Législatives : via l'Afep, les grands groupes alertent les partis contre un « risque majeur » pour l'économie

Les 117 plus grandes entreprises en France s'alarment de la possible issue des législatives qui pourraient voir une percée des extrêmes et de leur programme économique. « Cette situation compromettrait le maintien de l'emploi et de notre modèle social auquel nous sommes tous attachés », a ainsi déclaré l'association française des entreprises privées (Afep).
L'Afep a mis en garde ce lundi contre un « risque majeur » de « décrochage durable » de l'économie française et européenne selon l'issue des élections législatives anticipées en France.
L'Afep a mis en garde ce lundi contre un « risque majeur » de « décrochage durable » de l'économie française et européenne selon l'issue des élections législatives anticipées en France. (Crédits : BENOIT TESSIER)

C'est le cri d'alarme des grandes sociétés. L'Afep, qui réunit les 117 plus grandes entreprises françaises, a mis en garde ce lundi contre un « risque majeur » de « décrochage durable » de l'économie française et européenne, selon l'issue des élections législatives anticipées en France, appelant les partis politiques à la « responsabilité budgétaire ».

« Le vote des Français déterminera aussi la capacité des grandes entreprises et leurs millions de salariés à poursuivre leur développement, à innover et à maintenir l'emploi et le pouvoir d'achat, contribuant ainsi à la prospérité de notre pays », a déclaré l'Association française des entreprises privées, dans un communiqué.

« Cette situation compromettrait le maintien de l'emploi et de notre modèle social auquel nous sommes tous attachés », a-t-elle ajouté, dans une rare prise de parole publique. Néanmoins, l'Afep ne nomme aucun parti dans sa déclaration.

12% des salariés du secteur privé

Le 15 avril, l'Afep, qui réunit des grands groupes comme TotalEnergies, Société Générale, Airbus ou Danone, s'était déjà exprimée pour formuler ses « priorités » avant les élections européennes du 9 juin, afin d'obtenir le « sursaut » permettant d'éviter à l'UE « un décrochage irréversible » vis-à-vis de l'Asie et de l'Amérique du Nord.

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Cette fois, avant les scrutins des 30 juin et 7 juillet, l'association « réaffirme que la stabilité, que la sauvegarde de la confiance de ceux qui entreprennent, que la poursuite de la mobilisation en faveur du travail, que l'ouverture qui, seule, permet de faire valoir l'excellence française (...), que l'approfondissement de la transformation des services publics, et enfin que la responsabilité budgétaire sont indispensables ».

L'Afep, présidée depuis juin 2023 par Patricia Barbizet, indique que ses entreprises emploient 12% des salariés du secteur privé, représentent 15% du PIB marchand de la France, et acquittent 20% des prélèvements obligatoires sur les entreprises en France.

Les organisations patronales sur le qui-vive

Les législatives anticipées font craindre aux acteurs économiques français l'arrivée des extrêmes au pouvoir. Signe de cette crainte, les marchés ont sévèrement sanctionné la semaine dernière la Bourse de Paris, qui a enregistré sa pire semaine depuis début 2022. Les taux d'emprunt de l'Etat français ont également augmenté, renchérissant le coût de la dette du pays.

Déjà la semaine dernière, les organisations patronales ont montré leurs inquiétudes face à la possible percée du Rassemblement national, arrivé en tête lors des dernières élections européennes, s'il remporte les législatives.

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Mardi dernier, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a appelé « le monde économique » à « se mouiller » contre le RN, et notamment les deux plus grosses organisations patronales, le Medef et la CPME, à « dire clairement ce qu'elles pensent des programmes économiques des uns et des autres » et à alerter sur « la facture du programme marxiste de Marine Le Pen ».

La veille, les trois organisations représentatives, le Medef, qui défend des entreprises de toutes tailles et parmi elles les plus grandes, la CPME (petites et moyennes entreprises) et l'U2P (entreprises de proximité), ont envisagé de publier une position commune, avant d'y renoncer.

Mardi dernier, dans un communiqué qui ne cite aucun parti, tout en visant clairement des projets du RN et, pour faire bonne mesure, de LFI, le Medef a dit redouter les propositions de « certains », « allant du retour de la retraite à 60 ans à l'indexation automatique des salaires sur l'inflation, en passant par la sortie du nucléaire ou de l'énergie éolienne ».

La CPME a évité également de citer le RN dans son propre communiqué, tout en rappelant ses priorités : poursuite de la politique de l'offre, décarbonation de l'économie et réforme du système de protection sociale.

