Déficit : des économistes préconisent un régime drastique de 112 milliards d'euros

Le Conseil d'analyse économique (CAE), rattaché à Matignon, préconise au prochain gouvernement une consolidation budgétaire draconienne. Pour revenir à des niveaux tenables, la réduction du déficit primaire devrait s'élever à 4 points de PIB, soit 112 milliards d'euros, étalée sur 7 à 12 ans. Un défi immense au moment où la France doit financer des montagnes d'investissement dans la transition écologique et dans la défense.
Grégoire Normand
Le ministère de l'Economie et des Finances.
Le ministère de l'Economie et des Finances. (Crédits : Reuters)

La France s'enfonce dans une situation budgétaire chaotique. Trois semaines après le second tour des élections législatives, la situation politique est toujours enlisée. La proposition du Nouveau Front Populaire (NFP) de nommer la fonctionnaire Lucie Castets à Matignon a été balayée d'un revers de main par le chef de l'Etat Emmanuel Macron mardi soir. À Bercy, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire planche toujours sur le budget 2025. « Il y a beaucoup de réunions pour préparer le budget », assure son entourage. Démissionnaire, le locataire de Bercy a dévoilé il y a quelques jours ses dernières pistes d'économies à La Tribune. Après les 10 milliards d'euros décidés par décret en février, le prochain exécutif va sans doute devoir trouver des nouvelles recettes fiscales ou des pistes d'économies pour respecter les objectifs budgétaires de la Commission européenne. Pour rappel, Emmanuel Macron s'est engagé à ramener la France sous la barre des 3% de déficit d'ici 2027.

Dans ce contexte, le conseil d'analyse économique (CAE), rattaché à Matignon et présidé par Camille Landais, a livré ses dernières recettes au prochain exécutif dans une note rendue publique ce mercredi 24 juillet. « Les futurs gouvernements feront face à un double défi. D'une part, pour garantir la soutenabilité de la dette, continuer à se financer à des taux d'intérêt bas et respecter ses engagements européens, la France doit réduire son déficit public dans les années à venir. D'autre part, pour protéger la croissance et éviter une hausse du chômage, elle doit éviter une consolidation trop rapide », soulignent les économistes. Pour mémoire, la dette de la France s'établit à 110% du produit intérieur brut (3.160 milliards) et le déficit public à 5,5% du PIB (154 milliards).

Engager une consolidation budgétaire « progressive »

La France va devoir faire face à d'immenses chantiers dans les années à venir en matière de transition écologique, de Défense et de santé. Les différentes évaluations menées par les économistes chiffrent les besoins d'investissements dans la transition écologique à plusieurs dizaines de milliards d'euros, sans compter les coûts de l'adaptation. Faisant désormais référence, le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouhz préconise des investissements de l'ordre de 60 à 70 milliards d'euros par an d'ici 2030 pour parvenir à baisser les émissions de CO2 de 55% (par rapport à 1990). Dans le même temps, l'Hexagone va devoir engager une trajectoire de rétablissement des comptes publics.

Pour répondre à ces immenses défis, le conseil d'analyse économique préconise de faire une consolidation budgétaire « progressive ». La France devrait faire « une réduction du déficit primaire d'environ 4 points de PIB, soit 112 milliards d'euros, étalée sur 7 à 12 ans, avec un effort initial plus important ». Avec ce rythme, les économistes estiment que la consolidation budgétaire ne devrait pas peser sur la croissance. En effet, le risque est qu'une politique de rigueur trop drastique puisse peser lourdement sur l'activité. Pour répondre à la crise de la zone euro, le FMI avait préconisé des mesures d'austérité importantes dans plusieurs pays comme la Grèce, avant de reconnaître une erreur de diagnostic. En France, l'Insee table désormais sur une croissance du PIB de 1,1% en 2024 mais la Banque de France a noirci ses prévisions pour 2025.

