A gauche, les fragilités d’un mariage forcé pour les législatives

Après avoir scellé un accord en quatre jours, les artisans du Nouveau Front populaire ont abîmé leur message d’unité.
Caroline Vigoureux
Les cadres du Nouveau Front populaire réunis vendredi à la Maison de la chimie à Paris.
Les cadres du Nouveau Front populaire réunis vendredi à la Maison de la chimie à Paris. (Crédits : © LTD / GABRIELLE CEZARD/SIPA)

La fissure est apparue un peu avant minuit vendredi soir. La France insoumise publie sa liste de candidats investis pour les élections législatives. N'y figurent pas les députés sortants et connus du mouvement Alexis Corbière, Raquel Garrido, Danielle Simonnet. Aucun d'entre eux n'a eu droit au moindre coup de fil de la direction de LFI, c'est en consultant le site de leur parti ou par un simple mail qu'ils ont constaté leur absence, comme celle de deux autres députés. Ces trois-là sont depuis un an qualifiés de frondeurs chez les Insoumis. Historiquement très proches de Jean-Luc Mélenchon, ils ont pris leurs distances avec le chef, critiquant un fonctionnement trop vertical. « Jean-Luc Mélenchon a réglé ses comptes avec moi et mes amis », fulminait hier matin sur Franceinfo Alexis Corbière, élu de Seine-Saint-Denis depuis 2017.

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Toute la journée, écologistes, socialistes et communistes ont tenté de convaincre Manuel Bompard, secrétaire général du mouvement et très proche de Jean-Luc Mélenchon, de revenir sur cette décision, qu'ils qualifient tous de « purge ». « On est tous tombés par terre, s'étouffe un socialiste. On fait face à une situation politique dramatique et ils affaiblissent tout le monde dans une inconscience sectaire. C'est contraire à tout ce qu'on s'est dit ! » « Ce ne sont pas 5 circonscriptions sur 577 qui doivent nous faire dérouter de cette responsabilité historique », veut-on croire chez Les Écologistes. Si ces fissures éclatent quelques heures avant le dépôt des listes - aujourd'hui à 18 heures -, c'est parce que l'accord ne portait que sur le nombre de circonscriptions accordées à chaque parti : 229 pour LFI, 175 pour le PS, 92 pour les écolos et 50 pour le PCF. Libre à chacun ensuite de choisir ses candidats.

« Taisez-vous »

Les Insoumis ont fait un autre choix qui froisse leurs nouveaux alliés. Ils ont réinvesti Adrien Quatennens, député LFI du Nord et très proche de Jean-Luc Mélenchon, condamné pour violences conjugales. « Si on réserve le sort de l'excommunication, on envoie le message aux mecs fautifs de dire : « Taisez-vous », nous expliquait début mai l'un des principaux cadres de LFI. Adrien permet de montrer qu'il y a un chemin possible de réhabilitation. Il a un avenir parce qu'il a été à la hauteur. »

Il est clair que personne chez les Insoumis n'a envisagé un seul instant de désavouer celui qui avait reconnu publiquement ses « regrets » d'avoir giflé son ex-femme. Quand dimanche soir, à 0 h 19, sur le plateau de BFMTV, la députée écologiste de Paris Sandrine Rousseau affirme que « la question de l'investiture de Quatennens se pose », elle reçoit ce texto de Jean-Luc Mélenchon : « Si tu n'es pas prête à soutenir Adrien, on va te barrer la route. » Des messages de communistes arrivent aussi sur son téléphone : « Tu ne peux pas ouvrir cette discussion maintenant. Il faut qu'on se rassemble. »

Cécile Duflot a décliné l'offre

Il faut dire que Les Écologistes ont adopté une ligne radicalement inverse à celles des Insoumis. Eux-mêmes ont été confrontés cette semaine au cas de Julien Bayou. Le député écologiste de Paris, accusé de harcèlement par son ex-compagne - une enquête judiciaire est en cours et il fait toujours l'objet d'une enquête lancée par le parti -, a annoncé lundi sa candidature. Mais au sein du mouvement, plusieurs lignes s'affrontaient sur le sort à lui réserver. Ils ont finalement décidé de ne pas l'investir et même de présenter quelqu'un face à lui. Les élues féministes parisiennes Raphaëlle Rémy-Leleu et Alice Coffin étaient sur les rangs, mais leurs relations avec la direction du parti sont compliquées. La circonscription a été proposée à la directrice générale d'Oxfam, Cécile Duflot, qui a décliné l'offre. C'est finalement Pouria Amirshahi, ancien frondeur du PS époque Hollande et qui n'est pourtant pas encarté chez Les Écologistes, qui a été choisi, amenant Julien Bayou à retirer sa candidature. « Au moins, nous, on est clean », constate une élue écologiste.

Les choix des Insoumis ont provoqué des réactions outrées en cascade samedi. Lui-même investi par le Nouveau Front populaire, François Ruffin s'est fendu d'un tweet acerbe vu 11 millions de fois : « Vous préférez un homme qui frappe sa femme, auteur de violences conjugales, à des camarades qui ont l'impudence d'avoir un désaccord avec le grand chef. » La séquence fragilise très sérieusement le message d'unité que tous les protagonistes ont tenté d'envoyer vendredi, réunis à la Maison de la chimie pour faire une photo de famille avec au premier rang Olivier Faure, Marine Tondelier, Fabien Roussel, Manuel Bompard.

Après quatre jours et quatre nuits de négociations, tous se sont mis d'accord sur un pro-
gramme de 150 mesures, comme l'abrogation de la loi immigration et des réformes des retraites et de l'assurance chômage, l'indexation des salaires sur l'inflation, l'établissement d'un ISF avec un volet climatique, la taxation des superprofits au niveau européen, l'augmentation du smic à 1600 euros net... sans chiffrage précis. Sur le volet international, les socialistes ont réussi à obtenir la condamnation des « massacres terroristes du Hamas » commis le 7 octobre en Israël et la défense « indéfectible » de l'Ukraine. Certains désaccords, comme le nucléaire et la place de la France dans l'Otan, n'ont pas été tranchés et tout le monde s'en satisfaisait comme ça. Ce qu'ils étaient parvenus à faire en si peu de temps relevait déjà de l'exploit. Jusqu'ici tout allait bien. Jusqu'à hier.

Caroline Vigoureux
Commentaires 4
à écrit le 22/06/2024 à 13:27
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Encore un mariage de la carpe et du lapin (ça ne présage rien de bon). Ici union rime avec soumission.

à écrit le 16/06/2024 à 21:31
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"A gauche, les fragilités d'un mariage forcé pour les législatives" A l'évidence la gauche est coutumière des mariages arrangés sans amour à but purement lucratif (cf. assistanat social défiscalisé) dit "mariages blancs" dans les mairies sociali...

à écrit le 16/06/2024 à 9:13
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c'est un assemblage de bric à broc, ça ne ressemble à rien! Le pire c'est Hollande dedans va revenir sur ses réformes! un programme loufoque et qui paiera: ce ne sont pas les riches car ils seront partis mais les classes moyennes pour donner aux jeun...

à écrit le 16/06/2024 à 9:05
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C'est marrant les médias de masse, juste avant les européennes il n'y en avait que pour le RN et juste avant les législatives il n'y en a que contre l'union populaire. Enfin "marrant"... ^^

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