - qui peinent toujours à fonctionner de manière nominale - le groupe SNCF se dote de nouveaux moyens pour préserver ses performances opérationnelles.
Léo Barnier
Geodis a installé un autostore pour répondre aux besoins logistiques de SNCF Voyageurs à Moissy-Cramayel.
Geodis a installé un "autostore" pour répondre aux besoins logistiques de SNCF Voyageurs à Moissy-Cramayel. (Crédits : Yann Audic/SNCF Voyageurs)

Les difficultés d'Airbus à accélérer ses cadences de production l'ont encore illustré il y a quelques jours : les tensions sur les chaînes d'approvisionnement apparues dans la foulée de la crise sanitaire sont toujours présentes. Et elles concernent tous les secteurs industriels, avec des perturbations dues à la disponibilité des matières premières telles que l'acier, le carbone ou l'aluminium, aux difficultés de recrutement, aux pénuries de composants électroniques, aux fermetures d'usines ou encore aux tensions géopolitiques. Face à l'absence d'améliorations, l'industrie cherche donc des solutions à l'image de la SNCF qui travaille depuis plusieurs années sur le sujet avec sa stratégie Supply Chain 2025.

La fin du zéro stock

SNCF Voyageurs, l'opérateur ferroviaire du groupe, gros consommateur d'équipements et de pièces pour l'entretien de son matériel roulant, a ainsi dû se résoudre comme beaucoup à remettre à plat son organisation logistique et à prendre des dispositions lourdes pour faire face aux aléas de la chaîne d'approvisionnement. « Nous avons essayé de réagir et nous souhaitons avoir une supply chain qui soit à la fois résiliente, agile et efficace. C'est pour cela que nous avons lancé, avec notre partenaire Geodis (filiale logistique du groupe SNCF, NDLR) un plan de modernisation de notre chaîne d'approvisionnement », explique Xavier Ouin, directeur industriel de SNCF Voyageurs et directeur du matériel.

La première mesure prise dans ce cadre est la sécurisation des stocks. Une mesure qui se retrouve très largement dans l'industrie, qui rompt ainsi avec les préceptes du « juste à temps », hérités du toyotisme et généralisés à partir des années 1980.

« Ces dernières années, cela a été plus compliqué que par le passé. Pendant très longtemps, nous avons vécu avec la théorie du zéro stock. C'était simple, nous commandions une pièce, cela allait très vite, il n'y avait pas de stock dans les usines et tout tournait comme une horloge. Ce n'est plus tout à fait comme ça », analyse Xavier Ouin.

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Un inventaire qui enfle

De fait, le taux de service pour les références entrantes est tombé de 80% avant le Covid à moins de 65%. Il remonte désormais vers les 70%, mais cela reste insuffisant pour Xavier Ouin, qui déplore le manque d'améliorations visibles jusqu'ici. « Quand, dans un cas sur trois, nos fournisseurs ne nous livrent pas les pièces dans les délais et les quantités attendus, nous faisons du stock pour compenser cette non-qualité », poursuit-il.

Une manœuvre qui est loin d'être isolée, comme l'indique Marie-Christine Lombard, présidente du directoire de Geodis, dont les équipes opèrent au niveau mondial : « Le monde du zéro stock est fini. Il n'y a pas que la SNCF qui a cette réflexion, tous nos clients reconstruisent des stocks. »

SNCF Voyageurs s'est donc résolu à augmenter la valeur de son inventaire par rapport à l'avant-crise pour réduire ses risques. Ce mouvement a été amplifié par la nécessité d'augmenter de 25% le nombre de références pour se préparer à l'arrivée de nouveaux trains et assurer l'approvisionnement du programme Opter pour la rénovation à mi-vie de 40% du parc de TER, mais aussi par l'inflation qui a pu atteindre jusqu'à 20% selon les pièces. Au total, ce stock représente désormais près de 820 millions d'euros, soit 150 à 200 millions d'euros de plus qu'avant le Covid. « C'est considérable, mais c'est le prix à payer si on veut avoir une certaine sécurité dans nos centres de maintenance », ajoute-t-il.

