« La France n'a pas de problème pour se financer actuellement », Xavier Ragot (OFCE)

ENTRETIEN - À rebours des discours alarmistes, le président de l'OFCE, Xavier Ragot, considère que la France reste relativement solide financièrement. En plein marasme budgétaire, l'économiste plaide cependant pour une consolidation draconienne de 112 milliards d'euros, à réaliser sur une période de 7 à 12 ans. Concernant le programme économique du Nouveau Front Populaire, l'expert défend des ajustements substantiels.
Grégoire Normand
Xavier Ragot est directeur de recherche au CNRS et professeur d'économie à Sciences-Po.
Xavier Ragot est directeur de recherche au CNRS et professeur d'économie à Sciences-Po. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - La France est actuellement dans une situation budgétaire périlleuse. Elle doit faire face à des investissements colossaux dans la transition écologique, la défense ou la santé. Et dans le même temps, l'Hexagone s'est engagé à respecter les nouvelles règles budgétaires européennes. Que préconisez-vous ?

XAVIER RAGOT - La France sort des différentes crises financières avec une dette et un déficit bien élevés. La dette est passée d'environ 20 points de PIB dans les années 1970 à 110 points actuellement. Avec les prévisions actuelles de taux d'intérêt et de croissance, la réduction de la dette devra passer par un dégagement de surplus primaires, c'est-à-dire hors charge d'intérêt sur la dette publique.

La note du Conseil d'analyse économiques préconise une cible de surplus primaire d'environ 1 point de PIB à moyen terme. Le but est déjà d'arriver à stabiliser la dette publique à un horizon raisonnable. Cela peut sembler peu ambitieux, mais c'est déjà un effort important, car il ne faut pas que la consolidation budgétaire pèse sur la croissance, si elle est faite trop brusquement.

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Vous évoquez des taxes temporaires dans la note du Conseil d'analyse économique. À quoi pensez-vous en particulier ?

Volontairement, nous n'avons pas évoqué le détail des baisses de dépenses ou de hausse de taxes pour atteindre cet objectif, même si dans le texte nous évoquons des pistes, et que les trois auteurs (les deux autres auteurs sont Thomas Philippon et Adrien Auclert, NDLR) ont des idées sur le sujet. En effet, ce qui nous semble essentiel, en comparant les succès des autres pays en matière de finances publiques est l'atteinte d'un consensus large national sur le sujet, qui soit vraiment opérationnel.

Cette stratégie doit être portée au plus haut niveau de l'État. Le Premier ministre, avec le soutien du chef de l'État, doit s'engager sur une trajectoire de rétablissement des finances publiques. Tous les échelons doivent être mobilisés, y compris les administrations et les collectivités locales. L'idée est de trouver un momentum car les choix sont difficiles. L'ajustement que l'on propose, de 4 points de PIB (112 milliards d'euros étalée sur 7 à 12 ans), est un effort que l'on a rarement fait dans l'histoire des finances publiques françaises.

La note évoque également un gel de l'indexation des prestations sociales et du barème de l'impôt sur le revenu. Ce type de proposition ne risque-t-il pas d'exacerber les tensions ?

La France est dans une phase où elle doit trouver des mesures à court terme assez puissantes pour réduire le déficit. Le pays est confronté à un double défi : ne pas exacerber les tensions sociales et stabiliser la dette à un niveau élevé. Le gel du barème de l'impôt sur le revenu devrait entraîner une hausse de la fiscalité et le gel des prestations sociales doit faire baisser les dépenses en termes réels (en prenant en compte l'inflation).

Ces mesures rapides de droite et de gauche peuvent satisfaire à ce besoin d'urgence. Le but de cette note est de tout mettre sur la table sans tabou. La taxation de l'héritage doit absolument revenir dans le débat. L'État a donné beaucoup d'argent aux Français en baissant les impôts de manière non financée. Dorénavant, l'endettement de l'État peut fragiliser l'économie française si les taux d'intérêt venaient à augmenter.

Certains observateurs n'ont pas hésité à pointer le risque d'une crise financière si le programme économique du Nouveau Front Populaire était appliqué. Qu'en pensez-vous ?

Le programme du Nouveau front populaire est la somme des différentes propositions des partis membres de la coalition. Les besoins de financement sont très importants. Si le programme économique doit être adapté, il faudrait des ajustements substantiels. Il est nécessaire d'établir des priorités, sinon ce programme va coûter très cher. Je note aussi que dans le programme du RN, certaines mesures non financées pouvaient provoquer des inquiétudes.

Au Royaume-Uni, le gouvernement de Liz Truss a voulu faire des baisses d'impôts massives pour relancer la croissance. Le programme économique était tellement mal ficelé que les taux d'intérêt ont augmenté considérablement. Les épargnants anglais, et ceux en dehors du pays, ont commencé à s'inquiéter de la situation. Ils ont placé leur épargne ailleurs. Ce scénario n'est pas exclu en France. Cela peut créer des problèmes de financement si les épargnants commencent à douter de l'orientation de la politique économique de la France.

La France a-t-elle vraiment des problèmes pour se financer actuellement?