Le programme économique du RN en manque de clarté

Mais pourquoi le programme du RN inquiète autant les grandes entreprises françaises ? L'arrivée au pouvoir du RN, en cas de victoire aux législatives, plongerait la France dans une grande incertitude, son programme économique aux contours « flous » menaçant de grave dérapage des finances publiques déjà exsangues, estiment des experts.

Alors que le parti d'extrême droite place le patriotisme économique et le pouvoir d'achat des Français au cœur de son programme, « sur de multiples sujets de politique économique essentiels, la position du RN manque de clarté », avec des mesures « à la fois floues et changeantes », constate dans une note Sylvain Bersinger, économiste chez Asterès.

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Ainsi, quoique critique envers l'accroissement de la dette publique, aujourd'hui supérieure à 3.000 milliards d'euros (environ 110% du PIB), le RN prévoit de nombreuses dépenses, loin d'être compensées par des recettes supplémentaires.

Parmi les principales propositions, la formation de Marine Le Pen veut abaisser à 5,5% la TVA sur les produits énergétiques, restaurer une retraite à 60 ans dans certains cas, exonérer d'impôt sur le revenu les moins de 30 ans, lancer un plan de 20 milliards d'euros pour la santé, construire 100.000 logements sociaux par an...

« Ce n'est pas la couleur politique des uns et des autres qui préoccupe les marchés, mais la solvabilité de la dette France : un programme qui n'est pas financé donne des risques de dérapage des finances publiques », souligne Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management.

Pour rappel, le déficit public s'est creusé à 5,5% du PIB en 2023 (presque 154 milliards d'euros) en raison de recettes plus faibles qu'escompté, valant à la France d'être dans le viseur des agences de notation et de la Commission européenne pour déficit excessif. Le gouvernement actuel ambitionne de passer sous le seuil de 3% du PIB en 2027, dans les clous européens.

Les mesures du Nouveau Front Populaire inquiètent aussi

De son côté, le programme du Nouveau Front populaire s'engage entre autres à augmenter le Smic, bloquer les prix des biens de première nécessité, faire renaître l'ISF ou encore fixer un objectif de retraite à 60 ans. Présentées vendredi dernier, les marchés n'ont pas accueilli avec bienveillance ces mesures « de rupture ».

« La présentation du programme du Nouveau Front populaire vendredi a accentué la chute du marché d'actions et a mis sous tension le marché obligataire », a même commenté fin de semaine dernière Alexandre Baradez, responsable des analyses de marchés chez IG France.

Réagissant à une semaine de fortes turbulences pour la France sur les marchés financiers, le président de la République a déclaré : « Ça vous donne en quelque sorte un avant-goût de ce que serait en effet l'avènement de programmes économiques totalement irréalistes ». Selon lui, les projets de l'alliance de gauche ou du Rassemblement national « coûtent par an entre 100 et 400 milliards d'euros ».

Les programmes du Nouveau Front populaire et du Rassemblement national « font porter un très grand danger » à l'économie française et sont « totalement irréalistes », a également averti vendredi dernier Emmanuel Macron en marge d'un déplacement à Bari en Italie pour le G7.

« Il y a aujourd'hui deux blocs extrêmes qui ont fait le choix de programmes économiques qui ne sont pas dans le cadre d'une éthique de la responsabilité et qui promettent aux gens des cadeaux qui sont non-financés », a déclaré le chef de l'Etat à 16 jours des élections législatives anticipées.

(Avec AFP)

Commentaires 23
à écrit le 18/06/2024 à 8:22
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"le maintien de l'emploi et de notre modèle social" Les élus successifs, de Chirac à Macron, pour ne parler que de notre histoire économico-sociale récente, ont tous pris le parti démagogique de transférer le financement de leur politique à la dette,...

le 18/06/2024 à 16:26
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Dans un pays qui a le record mondial des dépenses sociales et le record mondial des dépenses publiques, il serait surtout temps d'arrêter les dépenses. Quand au aides aux entreprises, c'est un choix. Nous sommes dans un univers concurrentiel. Si nous...

le 18/06/2024 à 18:08
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Sauf que ces choix conduisent notre pays, non pas à la ruine puisqu'il est déjà ruiné financièrement, mais à la perte de sa souveraineté sociale et économique, façon Grèce 2010. Ceux qui tentent de nous effrayer en dénonçant à l'avance les hausses d'...

le 18/06/2024 à 20:52
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@tototiti ; non, les aides ne rendent pas les entreprises plus compétitives, elles servent surtout à maintenir artificiellement en vie des entreprises-zombies. On pourrait aussi tailler à la tronçonneuse dans les retraites car l'essentiel de l'argent...

