![Sous l'effet de la baisse de la production nationale, les importations de blé tendre pourrait augmenter , et les exportations vers les pays hors-Ue baisser, prévoit France AgriMer.](https://static.latribune.fr/full_width/2222764/ble-ukraine.jpg)
L'inquiétude croît chez les céréaliers. Les estimations de la production de blé tendre français en 2024 sont en effet mauvaises : Agreste, le service statistique du ministère de l'Agriculture, a avancé mardi le chiffre de 29,7 millions de tonnes. Ce serait 15% de moins que l'année dernière, lorsque la production a atteint 35 millions de tonnes. Et ce serait un fiasco historique : « En vingt ans, seules deux autres récoltes n'ont pas franchi les 30 millions de tonnes », en 2016 et 2020, souligne le service ministériel.
Une baisse de production frappe d'ailleurs aussi d'autres céréales, notamment l'orge. Pour l'ensemble de celles à paille (blé tendre, blé dur, orge, triticale, seigle et avoine), elle devrait s'élever à 13% en France.
La première des raisons a été la météo : trop de pluie et pas assez d'ensoleillement ont imposé des retards de semis voire l'abandon de certaines cultures d'hiver. Une prolifération de mauvaises herbes et un regain de maladies sont venues compliquer les choses. Résultat: les surfaces comme les rendements sont en baisse. Selon Agreste, les surfaces dédiées au blé tendre ont chuté de près de 11% par rapport à 2023, et le rendement moyen devrait diminuer de 5,3%. Une incertitude plane en outre sur la qualité des grains: elle pourrait aussi être affectée, mais il faudra attendre la deuxième moitié du mois d'août pour savoir, souligne France AgriMer.
Moins d'offre, moins de compétitivité
Certes, les estimations de la production restent supérieures aux résultats de 2016, dont les mauvais souvenir hantent les esprits. Cette année-là, la récolte française de blé tendre avait chuté à 27,6 millions de tonnes. Mais pour la France, premier producteur et exportateur européen de céréales, les perspectives sont néanmoins sombres. Sous l'effet de la baisse de la production nationale, les importations de blé tendre pourraient en effet augmenter de 60% (notamment pour répondre aux exigences de qualité des utilisateurs), et les exportations vers les pays hors-UE baisser de 26%, prévoit France AgriMer.
La hausse des prix du blé tendre français qui pourrait découler d'une diminution de son offre risque de davantage pénaliser sa compétitivité. Malgré des conditions de cultures préoccupantes non seulement en France, mais aussi dans d'autres pays de l'UE, ainsi qu'en Russie et en Ukraine, les cours internationaux -qui avaient bondi après l'invasion russe de l'Ukraine, et qui se sont ensuite effondrés tout au long de la campagne 2023-2024- restent plutôt bas. Et aujourd'hui le blé tendre français est déjà environ 20 dollars plus cher la tonne que le blé russe, selon le cabinet Inter-Courtage cité par l'AFP. Une concurrence internationale qui protège d'ailleurs les consommateurs français du risque de hausses des prix du pain.
Autre effet possible de la diminution de l'offre : la perte de marchés traditionnels pour la France. « En 2016, la Russie s'est engouffrée dans la brèche ouverte par la fragilisation de l'offre française », rappelle France AgriMer, pour qui toutefois il est encore trop tôt pour ventiler une telle inquiétude.
La trésorerie des fermes céréalières fragilisée
Ces défis pour les céréaliers français interviennent à un moment où les charges, qui avaient explosé après le début de la guerre en Ukraine, restent élevée, observe l'Association générale des producteurs de blé (AGPB, l'une des associations du syndicat agricole majoritaire, la Fnsea). Elle insiste notamment sur les coûts des engrais, de l'énergie et de la main-d'œuvre. « Cet effet ciseaux fragilise durablement la trésorerie de nos fermes », déplore son président, Eric Thirouin.
Or les dernières années, les céréaliers figuraient parmi les agriculteurs qui s'en sortaient le mieux : même très bien lorsque les cours des céréales étaient au plus haut. Leur mécontentement risque désormais de venir s'ajouter à celui de l'ensemble des agriculteurs qui, depuis la dissolution de l'Assemblée nationale, s'inquiètent de la mise en suspens des réformes promises après leur mobilisation de l'hiver dernier. En vue des élections des Chambres d'agriculture en janvier, les syndicats agricoles ne devraient pas hésiter à s'en saisir.
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