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Trouver de la place

Pour faire face à cet afflux de pièces, deux solutions s'offraient donc à SNCF Voyageurs et Geodis. La première est de louer des bâtiments supplémentaires, ce qui coûte cher. D'autant plus que les installations disponibles deviennent des denrées rares avec l'exigence de zéro artificialisation nette posée par la loi Climat et résilience de 2021. La seconde est d'optimiser l'existant, en rationalisant la répartition des stocks.

C'est cette deuxième option qui a été retenue par SNCF Voyageurs et Geodis. D'où un investissement de plus de 8 millions d'euros sur la plateforme de Massy-Cramayel en Ile-de-France, qui constitue « le centre névralgique, le navire amiral, la pièce maîtresse de l'outil industriel de notre supply chain » tel que le décrit Xavier Ouin. D'une superficie de 60.000 m², elle dessert plus de 100 points de livraison répartis entre 35 technicentres.

Cette modernisation, dévoilée la semaine dernière par Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs, et Marie-Christine Lombard, présidente du directoire de Geodis, s'appuie principalement sur la mise en place de l'un des plus grands autostore de France - c'est-à-dire un système de stockage et de récupération automatisés. Doté de 14 robots, qui gèrent 65.000 bacs de pièces de différentes tailles, ce nouvel outil modulaire permet surtout d'économiser 6.000 m², qui ont pu être réattribués au stockage d'autres éléments.

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Adossé à d'autres moyens innovants, il doit aussi contribuer à faire passer les délais de livraison de certaines références de 5 jours à 1 jour. « C'est une pièce maîtresse pour nous pour continuer à gagner des marchés et surtout avoir une qualité de service exemplaire face à la concurrence », s'est réjoui Christophe Fanichet.

Ce type d'équipements est amené à se multiplier à en croire Christine Lombard : « Dans ce métier de la logistique, nous voyons arriver de plus en plus ce type de mécanisation, afin d'optimiser l'espace et de rentabiliser l'ensemble. » C'est le troisième de ce type ouvert par Geodis en l'espace de quelques mois, après celui consacré au groupe de défense KNDS et un autre aux Etats-Unis pour le secteur du vêtement.

Une chaîne d'envergure pour la SNCF

Avec 15.000 trains à mettre en œuvre chaque jour pour transporter 4 millions de passagers, SNCF Voyageurs doit s'assurer d'avoir un outil industriel puissant sous peine d'avoir des trains dans l'incapacité de partir ou dans un état dégradé.

Un enjeu décrit par Xavier Ouin, directeur industriel de SNCF Voyageurs et directeur du matériel : « Il faut de la maintenance de qualité qui permette d'assurer la fiabilité, la disponibilité du matériel. Pour faire cette maintenance, il faut des pièces qui viennent soit de nos fournisseurs, soit de nos ateliers de réparation. Tout cet approvisionnement constitue une véritable chaîne composée de tous les métiers qui permettent d'avoir les pièces en temps et en heure, tels les achats, l'ingénierie, la logistique, les centres de réparation... Et si un seul de ses composants ne fonctionne pas, la supply chain ne marche pas. »

La chaîne d'approvisionnement de SNCF Voyageurs est ainsi composée de pas moins de 1.000 fournisseurs, avec 150.000 références, et « brasse » un chiffre d'affaires annuel de 1,1 milliard d'euros. « C'est absolument colossal », assure Xavier Ouin. Et pour assurer cela, il faut donc des capacités logistiques robustes, comme l'affirme pour sa part Christophe Fanichet, PDG de SNCF Voyageurs, qui n'hésite pas à affirmer que « la logistique, c'est le nerf de la guerre ». D'où ce partenariat renforcé avec Geodis au sein du groupe SNCF.

Léo Barnier

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