Le climat économique pèse sur le moral des patrons et les investissements

L'indicateur du « climat des affaires » dévoilé ce 25 juillet par l'Insee montre une nette dégradation du moral des patrons dans l'Hexagone au cours des dernières semaines. Fait marquant, tous les secteurs d'activité, de l'industrie au commerce de détail, sont touchés par le phénomène. Pour le Medef, l'incertitude politique, issue de la dissolution de l'Assemblée nationale en juin, incite les entreprises à reporter leurs décisions d'investissements ou de recrutements. Ce qui nuit à l'activité économique.
Les patrons du BTP voient aussi le climat des affaires se dégrader dans leur secteur, selon l'Insee.
Les patrons du BTP voient aussi le climat des affaires se dégrader dans leur secteur, selon l'Insee. (Crédits : Reuters)

[Article publié le 25 juillet 2024 à 9h26 et mis à jour à 13h24, puis à 18h24]

Alors que la France s'apprête à célébrer l'ouverture des Jeux olympiques, ce vendredi 26 juillet, une grande fête populaire, les chefs d'entreprise de l'Hexagone, eux, n'ont pas le moral. C'est ce qui ressort de la dernière enquête de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) sur le climat des affaires dans l'industrie, les services, le commerce et le bâtiment, dévoilée ce jeudi.

En ce mois de juillet, « le climat des affaires se dégrade fortement par rapport à juin », note d'emblée l'Insee. Alors que l'indicateur affichait un score de 99 le mois précédent, celui-ci dégringole de cinq points et s'établit désormais à 94*. Pire, « il atteint son plus bas niveau depuis février 2021 » et « tous les secteurs d'activité contribuent à cette détérioration », pointent les experts.

Un constat qui vient s'ajouter à celui dressé par Bpifrance, dans une enquête publiée le 11 juillet dernier. « Aujourd'hui, il y a un net ralentissement vécu par les TPE et les PME sur l'investissement. L'environnement macroéconomique est contraint par un taux d'intérêt assez fort », précisait Thomas Laboureau, économiste à Bpifrance lors d'un point presse.

Par conséquent, « sur le terrain, les décisions d'investissements ou de recrutements sont remises à plus tard dans les entreprises », témoigne Bastien Brunis, porte-parole du Medef et président du Medef de l'Est parisien auprès de La Tribune.

Aucun secteur n'est épargné

Industrie, services, commerce de gros ou de détail... Aucun secteur ne semble épargné par une vision pessimiste quant à l'activité économique des prochains mois. Il apparaît que nombre de patrons anticipent une baisse de la demande, dans leur secteur d'activité, d'ici la fin de l'année.

Et c'est dans les services que le recul de l'indicateur du climat des affaires est le plus fort en juillet. Il chute de 6 points et atterrit à 95. L'indicateur affichait le score de 102 au mois de mars dernier. « Sur la partie B to B, il y a un effet de vases communicants négatif, souligne Bastien Brunis. Par exemple, entre des sociétés de la tech et du conseil qui fournissent des services à des entreprises qui sont touchées par le ralentissement de la croissance économique. » Dès lors, c'est tout le secteur des services qui se retrouve pénalisé.

Autre domaine, même constat. Le moral des entrepreneurs du BTP, secteur qui connaît une grave crise économique liée à un marché immobilier paralysé, chute encore cet été. Les patrons du bâtiment n'ont jamais été aussi pessimistes sur l'activité économique de leur secteur « depuis novembre et août 2020 », détaille l'Insee. Preuve que la crise immobilière est loin d'être terminée. « Cela fait des mois que le Medef tire la sonnette d'alarme sur le secteur de la construction qui représente 10% du PIB », rappelle le cadre de l'organisation patronale.

Autre problème majeur pour le BTP : « 42% des entreprises se déclarent à la limite de leurs capacités de production (goulots de production), c'est-à-dire qu'elles ne pourraient pas produire davantage avec leurs moyens actuels même si elles recevaient plus de commandes », précise l'Insee. Et ce, pour une raison principale : une insuffisance de personnel.

L'incertitude politique, facteur néfaste pour le business

Dans ce climat économique morose, un élément vient noircir davantage le tableau : l'incertitude politique en France. La dissolution prononcée par le président de la République, Emmanuel Macron, le 9 juin a plongé la France dans une situation politique inconfortable. Le résultat des urnes, à l'issue des élections législatives anticipées du 7 juillet, ne donnant la majorité absolue à aucune des forces politiques. Sans compter que la formation d'un gouvernement a été remisée après les Jeux olympiques, comme l'a indiqué le chef de l'Etat dans une interview, mardi 23 juillet, à France Télévisions.

