Agriculture : gauche et droite unies autour de la défense du revenu des producteurs

Un candidat du Nouveau Front Populaire (NFP) réclame devant le juge administratif l'application d'une disposition de la loi Egalim. Le syndicat agricole Coordination rurale a décidé de le soutenir.
Giulietta Gamberini
Candidat malheureux du Nouveau Front populaire aux élections législatives, Charles Culioli se bat pour faire appliquer une mesure de la loi Egalim qui vise à protéger consommateurs et agriculteurs.
Candidat malheureux du Nouveau Front populaire aux élections législatives, Charles Culioli se bat pour faire appliquer une mesure de la loi Egalim qui vise à protéger consommateurs et agriculteurs. (Crédits : Reuters)

Le mariage, à première vue, surprend. La Coordination rurale (CR), deuxième syndicat agricole français, souvent classé à droite, vient d'annoncer dans un communiqué vouloir se joindre à l'action judiciaire d'un avocat et candidat socialiste du Nouveau Front Populaire (NFP), Charles Culioli. Une association créée par ce dernier, Justice pour nos agriculteurs, a en effet déposé en juin un recours devant le tribunal administratif de Paris pour contester la non application d'une mesure des lois dites « Egalim », censées garantir un revenu juste aux agriculteurs. La CR a décidé de la soutenir.

Une interdiction non appliquée

La mesure dont Charles Culioli et la CR réclament l'application est l'article 44 de la loi « pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous » de 2018. Il prévoit l'interdiction de vendre « des denrées alimentaires ou produits agricoles pour lesquels il a été fait usage de produits phytopharmaceutiques ou vétérinaires ou d'aliments pour animaux non autorisés par la réglementation européenne ou ne respectant pas les exigences d'identification et de traçabilité imposées par cette même réglementation ». Il impose à l'autorité administrative de prendre « toutes mesures de nature à faire respecter » cette interdiction.

Selon un rapport parlementaire publié fin 2023 et cité par l'AFP,  les molécules interdites au niveau communautaire sont 907.

Mais « dans les faits, cette loi n'est pas appliquée et le gouvernement le reconnaît ! Depuis 2000, les importations ont presque doublé en France (+ 87 %) et selon l'INRA, jusqu'à 25 % des produits importés en France ne respectent pas les normes minimales imposées aux producteurs français », déplore l'association Justice pour nos agriculteurs sur son site.

L'article 44 de la loi Egalim de 2018 avait d'ailleurs été adopté par amendement contre l'avis du gouvernement, rappelle Charles Culioli.

« Concurrence déloyale »

C'est en effet un règlement européen de 2005 qui prend le pas. Il prévoit la fixation de « limites maximales de résidus (LMR) » harmonisées au niveau de l'UE. « Les LMR sont établies de façon à rester bien en deçà des seuils toxicologiques, c'est-à-dire de manière à ce que les quantités de résidus qu'un individu est susceptible de retrouver quotidiennement dans son alimentation ne soient en aucun cas toxiques, à court et à long terme », affirme le ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire sur son site.

En février, Justice pour nos agriculteurs avait déjà demandé au gouvernement de prendre toutes les mesures nécessaires pour l'application de  l'article 44 de la loi Egalim. L'absence de réponse dans les deux mois est considérée comme une décision implicite de refus.

Un sujet « autant de droite que de gauche »

Dénonçant « une concurrence déloyale », et revendiquant le soutien du candidat socialiste aux législatives dans l'Eure, Philippe Brun (qui affrontera en duel ce dimanche 7 juillet un candidat du Rassemblement national), l'association demande aussi des indemnités au nom du préjudice subi par les agriculteurs et les consommateurs.

Le but est de faire ce qui est possible pour les agriculteurs « à droit constant », explique Charles Culioli.  Or, la Coordination rurale s'est aussi montrée « motivée » par cet objectif, explique l'avocat, qui affirme avoir consulté tous les syndicats agricoles. La Confédération paysanne (plutôt classée à gauche) serait aussi intéressée à se joindre à l'action : les discussions sont en cours. La Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), syndicat majoritaire, n'a en revanche pas donné suite.

« Nous travaillons avec ceux qui veulent faire avancer l'agriculture et la sauver », explique à La Tribune la présidente de la Coordination rurale, Véronique Le Floc'h.

Ce sujet « est autant de droite que de gauche » a pour sa part déclaré à la presse le secrétaire général du syndicat, Christian Convers.

Une approche différente selon les partis

Dans les programmes des différents partis en lice pour les législatives, la défense des agriculteurs français contre la « concurrence déloyale » de pays tiers fait en effet consensus, comme d'ailleurs la défense de revenus « justes » pour les producteurs. Les moyens prévus pour y parvenir, toutefois, diffèrent.

Si le Nouveau Front populaire veut « interdire l'importation de toute production agricole ne respectant pas nos normes sociales et environnementales », il prône un nivellement vers le haut. Il souhaite ainsi « rétablir le plan Ecophyto, interdire le glyphosate et les néonicotinoïdes (déjà interdits en France mais pas dans l'UE, ndlr) avec accompagnement financier des paysans concernés ».

Le Rassemblement national promet aussi de « renforcer les contrôles des importations pour mettre fin à la vente de produits étrangers ne respectant pas les normes françaises »Il dénonce toutefois « l'écologie punitive », et plaidait en février pour l'arrêt total du plan Ecophyto, visant à réduire de moitié l'usage de pesticides en France avant 2030. Il semble donc être plutôt favorable à un nivellement vers le bas.

Ensemble ! maintient pour sa part l'objectif du plan Ecophyto, mais la majorité présidentielle a revu cet hiver son principal indicateur, contre l'avis des défenseurs de l'environnement.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 4
à écrit le 06/07/2024 à 11:07
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Le problème c est que les lobbys importateurs et grande distrib sont main dans la main pour tout torpiller font la résistance pour contourner la loi votée par l Europe - voir les centrales d achats en belgique - pays bas - mais que le ministère de...

à écrit le 06/07/2024 à 6:45
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Tandis que les permaculteurs eux aimeraient juste un revenu.

à écrit le 05/07/2024 à 23:14
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Un revenu juste? Un Smic?

à écrit le 05/07/2024 à 17:46
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encore de belles promesses sans lendemain ( politique de l autruche ). CTEA. ET MERCOSUR

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