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Hausses temporaires de taxes et sous indexation

Attaché au dogme de ne pas augmenter les impôts, le ministre de l'Economie en sursis a écarté les propositions des membres de la majorité (Modem notamment) et des oppositions de mettre en place des taxes, même transitoires, sur les superprofits, hormis le dispositif européen de prélèvement. Tablant sur plusieurs milliards de recettes fiscales, le gouvernement n'a finalement obtenu que quelques 300 millions d'euros sur la taxation des énergéticiens, avait révélé une note de l'institut des politiques publiques (IPP) au mois de mai.

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Dans leur travail, les experts du CAE suggèrent de mettre en place des taxes temporaires et une sous indexation générale des dépenses et des tranches d'imposition. A titre d'exemple, « si l'indice du point de la fonction publique (État, territoriale et hospitalière) et l'ensemble des prestations sociales en espèces, ainsi que le barème de l'impôt sur le revenu étaient tous gelés en 2025, plutôt que revalorisés à la hauteur de l'inflation de 2024 (estimée à 2,5 %), cela rapporterait environ 20 milliards d'euros aux comptes publics », expliquent les économistes.

Aides à l'apprentissage et exonération de cotisation dans le viseur du CAE

Parmi les autres leviers évoqués par le CAE, figurent les aides à l'apprentissage. Le programme économique d'Emmanuel Macron depuis 2017 a fortement mis l'accent sur l'apprentissage avec une réforme et des aides massives à l'embauche. Pour relancer les recrutements après la crise sanitaire, le gouvernement de l'ex-Premier ministre Jean Castex avait encore renforcé ces dispositifs dans le plan de relance à 100 milliards d'euros. Mais cette politique publique sans véritablement de cible a depuis montré ses limites. « Alors que les effets positifs de l'apprentissage sur l'insertion professionnelle des jeunes peu qualifiés sont démontrés, ses effets sur les catégories plus diplômées, qui n'ont pas de difficultés pour s'insérer sur le marché du travail, sont peu significatifs », indiquent les économistes. Un recentrage sur les moins qualifiés permettrait des économies de l'ordre de 4 milliards d'euros.

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Le conseil d'analyse économique propose de revoir également le système des exonérations de cotisation des entreprises. Le total des allégements représenterait la somme astronomique de 80 milliards d'euros par an. L'organisme rattaché à Matignon propose par exemple de supprimer l'exonération de cotisation de la branche famille pour les salaires supérieurs à 2,5 SMIC. Ce qui permettrait de rapporter 2 milliards d'euros. Parmi les autres options sur la table figurent le crédit d'impôt recherche (2,5 milliards d'euros) ou encore la révision des droits de succession (9 milliards d'euros). Des pistes qui devraient être explorées par le prochain exécutif toujours dans l'attente.

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Grégoire Normand
Commentaires 34
à écrit le 26/07/2024 à 11:12
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Des réductions de dépenses ?!, Il n'y en a pour ainsi dire aucune. Juste des augmentation de taxes et d 'impôts. Dans u pays champion du monde des prélèvements et de la dépense publique sans JAMAIS se préoccuper du service rendu. Ceci étant dit je ...

à écrit le 25/07/2024 à 21:06
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Le départ de le maire en Suisse comme professeur et écrivain est toujours d'actualité ? Si c'est le cas, cela veut dire que si un ministre de l'économie planque son argent en Suisse, c'est que cela va être chaud pour les français, on va les laminer, ...

à écrit le 25/07/2024 à 14:28
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Si les économistes s'en mêlent, on est foutus.

à écrit le 25/07/2024 à 14:20
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a quand le dégraissage de ce millefeuille administratif improductif que sont communes, communautés de communes, départements, régions, métropoles, état. c'est ca notre problème, 2 millions de fonctionnaires en trop comparé a l'Allemagne et ils ne p...

le 25/07/2024 à 21:59
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Sauf que le périmètre de la fonction publique n'est pas le même d'un pays à l'autre. Certains laissent au privé la santé et les retraites, d'autre non. En France, les missions des fonctionnaires sont très larges : ça va de l'éducation, en passant par...

le 26/07/2024 à 9:13
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Bof, le surcoût estimé du "millefeuille", c'est à peine la moitié de ce qu'a coûté la revalorisation des retraites décidée en début d'année par Macron pour essayer (en vain) de limiter la casse aux européennes... Par ailleurs, c'est de la démagogie d...

