Comment Donald Trump a appris à aimer le bitcoin

L’ancien président, en lice pour un second mandat, multiplie les tentatives de séduction vis-à-vis des fans et professionnels des cryptomonnaies, comme le prouve le choix de J.D. Vance, un républicain résolument pro-cryptos, en tant que colistier. Le candidat républicain entend ainsi séduire une communauté agacée par les tentatives de régulation de l’ère Biden.
Si Donald Trump est leur leader, les républicains ne sont toutefois pas les seuls à exprimer de l'intérêt pour les cryptomonnaies aux Etats-Unis.
Si Donald Trump est leur leader, les républicains ne sont toutefois pas les seuls à exprimer de l'intérêt pour les cryptomonnaies aux Etats-Unis. (Crédits : Tom Brenner)

Les amateurs de cryptomonnaies se sont trouvés un nouveau champion en la personne de Donald Trump. Samedi 27 juillet, l'ancien président, en course pour un second mandat, doit prendre la parole lors de l'événement Bitcoin 2024, à Nashville, une conférence rassemblant les aficionados des cryptomonnaies. Le candidat républicain a récemment affirmé qu'il voulait devenir un « président crypto », au service des 50 millions d'Américains qui en détiennent.

Donald Trump, meilleur ami des cryptos ? Il n'en a pourtant pas toujours été ainsi. Dans un tweet publié en 2019, Trump, alors président, affirmait « ne pas être un fan de Bitcoin et des autres cryptomonnaies », pointant leur grande volatilité, le fait qu'elles ne soient basées sur rien, et qu'elles facilitent des activités illégales comme le trafic de drogue. Dans une interview accordée à Fox Business en 2021, l'ancien président en remettait une couche, qualifiant le bitcoin « d'arnaque » et de menace pour la suprématie du dollar.

Trump pose en sauveur des cryptos

Mais alors qu'il cherche à gagner des soutiens pour sa campagne de réélection, Trump a commencé à changer son fusil d'épaule. En juin, il a rencontré des professionnels spécialisés dans le minage du bitcoin dans sa résidence de Mar-a-Lago, en Floride. Dans l'éventualité de son retour au pouvoir, Donald Trump a promis de mettre en place des politiques favorables à l'industrie du minage sur le sol américain. L'ancien président a également lancé plusieurs collections de NFTs et choisi un vice-président pro-cryptos en la personne de James David (J.D.) Vance, le sénateur de l'Ohio.

La plateforme du Parti républicain propose en outre désormais l'adoption de politiques pro-cryptos, une première. « Nous défendrons le droit de miner du bitcoin, et assurerons à chaque Américain le droit de détenir lui-même ses actifs numériques, ainsi que de réaliser des transactions à l'abri de la surveillance et du contrôle du gouvernement », y lit-on ainsi.

Aux professionnels et amateurs de cryptomonnaies, Donald Trump veut apparaître comme un sauveur, alors que l'administration Biden ne s'est pas toujours montrée très tendre avec l'industrie.

« Donald Trump a effectué un virage à 180 degrés vis-à-vis des cryptomonnaies, et sa position actuelle manque de nuances : il évoque uniquement les bénéfices sans jamais parler des risques potentiels » constate Hermine Wong, anciennement à la SEC et désormais conseillère juridique pour les startup du web3 et des cryptoactifs. « Cependant, il ne fait que prendre le contrepied de la position démocrate, qui manque elle aussi singulièrement de nuances et ne voit que les côtés négatifs des cryptomonnaies. La stratégie de Trump est de ce point de vue logique et lui permet d'engranger des fonds de la part de la communauté crypto pour sa campagne. »

Gary Gensler, le président de la Securities and Exchange Commission (SEC, gendarme de la bourse américain) nommé par Joe Biden, a notamment pris des mesures fortes pour réguler un monde des cryptos s'apparentant selon lui au "Far West". Sous sa présidence, la SEC a ainsi doublé la taille de son équipe chargée de superviser les cryptomonnaies, désormais composée de cinquante personnes, multiplié les enquêtes sur plusieurs sociétés spécialisées issues du monde des cryptos, et distribué des amendes totalisant plusieurs milliards de dollars. Il a également plaidé pour que les cryptomonnaies soient soumises à un régime plus strict qu'auparavant.

