LES DAMES DE WINDSOR (1/3) - Catherine la Grande

À peine dix-huit mois après le couronnement de Charles III, la famille royale britannique doit faire face à la maladie du souverain mais aussi à celle de la future reine, épouse de William. Dans la tempête qui secoue la monarchie, Camilla, Kate et Meghan jouent un rôle crucial.
Marie-Pierre Gröndahl
Kate Middleton et la princesse Charlotte lors de la finale du simple messieurs, le dernier jour des championnats de tennis de Wimbledon à Londres, le 14 juillet 2024.
Kate Middleton et la princesse Charlotte lors de la finale du simple messieurs, le dernier jour des championnats de tennis de Wimbledon à Londres, le 14 juillet 2024. (Crédits : © LTD / Stephen Lock/i-Images/ABACAPRESS.COM)

Sur son visage enfantin, tourné vers la silhouette debout à ses côtés, sourire hésitant et regard émerveillé, se lisent toute la fierté et l'admiration du monde. Mêlées d'un imperceptible soupçon de chagrin. À 9 ans, savoir dissimuler ses émotions n'a rien d'une évidence, même pour la troisième successible à la couronne britannique. Le 14 juillet 2024, à 15 heures, accompagnée de sa fille Charlotte, Catherine, princesse de Galles, en longue robe violette, fait son entrée dans l'enceinte de Wimbledon sous les applaudissements et les vivats des 15 000 spectateurs. La standing ovation dure plusieurs minutes et Charlotte, en robe bleu marine à pois blancs, ne perd pas une miette de l'hommage - en infraction aux usages en vigueur - rendu spontanément à sa mère.

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Marraine royale du vénérable All England Lawn Tennis and Croquet Club, une association fondée en 1868 et organisatrice du seul tournoi sur herbe du Grand Chelem, elle-même passionnée de tennis depuis l'adolescence, l'épouse du prince William ne manque aucun match majeur de l'événement depuis près de quinze ans. Sa présence dans les tribunes il y a quelques semaines n'a donc rien d'exceptionnel a priori. Sauf que cette édition, qui voit s'affronter en finale Novak Djokovic et Carlos Alcaraz, sort totalement de l'ordinaire. D'où l'explosion de joie peu protocolaire du public à son arrivée.

La future reine d'Angleterre a en effet quasi disparu de la vie publique depuis le 25 décembre 2023. Comme lors de chaque Noël à Sandringham, la plupart des membres de la famille royale se rendent de concert à l'église du village pour l'office religieux. Kate, en bleu Klein monochrome, William et leurs trois enfants - George, Charlotte et Louis - saluent la petite foule massée près de l'église du village. Ce jour-là, en voyant ces images si familières, aucun sujet de Sa Majesté Charles III, qui a accédé au trône à peine six mois plus tôt, ne peut imaginer la nouvelle annus horribilis qui va frapper les Windsor. Trente-deux ans après le précédent millésime, qui avait vu le divorce de deux des enfants de la reine Élisabeth II, la rupture définitive entre Charles, l'héritier du trône, et son épouse Diana, ainsi que l'incendie du château de Windsor, de nouveaux séismes menacent la monarchie.

Kate et William

Les enfants princiers George, Louis, et Charlotte accompagnés de leurs parents arrivent pour un après-midi d'installation à l'école Lambrook, dans le Berkshire, en septembre 2022 (Crédits : © LTD / JONATHAN BRADY/PA WIRE/ABACAPRESS)

Personne ne peut deviner que cette princesse d'à peine 42 ans (Catherine Elizabeth Middleton est née le 9 janvier 1982), sportive, énergique et apparemment en pleine santé, souffre alors d'une pathologie abdominale depuis probablement plusieurs années. Encore moins qu'une opération chirurgicale « prévue de longue date », selon le communiqué ultérieur de Kensington Palace, a été programmée pour le 17 janvier 2024 à la London Clinic. Entraînant une interdiction de toute activité pendant de longs mois. Et personne ne se doute qu'il sera annoncé le même jour que le roi serait hospitalisé quelque temps plus tard au même endroit, pour y subir également une intervention. Avec ensuite, pour chacun des deux, un diagnostic sévère : cancer. Révélé dès le 5 février pour Charles III, mais sans que sa nature soit dévoilée, par un communiqué écrit. Le 22 mars pour la princesse de Galles. Par elle-même, en jean, pull marin et baskets, dans un sobre message vidéo de deux minutes et quinze secondes enregistré par les équipes de la BBC.

Depuis ses premières apparitions médiatiques en 2002 en tant que nouvelle petite amie du fils aîné de Charles et Diana, alors que Kate et William étudient ensemble à l'université écossaise de Saint-Andrews et emménagent en duo cette année-là dans une maison près du campus avec deux autres copains, l'actuelle princesse de Galles a vécu d'innombrables tempêtes. Subi des avanies par dizaines. Surmonté les moqueries, les quolibets, les surnoms malveillants. Avec le sourire et dans la discrétion. Cette roturière observe avec constance et discipline la devise de l'aristocratie anglaise : « Ne jamais s'expliquer, ne jamais se plaindre. » Ce qui n'empêche pas le gratin de la haute société de stigmatiser ses origines sociales, dans un pays où les transfuges de classe ont la vie plus dure encore qu'ailleurs. « Bourgeoise, elle déplaît initialement aux catégories populaires, explique un journaliste spécialiste des Windsor. Sans pour autant conquérir l'establishment, qui brocarde ses parents, jugés nouveaux riches et arrivistes. »