à écrit le 25/07/2024 à 13:40
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Cette note n’est évidemment pas de nature à encourager les candidatures pour le poste de premier ministre qui va se libérer prochainement (?). Son premier déplacement (en octobre?) devra en effet être pour Bruxelles pour "expliquer" à la Commission l...

à écrit le 25/07/2024 à 11:05
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En 2007, Bayroux avait fait campagne sur la réduction de la dette et pendant longtemps avant il avait débattu sur les plateaux de bfm radio avec le PS et LR, sur la nécessité de ne pas avoir de création de dette dans les périodes fastes afin de pouvo...

à écrit le 25/07/2024 à 10:27
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"Le Conseil d'analyse économique (CAE), rattaché à Matignon," j'imagine que ce sont les mêmes qui ont conseillé la gestion de l'enfant et des précédents donnant une explosion des déficits !Un commerce extérieur , une dette comme pollitique de finance...

le 25/07/2024 à 22:03
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Incompréhensible. Ceci dit, quand on parle à son coussin ce n'est pas étonnant.

à écrit le 25/07/2024 à 9:29
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Remettre l'ISF avec rappel sur 7 ans !!!

à écrit le 25/07/2024 à 8:59
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112 milliards d economie alors qu on est pas capable d en faire 10 ... Si certaines idees sont bonne (ne pas indexer les pensions de retraites) d autres sont irrealisable: on a deja du mal a recruter des profs, geler leur salaire est l assurance de ...

le 25/07/2024 à 19:39
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Et pas que les profs, en fait bon nombre d'emplois non pourvus sont des emplois publics dont les salaires n'ont pas suffisamment été revalorisés pour brosser dans le sens du poil les boomers à la retraite...

le 26/07/2024 à 9:49
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Voilà, on n'arrive plus à recruter de profils opérationnels et le vieillissement pousse naturellement vers des postes moins exposés dans l'administration, d'autant plus que la désinvolture des RH dans le privé pousse tout naturellement à privilégier ...

à écrit le 25/07/2024 à 8:42
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Pour sûr, ce sera compliqué car la France est déjà en situation pré-insurrectionnelle et les seules économies réalisables supposeraient de tailler dans les dépenses sociales et dans les niches fiscales des retraités constituant l'électorat des partis...

à écrit le 25/07/2024 à 6:58
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Ah ça parler ils savent maintenant pour dire un truc productif on attend toujours.

à écrit le 24/07/2024 à 21:57
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La BCE en augmentant brutalement ses taux a bien plombé la croissance et donc les recettes (mais aussi plombé le secteur de la construction etc...)

le 25/07/2024 à 22:09
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La mission de la BCE, définie par les traités européens, est de maintenir la stabilité des prix, à travers la définition des taux d'intérêt, dans le but de maîtriser l'inflation et de préserver la valeur de la monnaie. Ce qu'elle a fait.

à écrit le 24/07/2024 à 21:07
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Bonjour, bon ils faut dire que la France est un pays qui est très fort, pour donner énormément d'argent , OMG, association, aide médicale gratuite, et autre... Dans tous les cas , ils vas falloir réduire la voilure drastiquement... Ils n'y a plus d'...

à écrit le 24/07/2024 à 21:07
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C'est l'histoire du quidam qui va voir sa nutritionniste pour faire un régime, alors que cette dernière lui recommande de lui enlever six cotes et le fémur droite pour gagner en perte de poids.