D'autres projets de l'administration Biden, comme une taxe de 30 % sur la consommation énergétique des mineurs de cryptomonnaies, ont également déplu. Tout comme le projet de lancement d'une monnaie numérique de banque centrale, que rejettent une grande partie des fans de cryptomonnaies, attachés à l'aspect décentralisé de la technologie, et qui voient derrière cette initiative une tentative de contrôle de la part du gouvernement.

Si la SEC a musclé son approche vis-à-vis de la régulation des cryptomonnaies sous la présidence Biden, l'idée qu'elle soit exclusivement hostile à l'industrie depuis quatre ans est toutefois à nuancer. Sous la présidence de Gary Gensler, la SEC a ainsi approuvé le tout premier ETF Bitcoin en janvier dernier, une étape significative vers la démocratisation des cryptomonnaies.

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L'industrie crypto se range derrière Trump

Reste que les tentatives de séduction de Donald Trump ne passent pas inaperçues au sein de l'industrie. Au premier trimestre, la campagne de Trump a ainsi levé l'équivalent de trois millions de dollars en cryptomonnaies, principalement du bitcoin et de l'ether. Plusieurs personnalités phares du monde des cryptos ont mis la main à la poche, dont les jumeaux Winklevoss et Jesse Powell, le cofondateur de la plateforme d'échange Kraken. Le ralliement d'Elon Musk, une autre personnalité pro-cryptos qui avait jusqu'ici appelé à voter démocrate lors de chaque élection présidentielle, n'est pas non plus anodin.

« Il semble qu'une seconde administration Trump serait bien plus ouverte aux cryptos que l'administration actuelle, qui a mené des actions régulatrices agressives à travers les agences fédérales. La campagne Trump envoie des signaux suggérant qu'elle adoptera une approche régulatrice plus adaptée aux usages spécifiques des technologies émergentes, comme le montre le choix du Sénateur Vance en tant que colistier. Le Parti républicain a même inclus les cryptos dans sa plateforme — un jalon majeur pour notre industrie — avec une idée simple : permettre à cette technologie transformatrice de prospérer en Amérique », confie Kristin Smith, CEO de la Blockchain Association, un lobby crypto, à La Tribune.

Réalisé en janvier, un sondage du Crypto Council for Innovation, un autre lobby, montrait que 51 % des détenteurs de cryptomonnaies étaient prêts à voter pour Donald Trump, contre 41 % pour Joe Biden (le président américain a depuis décidé de ne pas se représenter au profit de sa vice-présidente, Kamala Harris).

J.D. Vance, un colistier résolument pro-cryptos

Le choix de J.D. Vance comme colistier a constitué un signal supplémentaire de la volonté de Trump de séduire les amateurs et professionnels des cryptomonnaies. Le sénateur de l'Ohio, qui s'est notamment rendu célèbre pour son autobiographie Hillbilly Elegy (Une ode américaine en français), adaptée au cinéma en 2020, avait affirmé posséder l'équivalent de 100 000 dollars en bitcoin lors de sa campagne pour être élu sénateur en 2021. Lors de celle-ci, il avait notamment bénéficié du soutien du milliardaire Peter Thiel, un entrepreneur libertarien et pro-cryptos qui avait également soutenu Donald Trump en 2016, alors que la quasi-totalité du monde de la tech penchait pour Hillary Clinton.

Le colistier de Donald Trump voit notamment dans les cryptomonnaies une manière pour les citoyens d'échapper au contrôle et aux tentatives de censures de la part du gouvernement. En février 2022, réagissant sur X (ex-Twitter) à une vidéo où la ministre fédérale des Finances et vice première ministre du Canada, Chrystia Freeland, déclarait que « les banques pouvaient désormais immédiatement geler ou suspendre des comptes bancaires sans ordonnance du tribunal et être protégées de toute responsabilité civile », J.D. Vance avait déclaré que ce type de politique nourrissait l'essor des cryptomonnaies.

En juin, le colistier de Donald Trump a fait circuler une proposition de loi visant à transformer la façon dont les autorités fédérales américaines, SEC et Commodity Futures Trading Commission (CFTC, qui régule le marché des dérivés financiers) en tête, régulent le marché des cryptomonnaies, dans le sens de régulations plus souples et d'une approche d'avantage pro-business.

