Législatives : l'eau et l'agriculture cristalliseront-elles les protestations contre un gouvernement RN ?

10.000 personnes sont attendues entre le 16 et le 21 juillet dans les Deux-Sèvres, autour des « mégabassines » de Sainte-Soline qui ont provoqué de violents affrontements en 2023. Si le Rassemblement national devait gouverner, les organisateurs donnent un nouvel objectif à cette mobilisation contre l'« accaparation » de l'eau : la « construction d'une riposte et d'un mouvement antifasciste massif ».
Giulietta Gamberini
L'année dernière, la réponse musclée de l'Etat avait en effet été critiquée comme à l'origine d'une aggravation du conflit. Cette année, on ne sait même pas qui sera le ministre de l'Intérieur lors de l'évènement.
L'année dernière, la réponse musclée de l'Etat avait en effet été critiquée comme à l'origine d'une aggravation du conflit. Cette année, on ne sait même pas qui sera le ministre de l'Intérieur lors de l'évènement. (Crédits : Reuters)

L'objectif serait de donner le la et le départ de la « résistance » face à un éventuel « gouvernement brun »Les organisateurs du Village de l'eau, prévu du 16 au 21 juillet à Melle, dans les Deux-Sèvres, ont décidé de lui donner un sens politique.

« Le risque imminent d'un gouvernement 'brun' est une raison de plus pour maintenir ce rassemblement qui sera le premier événement de résistance », a déclaré cette semaine Julien Le Guet, porte-parole du collectif Bassines Non Merci, cité par l'AFP.

Deux journées « de manifestations et d'actions de masse »

Quelque 10.000 personnes sont attendues à ce rassemblement, dont la tenue est annoncée, et redoutée par les autorités, depuis des mois. Il se tiendra en effet près des réserves de substitution de Sainte-Soline où, fin mars 2023, de violents affrontements avaient opposé manifestants et gendarmes lors d'une précédente mobilisation contre ces « mega-bassines » à destination agricole. Et il aura lieu à peine une semaine avant le début des Jeux Olympiques, à un moment où les forces de l'ordre seront déjà fortement mobilisées dans tout le pays.

Les premières journées seront consacrées à la discussion et à la formation autour de la mobilisation contre « l'accaparement et la privatisation de l'eau » mais aussi, désormais, autour de la « lutte antifasciste » et au « lien entre écologie et démocratie », explique l'organisation Attac qui, avec 150 autres (dont les Soulèvements de la Terre et la Confédération paysanne) conçoit le mouvement. Puis, les 19 et 20 juillet, deux journées « de manifestations et d'actions de masse » sont prévues « dans le Poitou et ses alentours », rapporte l'AFP. Sous la forme « d'occupations, de blocages ou de désarmements » d'installations, elles cibleront des « bassines (ou leurs réseaux) qui viennent d'être construites, en chantier ou en projet », ainsi que « certains dispositifs majeurs du complexe agro-industriel ». Des convois de manifestants sont attendus d'Allemagne, de Belgique et d'Italie.

« En cas de victoire électorale du Rassemblement national, les débats du Village et l'objectif immédiat des mobilisations seront profondément bouleversés par la situation. Les luttes pour l'eau et l'agriculture paysanne se poursuivront dans la durée, mais la « construction d'une riposte et d'un mouvement antifasciste massif » sur divers autres plans deviendront évidemment un enjeu central de la mobilisation.

Le Village de l'eau sera quoi qu'il arrive un des espaces immédiats de construction d'une riposte et d'un mouvement antifasciste massif », lit-on sur le site de Bassines Non Merci.

Des précisions ne seront toutefois fournies qu'après les législatives, le 10 juillet, en fonction des résultats du scrutin.

« Moyen de production » ou « accaparation »?