Non, la France n'a pas de problème pour se financer actuellement. Je suis contre le discours catastrophiste de dire la « France est en faillite ». Ce discours est démobilisateur. On entendait déjà ce type de discours lorsque la dette était à 60% du PIB. La France reste relativement solide financièrement. La France a des perspectives de croissance importantes et des marges d'amélioration substantielles. La dépense publique est certes élevée mais il est possible de faire des économies sans casser la croissance. La France a un capital politique et administratif important. Le premier risque n'est pas économique, mais politique si nous ne trouvons pas les chemins d'un consensus vers le rétablissement des comptes publics.

Certains observateurs évoquent un scénario à l'italienne pour la France.

Il est important dans les échanges de sortir d'un débat trop français, qui ne s'inspire pas des réussites et problèmes rencontrés par d'autres pays. La France ne doit surtout pas rentrer dans le scénario de l'Italie par exemple. C'est un pays avec une forte dynamique industrielle qui exporte plus que la France. Mais c'est aussi un pays asphyxié sur le plan budgétaire. Les hausses d'impôts servent à payer les intérêts sur la dette publique, et l'investissement public est financé par l'aide européenne.

L'Italie n'a plus de grande marge de manœuvre pour faire de la politique industrielle ou investir dans les services publics. La crainte pour la France est de rentrer dans ce scénario. Or, une telle hypothèse serait difficile pour la France car elle n'arriverait plus à investir dans l'éducation, la santé ou les technologies. Plutôt que la crise financière, c'est le dépérissement productif de la France qui nous attend si on n' arrive pas à trouver une politique d'investissement ambitieuse.

Le G20 Finances doit se réunir à partir de ce jeudi au Brésil. La France compte remettre la taxation des plus grandes fortunes sur la table. Les États-Unis s'opposent à une taxe mondiale. Comment faire pour trouver une solution rapide entre les États confrontés à des problèmes d'endettement ?

Les États-Unis sont dans une trajectoire de déficit de 7% du PIB. Les Américains en sont capables car le dollar reste la monnaie de référence au niveau mondial. Une grande partie de la planète entière place son épargne aux États-Unis. Le risque pour les États-Unis est surtout géopolitique face à la Chine. Les États-Unis ne sont pas actuellement en quête de grandes ressources fiscales comme l'Europe.

Pour avancer, la piste à privilégier se situe en Europe. Il existe une volonté d'harmonisation fiscale en Europe. Face aux possibles blocages au niveau du G20, il peut être judicieux de passer par une harmonisation de la taxation des patrimoines en Europe. En France, les 0,1% les plus riches ont connu des gains très importants dans les années passées. Il peut être légitime de leur demander une plus grande contribution. Le message important est celui de la juste répartition des efforts.

Propos recueillis par Grégoire Normand

Grégoire Normand
Commentaires 12
à écrit le 25/07/2024 à 22:03
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[ "La France n'a pas de problème pour se financer actuellement", Xavier Ragot (OFCE) ] Encore un ponctionnaire de l'économie déficiente de gauche dithyrambique afin de masquer le coût de son emploi fictif dans un sombre comité Théodule...

à écrit le 25/07/2024 à 21:51
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Avec l'OFCE toujours pas de problème à l'horizon : tout va bien.

à écrit le 25/07/2024 à 19:08
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Allez les enfants, tous en choeur ' tout va tres bien, madame la marquise tout ca trzs bien tout va trzs bien' Ce qui ont mis lindustrie dehors pensaient ka meme chose les 2 prrmieres annees, pareil pour le medicament pareil pour kes consequences ...

à écrit le 25/07/2024 à 15:50
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jusqua u jour ou elle ne pourra plus payée car les classes moyennes auront disparus . il est afligeant de glorifier les deficites demains nest pas un autres jour il faut reduire la dette et la charge de la dette on ne peut vivre a credit

à écrit le 25/07/2024 à 13:44
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Purée la bce qui rachète de la dette à qui mieux mieux ; des taux d'intérêts qui rendent la charge de la dette de plus en plus lourde au point de dépasser le budget de l éducation nationale et " pour l'instant " tout va bien?

à écrit le 25/07/2024 à 11:53
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"En France, les 0,1% les plus riches ont connu des gains très importants dans les années passées. Il peut être légitime de leur demander une plus grande contribution. Le message important est celui de la juste répartition des efforts" en quoi cet a...

à écrit le 25/07/2024 à 9:40
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Oui, mais le spread s’est à nouveau tendu considérablement à 84bp…..ça va devenir chaud, mais à voir le NFP et ses délires claironner qu’il a gagné (LOL), même si près de 20 millions de français n’ont pas voté pour lui, ça impressionne les investiss...

à écrit le 25/07/2024 à 9:30
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Nous avons compris: faire passer un message d’urgence sans pour autant allumer des pétards.. perso., je suis (encore) en capacité d’entendre des choses désagréables (nous partons au tapis, et cela peut-être sur n’importe quel prétexte, ou incident). ...

à écrit le 25/07/2024 à 9:26
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J'espère que Le Maire lit çà !

à écrit le 25/07/2024 à 9:23
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Pour l'instant oui, C'est le moment de réduire la part de la dette française dans son assurance vie avant que ça soit trop tard

à écrit le 25/07/2024 à 9:20
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C'est la coalition bruxelloise qui la pousse a s'endetter et la France veut s'en dépêtre en se diluant dans cette union... pas sain cette histoire !

à écrit le 25/07/2024 à 6:29
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Bonjour, bien oui, faire de la dette ... Mais bon, un jour ils vas bien falloir rembourser...

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