à écrit le 24/07/2024 à 20:26
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"Déficit : des économistes préconisent un régime drastique de 112 milliards d'euros" Comme le dit l'adage, les conseilleurs ne sont pas les payeurs... Et si on commençait par virer ces ponctionnaires de l'économie responsables de la faillite ...

à écrit le 24/07/2024 à 20:09
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exactement ce que j'ai explique depuis 15 ans!!!!!!!! et contrairement a ce qu'on croit, le probleme c'est pas le macaron, le pb c'est son papa hollande qui a ouvert grand grace a la BCE, avec hurlements des allemands ( ce qui a rendu le merluchon fu...

à écrit le 24/07/2024 à 19:53
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Le Conseil d'Analyse Économique à laissé les gouvernements Macron successifs faire 1000 milliards de dettes en 7 ans et prétendraient rouler les mécaniques à l'égard du prochain gouvernement qui n'est même pas encore nommé ? Plait-il ?

à écrit le 24/07/2024 à 19:02
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L'épisode de corrosion sous contrainte en 2022 a coûté 85 milliards et provoqué une hausse mécanique des coûts de production français faisant chuter la compétitivité et, une dégradation de S&P. A la surprise générale, la production nucléaire a baissé...

à écrit le 24/07/2024 à 18:26
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Rien sur la simplification administrative et la réduction des strates entre l’État/les Régions/les Départements/les communautés de communes/les Métropoles . Rien sur la galaxie des agences dans le secteur médical ? Rien sur la gabegie des frais de bo...

à écrit le 24/07/2024 à 17:35
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80 milliards de fonds publics pour payer la piscine ou les vacznes a gstaad de mme Michu .. ben faut arrêter ! Moi à 3000€ net je ne vais même pas aux sorts d’hiver et ai une twingo diesel de 10 ans…c est pas qu un problème dépenses c est aussi un pr...

le 24/07/2024 à 19:08
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@ Georgina - 3000€ net? Eh ben moi, je vais au ski et j'économise 1000€ par mois...par contre je ne prends pas l'avion pour des "vacances" all inclusive. Nb: Je n'ai pas de camping car non plus pour aller sur les routes du Tour de,France applaudir ...

à écrit le 24/07/2024 à 16:23
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La meilleure des solutions serait d'augmenter les impôts des macronistes, qui ont fait passer le déficit de 2.7 % en 2017, à 5.5 % en 2023 . Pourquoi le tabou des hausses d'impôts ? Surtout pour ceux qui se sont gavés ces dernières années, sans rien...

le 24/07/2024 à 20:51
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Vous voulez que ce soit les autres qui voient leurs impôts augmenter mais surtout pas les vôtres.

le 24/07/2024 à 21:06
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En France, on a largement étatisé certains domaines car des expériences privées avaient été désastreuses, les travailleurs pour la plupart sous-payés devant choisir entre manger ou s'assurer...

le 25/07/2024 à 1:13
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@Rene Monti. Alors pourquoi mettre aux manettes des gens incompetents ? Les responsables mais pas coupables, sont-ce les citoyens votants ? Ce n'est pas moi, c'est l'autre, un peu simple. Tout le monde va passer a la casserole, sauf ces incompeten...

le 25/07/2024 à 10:49
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Commençons par arrêter d augmenter les retraites plus que les salaires, supprimons leur déductions fiscales alors qu ils ne travaillent plus, arrêtons le copinage et les clientélismes fiscaux et sociaux des droites comme de gauches … arrêtons d exe...

le 25/07/2024 à 10:49
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Commençons par arrêter d augmenter les retraites plus que les salaires, supprimons leur déductions fiscales alors qu ils ne travaillent plus, arrêtons le copinage et les clientélismes fiscaux et sociaux des droites comme de gauches … arrêtons d exe...

le 25/07/2024 à 16:03
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hausse d es impots pour vous ou pour les autre qui ne sont pas vous . c'est toujours tres facile de piquer largent des autres ne serait il pas plus intelligent que tout le monde en gagne plus de facon generale . dites vous bien que les tres riche ...

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