Le débat visant à déterminer quelles cryptomonnaies doivent être régulées respectivement par la SEC et la CFTC fait rage depuis plusieurs années aux États-Unis. La SEC imposant un niveau de régulation plus élevé, les professionnels des cryptomonnaies souhaitent que leurs cryptoactifs soient placés sous le giron de la CFTC, tandis que Gary Gensler tente au contraire d'étendre la capacité de son agence, la SEC, à réguler l'industrie.

Une autre manière dont Trump pourrait assouplir les règles encadrant le marché des cryptomonnaies serait de nommer une personnalité pro-cryptos à la tête de la SEC, après l'expiration du mandat de Gary Gensler en juin 2026. Les noms de Hester Peirce, Dalia Blass et Brian Brooks, tous ardents défenseurs des cryptomonnaies, ont déjà commencé à circuler.

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Les cryptomonnaies sont-elles vraiment de droite ?

L'exploration de politiques susceptibles de diminuer le contrôle du gouvernement fédéral sur la monnaie est l'une des marottes du Parti républicain, traditionnellement méfiant vis-à-vis de l'État et réticent à donner trop de pouvoir à Washington. Disciple de l'école autrichienne, l'homme politique texan Ron Paul a par exemple longtemps prêché pour l'abolition de la Fed et le retour à l'étalon-or. Des propositions reprises dans le Projet 2025, une feuille de route publiée par The Heritage Foundation, un lobby conservateur, qui propose d'adosser le dollar à un actif qui pourrait être l'or ou une cryptomonnaie comme le bitcoin.

Les républicains ne sont toutefois pas les seuls à exprimer de l'intérêt pour les cryptomonnaies. En 2022, des législateurs des deux bords ont ainsi soumis un projet de loi bipartisan au Congrès, le Digital Commodities Consumer Protection Act (DCCPA) proposant d'assouplir les règles auxquelles sera soumise l'industrie en matière fiscale et de sécurité par rapport au reste de la sphère financière. Plusieurs élus démocrates, dont le maire de New York, Eric Adams (qui a demandé à toucher ses premiers salaires en bitcoin), le gouverneur de la Californie, Gavin Newsom, et le sénateur du New Jersey, Cory Booker, sponsor du DCCPA, sont d'ardents défenseurs des cryptomonnaies. En 2020, le candidat à l'investiture pour le parti démocrate Andrew Yang avait également fait une campagne technophile et pro-cryptos.

Et si l'industrie semble actuellement pencher plutôt en faveur de Donald Trump, elle est loin d'être unanime dans ce choix. Dans un blog paru en juin, Vitalik Buterin, le créateur d'Ethereum, l'une des personnalités les plus célèbres de la communauté crypto, a suggéré à ses lecteurs de ne pas baser leur vote uniquement sur la position d'un candidat vis-à-vis des cryptomonnaies, et de prendre aussi en compte les valeurs défendues par celui-ci, ainsi que ses positions sur des sujets comme la politique étrangère et l'immigration. Difficile de ne pas y lire une mise en garde destinée à ceux qui seraient tentés de soutenir Donald Trump.

D'autant qu'une victoire de celui-ci pourrait aussi avoir un impact négatif sur la communauté des cryptomonnaies. « Une absence totale de régulations empêcherait de trier le bon grain de l'ivraie et accroîtrait le risque d'un nouveau scandale impliquant un acteur malveillant des cryptomonnaies, ce qui pourrait nuire à l'image de l'industrie », note Hermine Wong.

Lire aussiCryptomonnaies : les Etats-Unis se positionnent comme la puissance leader

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Commentaires 3
à écrit le 26/07/2024 à 8:00
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"Les cryptomonnaies sont-elles vraiment de droite ?" Les républicains sont ils vraiment de droite ? Alors que des anarchistes y ont fait leur nid, Les démocrates sont ils vraiment de gauche ? Alors qu'ils ont sauvé les banques américaines. Il est évi...

à écrit le 25/07/2024 à 21:54
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"Comment Donald Trump a appris à aimer le bitcoin" Merci Sam Bankman-Fried pour le détournement de fond FTX dont 40 Mns pour financer le parti démocrate et 20 Mns pour le parti républicain. Comme le dit l'adage, l'argent (sale) n'a pas d'odeur...

à écrit le 25/07/2024 à 12:44
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Je trouve que la méthode de Gensler pour "mettre de l'ordre" dans les crypto avec sa "Regulation by enforcement" n'a fait que créer de l'incertitude et que cette confusion dure depuis bien trop longtemps. Il n'a pas pas cherché à augmenter la transpa...

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