à écrit le 18/06/2024 à 7:51
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Chers amis de l'afep il me semble que vous n'avez pas bien compris la situation. Vos arguments ou vos menaces (selon la position dans laquelle on se place) ne tiennent que sur la peur que vous distillez. Aujourd'hui la population, pour une large majo...

à écrit le 17/06/2024 à 23:32
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Il nous font rire les grands groupes : ils sont co - respnsables de ce qui arrive En France comme en Allemagne : ce sont ceux la même qui privilégient depuis 30 ans l actionnaire plutôt que la parité actionnaire /salarié dans la part de partage de ...

le 19/06/2024 à 16:05
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Bravo ! Et maintenant : le retour de bâton.

à écrit le 17/06/2024 à 23:31
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Il nous font rire les grands groupes : ils sont co - respnsables de ce qui arrive En France comme en Allemagne : ce sont ceux la même qui privilégient depuis 30 ans l actionnaire plutôt que la parité actionnaire /salarié dans la part de partage de ...

à écrit le 17/06/2024 à 23:31
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Il nous font rire les grands groupes : ils sont co - respnsables de ce qui arrive En France comme en Allemagne : ce sont ceux la même qui privilégient depuis 30 ans l actionnaire plutôt que la parité actionnaire /salarié dans la part de partage de ...

à écrit le 17/06/2024 à 21:14
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Citoyens , votez avec l'unique bulletin approuvé par les multinationales, Standard and Poors, Fitch, Black Rock , les grandes banques..etc.. Pour résumé, votez pour votre unique candidat: la finance mondiale

à écrit le 17/06/2024 à 19:25
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Il n'y a pas d'alternative au néolibéralisme, c'est tout ce qu'ils veulent nous dire.

à écrit le 17/06/2024 à 18:15
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Risque majeur pour l'economie. Une évidence. On peut aussi changer de système. L'autre, c'est le Communisme. Qui finit généralement Stalino/Communiste comme en Chine ou en Russie. Pas de démocratie, pas de liberté de la presse, pas de justice, le Dro...

le 18/06/2024 à 0:04
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La dérive de la Chine ou de l'URSS était pratiquement inévitable vu le substrat social de ces pays prévalant à la prise du pouvoir par les communistes, à savoir des Etats faillis, pratiquement pas de classe moyenne et une gigantesque paysannerie comp...

à écrit le 17/06/2024 à 17:38
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Le véritable risque pour l'économie sera l'absence de monnaie permettant la consommation et une vision optimiste de la situation ! Ce n'est pas en faisant marche arrière que l'on avance ! ;-)

le 18/06/2024 à 16:47
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Nous sommes au bord du précipice et vous dites qu'il faut continuer à avancer. C'est de la bravoure ou de l'inconscience ? Je penchera pour la deuxième. Foncez tous seuls. au mieux les moutons vous suivront.

à écrit le 17/06/2024 à 16:11
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c est nouveau. ! les marchés financier font ils de la politique ? quand on observe les résultats iy a de quoi s inquièter !

à écrit le 17/06/2024 à 15:59
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si ça arrive : le RN à Matignon, il faudra bien se plier au résultat du vote démocratique. Et on verra bien comment ils font, puisqu'il n'ont fait que parler pendant 40 ans, ce qui est très facile. Ceci alors qu'ils ne résoudront pas le problème de l...

le 18/06/2024 à 16:49
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Mais entre temps, ils se seront fait une sacré santé financière.

à écrit le 17/06/2024 à 15:39
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Tout ça n'est pas surprenant car après les retraités, ce sont les entreprises qui profitent assez grassement du système, les aides aux entreprises étant le troisième poste de dépenses après les pensions et les soins.

à écrit le 17/06/2024 à 15:38
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[ Législatives : via l'Afep, les grands groupes alertent les partis contre un "risque majeur" pour l'économie ] Vive l'ingérence politique des millionnaires du CAC 40... J'avais cru comprendre que la gestion du risque politique était une comp...

à écrit le 17/06/2024 à 15:38
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Au vu des projets et promesses de ces rigolos pas drôles du tout et puisque cette Constitution de m.... nous interdit de sanctionner des députés inefficaces et un ministère sans contrôle, ou tout le monde accepte une Régence qui sévirait jusqu'à ce ...

le 17/06/2024 à 18:27
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Le problème, c'est que pour rééquilibrer les comptes, il faudrait arriver à convaincre un bon tiers de la population de se suicider collectivement. Pensez-vous sérieusement qu'un candidat a la moindre chance de gagner une élection avec pareil program...

à écrit le 17/06/2024 à 15:27
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Un peu tard pour se réveiller ! Dette incontrôlable depuis 2017 avec plus de 1 000 milliards d'endettement en plus.

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