Cité dans une note publiée ce jeudi 25 juillet, le chef économiste du groupe financier ODDO BHF, Bruno Cavalier, souligne que « l'indécision quant à la formation du gouvernement est un facteur d'attentisme pour les ménages et les entreprises ». De surcroît, « l'incertitude politique intervient pendant la préparation du budget 2025, qui est censé intégrer d'importantes mesures d'assainissement pour respecter les règles budgétaires de l'UE et rassurer les investisseurs et les agences de notation », s'alarme l'expert.

De fait, la dissolution a plongé la France dans un épais brouillard économique et budgétaire qui n'est pas sans conséquences sur le moral des patrons et le rythme des affaires. « Des banques d'affaires ajoutent des clauses dans certains deals, à la faveur des investisseurs, comme la possibilité de casser l'accord si le budget n'est pas voté, cet automne, au Parlement par exemple », illustre Bastien Brunis.

Lire aussi« La France n'a pas de problème pour se financer actuellement », Xavier Ragot (OFCE)

Le climat de l'emploi se dégrade également

Conséquence de la situation économique, l'Insee s'attend à une « légère hausse » du taux de chômage en France qui passerait de 7,5 à 7,6% fin 2024. Selon les chiffres de la Direction des statistiques du ministère du Travail (Dares), publiés ce jeudi, le taux de chômage a progressé de 0,8% depuis un an. Le nombre de demandeurs dépasse toujours la barre des 3 millions de personnes (catégorie A) - 5,389 millions en incluant les catégories B et C. Un chiffre qui rend difficile l'objectif d'Emmanuel Macron d'atteindre le plein emploi (5% de chômage) d'ici 2027.

*Plus l'indicateur est élevé, plus le climat des affaires est favorable, selon les entreprises répondantes aux enquêtes de l'Insee.

Les Jeux olympiques, un boost pour le moral des patrons ?

Dans sa dernière note de conjoncture, publiée le 9 juillet, l'Insee anticipe que la croissance de l'Hexagone s'établira à 1,1% en 2024. Une croissance similaire à celle constatée par les économistes en 2023. Pour obtenir un tel résultat, malgré un climat des affaires morose, l'Institut table sur un effet positif des Jeux olympiques et paralympiques cet été. L'accueil de cet événement planétaire « rehausserait la croissance de 0,3 point au troisième trimestre (à +0,5%) », prévoient les experts.

« On espère, bien sûr que les Jeux olympiques auront un effet sur la croissance », veut croire Bastien Brunis. « Et quoi qu'il arrive, cet événement a permis la construction d'infrastructures, comme le Grand Paris express ou le développement de la fibre optique en Seine-Saint-Denis, qui vont avoir un effet sur l'activité économique », se réjouit le responsable du Medef de l'Est parisien.

Revers de la médaille : « Cet effet (des JO, ndlr) étant ponctuel, l'activité marquerait le pas par contrecoup en fin d'année (-0,1%) », pointe Bruno Cavalier, chef économiste chez ODDO BHF. Une perspective qui laisse déjà présager un démarrage poussif de l'activité économique en 2025.

Commentaires 5
à écrit le 25/07/2024 à 18:41
Signaler
il est bien evident que dans la galere actuelles les entrepreneure peuvent sre faire du souci macron a beau nous embaumer de ses bonnes paroles comme d'habitude qu'elle sera la situation a l'automne? on risque d'aller vers un serieux blocage des ...

à écrit le 25/07/2024 à 12:55
Signaler
Comment peut on créer de la stabilité en préférant les JO aux problèmes de la France c 'est à dire nommer un gouvernement et un premier ministre c'est la confusion totale !

à écrit le 25/07/2024 à 9:55
Signaler
La bien-pensance orwellienne et le courant "mainstream" devraient s'en réjouir, eux qui adorent jouer les oxymores et la novlangue pour rasséréner leurs ouailles au lieu de regarder le mur des réalités en face. La "croissance vers le bas" s'accélère ...

à écrit le 25/07/2024 à 9:53
Signaler
En ces temps de tension budgétaire, il n'est pas étonnant que les chefs d'entreprises soient pessimistes car vu le logiciel du privé, un assainissement budgétaire ferait baisser plus rapidement leur rentabilité (voire leur chiffre d'affaires) que leu...

à écrit le 25/07/2024 à 9:35
Signaler
On les comprend quand la Troika du reich va nous tomber dessus ça va faire très mal.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.