La future reine d'Angleterre a quasi disparu de la vie publique depuis le 25 décembre 2023

Kate

La princesse de Galles lors de la cérémonie Trooping the Colour, le 15 juin 2024. (Crédits : © LTD / MISCHA SHOEMAKER/ABACAPRESS)

Rumeurs et mauvaises langues

Née dans une famille de l'« upper middle class », CSP+, de parents anciens salariés de British Airways devenus entrepreneurs, Michael et Carole, aînée d'une fratrie de trois, Catherine Middleton a l'immense avantage sur son futur époux de grandir dans une famille (réellement) très unie. Soudée quoi qu'il advienne. Prompte à réagir en cas de difficulté de l'un ou l'une des siens. Scolarisée un temps dans un pensionnat privé pour jeunes filles, Downe House, cette bonne élève, néanmoins plus douée sur les terrains de sport qu'en cours de mathématiques, devient la cible d'un harcèlement scolaire pernicieux. Ses parents ripostent immédiatement, pour l'inscrire dans une boarding school mixte et encore plus chic : Marlborough College. Capitaine de l'équipe de hockey, elle y passe l'équivalent du bac et obtient dans la foulée son inscription à l'université.

Les mauvaises langues affirment que, par désir forcené d'ascension sociale, Carole Middleton, ancienne hôtesse de l'air, impose à sa fille un changement d'établissement - Saint-Andrews plutôt qu'Édimbourg, pourtant plus coté - une fois connu le choix de William pour y suivre ses études d'histoire de l'art. Les rumeurs malveillantes se succèdent déjà. Elles ne cesseront plus. On l'accuse aussi d'avoir séduit le futur prince de Galles en défilant en petite tenue lors d'une soirée caritative. Lors de la rupture (provisoire) du couple, en 2007, certains tabloïds saluent la nouvelle. Tandis que la longue période entre leurs premières photos en amoureux (à Klosters, une station de ski suisse, en 2004) et leurs fiançailles, annoncées le 16 novembre 2010 par Buckingham Palace, valent à l'actuelle princesse de Galles le surnom peu charitable de « Waity Katie ». Traduire : « Kate dans l'attente ». Autrement dit, William aurait longuement hésité avant de lui demander sa main. Meghan Markle, jamais à court de méchancetés à l'égard de sa belle-sœur, se fera un plaisir de le rappeler en 2021, lors de son interview scandale avec la star de la télévision américaine Oprah Winfrey. Même le mariage forcément féérique, célébré à Westminster le 29 avril 2011, suscite quelques commentaires acerbes. Sa sœur Pippa, moulée dans une robe très ajustée, lui aurait fait de l'ombre. La nouvelle duchesse de Cambridge n'en a cure.

Mère de trois enfants, ayant effectué un parcours sans faute au sein d'un clan historiquement dysfonctionnel dont les tragédies ont été popularisées par la série The Crown, Kate Middleton réussit là où Diana avait échoué. Appréciée par feu la reine, tout comme par son beau-père et la reine Camilla, adorée par son beau-frère Harry - du moins jusqu'à son propre mariage avec Meghan -, très proche de ses enfants, fondatrice de plusieurs associations caritatives (la plus connue, Heads Together, promeut la santé psychique), Catherine s'assure une popularité croissante. Mais sans jamais trop prendre la lumière aux dépens de son époux.

L'année 2024 bouscule cet équilibre patiemment construit. Sa maladie et le retrait de la vie publique qui en résulte stimulent comme jamais les théories du complot, toutes plus hallucinantes et blessantes les unes que les autres. Sur les réseaux sociaux, X (ex-Twitter) et TikTok en particulier, sous le mot-dièse KateGate, la princesse de Galles est même parfois déclarée... morte. William, lui, est de nouveau accusé d'une liaison avec Rose Hanbury, marquise de Cholmondeley, une amie du couple. Exaspérée, cette dernière demande à ses avocats, fait exceptionnel, de démentir. La pression est telle que Catherine Middleton décide de s'exprimer elle-même, face caméra, en détaillant le traitement suivi et sa volonté de protéger ses enfants, la voix parfois vacillante. Sa courageuse initiative semble sans effet. Mais son apparition toute de blanc vêtue le 15 juin, à la cérémonie Trooping the Colour (la parade d'anniversaire du souverain), suivie par celle, triomphale, de Wimbledon, ont eu raison des délires complotistes. Du moins pour l'instant.

Pour Tina Brown, ancienne directrice des magazines Tatler et Vanity Fair qui a publié en 2022 The Palace Papers, une somme sur les Windsor, Kate incarne tout simplement « l'avenir de la monarchie ». Charles III, dont le soutien public s'accroît au fil des mois, l'appelle sa « belle-fille bien-aimée ». « Catherine la Grande », comme l'ont surnommée d'ardents royalistes, passera ses vacances comme chaque été en famille à Balmoral. Élisabeth II, familière des tempêtes, aurait approuvé.

Les dames de Windsor
La semaine prochaine, pour le deuxième épisode de notre série, retrouvez la reine Camilla.

Marie-Pierre Gröndahl
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