La construction de « retenues de substitution » pour irriguer des terres cultivées, appelées par leurs détracteurs « mégabassines », est devenue en France l'un des sujets les plus sensibles opposant les syndicats agricoles majoritaires aux défenseurs de l'environnement ainsi qu'à certains agriculteurs. Alors que les premiers essaient de parer à la raréfaction d'un « moyen de production » essentiel pour la « souveraineté alimentaire », les deuxièmes s'insurgent contre une telle « accaparation » de la ressource hydrique à des fins productivistes.

Lire: Mégabassines, un anniversaire redouté en pleine crise agricole

Le gigantesque réservoir d'eau destiné au stockage agricole à Sainte-Soline a cristallisé les dernières années ce conflit. Il pourrait désormais se retrouver au centre d'une première mobilisation générale contre les projets sociétaux et économiques de l'extrême droite, qui selon Bassines Non Merci, « aggravent toujours les processus d'accaparement des (biens, ndlr) communs ».

Le collectif d'agriculteurs qui porte le projet est donc déjà très inquiet et en colère.

« Décider d'accueillir une telle manifestation sur notre territoire, c'est encore une fois prendre le risque d'attirer des activistes radicaux animés par la seule volonté d'en découdre avec les forces de l'ordre », dénonce Thierry Boudaud, président de la Coop de l'eau, cité par l'AFP, en déplorant le « ton belliqueux » des organisateurs.

Pour leur part, les participants risquent d'être d'autant plus échauffés que, depuis les affrontements de 2023, le conflit autour des « méga-bassines » est loin de s'être apaisé. Au contraire, la crise agricole a permis aux syndicats majoritaires des agriculteurs, qui réclamaient une « accélération des projets de stockage d'eau », d'obtenir des victoires déplorées par leurs opposants. Le projet de loi d'orientation agricole, mis en suspens par la dissolution de l'Assemblée nationale, devait notamment permettre de réduire les délais et les contentieux contre ces installations.

Lire: Méga-bassines: pourquoi de nombreux projets « autorisés » sont toujours bloqués

Or, jusqu'à présent les défenseurs de l'environnement n'ont quasiment pas réagi sur le terrain à cette mesure, ni d'ailleurs aux nombreuses autres concessions aux agriculteurs issues de la crise agricole. Même les commémorations de l'anniversaire de Sainte-Soline, en mars, n'ont pas provoqué de débordements. Mais la promesse d'« adopter un moratoire sur les méga-bassines » figure parmi les actions des 15 premiers jours du Nouveau Front Populaire.

Un ministre de l'Intérieur encore inconnu

Reste néanmoins à savoir comment la mobilisation sera gérée par les autorités. L'année dernière, la réponse musclée de l'Etat avait en effet été critiquée comme à l'origine d'une aggravation du conflit. Cette année, on ne sait même pas qui sera le ministre de l'Intérieur lors de l'évènement. Il est donc difficile de prévoir l'approche politique qui sera adoptée et les instructions qui seront données.

Lire: Méga-bassines: les opposants préparent une plainte contre Darmanin pour avoir « menti sous serment »

Pour l'instant, la commune de Melle a déclaré l'événement en préfecture, qui lui a demandé mercredi de compléter son dossier sur les « mesures à prendre pour garantir la sécurité des personnes et des biens ». Les manifestations des 19 et 20 juillet n'ont en revanche pas encore été déclarées auprès des services de l'État, mais les organisateurs expliquent avoir encore le temps, et préférer attendre de connaître le contexte politique suivant le second tour des élections. Le Village de l'eau, en revanche, aura lieu dans tous les cas, a déjà prévenu Julien Le Guet.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 2
à écrit le 06/07/2024 à 9:29
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Pendant ce temps : Il soutenait être celui qui murmurait à l’oreille d’Emmanuel Macron… et part désormais chasser en terres lepénistes. « Conseiller chasse » officieux du chef de l’État, Thierry Coste assure, dans une tribune adressée au Parisien ...

à écrit le 06/07/2024 à 6:47
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Les zadistes et les lanceurs d'alertes sont les derniers garants de l'humanité.

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