![Gabriel Attal se donne un mois pour statuer sur la réforme de l'assurance chômage](https://static.latribune.fr/full_width/2383206/gabriel-attal.jpg)
Ce fut une surprise, un véritable revirement de situation, tant Gabriel Attal tenait à cette réforme. Pour rappel, la réforme de l'assurance chômage prévoit de durcir les droits des demandeurs d'emploi. Dimanche soir, alors que les résultats du premier tour des élections étaient publiés, et que le Rassemblement national faisait la course en tête, Matignon a annoncé qu'un décret de jointure serait publié. Ce qui revient ni plus ni moins à suspendre la mise en œuvre de la réforme prévue : Gabriel Attal se donne un mois pour statuer. Soit jusqu'au 31 juillet.
Cette décision apparaît comme un signe adressé aux électeurs de gauche. Censée permettre d'atteindre plus rapidement le plein-emploi, la réforme « doit pouvoir faire l'objet d'aménagements, de discussions entre forces républicaines », selon l'entourage du Premier ministre. Une déclaration dans la lignée des mots du président de la République, qui lors d'une conférence de presse quelques jours après la dissolution, avait évoqué des aménagements possibles.
Mais dans le contexte politique de ce premier tour de scrutin, l'objectif est clair : l'exécutif fait un geste en vue de faciliter les discussions avec les représentants du Nouveau Front populaire et d'occasionner des reports de voix pour le second tour, face au Rassemblement national.
Une décision taclée par Bruno Le Maire
Dès le lendemain, le ministre de l'Economie a tancé le chef du gouvernement, estimant que la réforme de l'assurance-chômage est « nécessaire pour atteindre l'objectif du plein-emploi ». Et d'insister : « si la France veut le plein-emploi, si elle veut sa réindustrialisation, si elle veut rester une puissance économique de tout premier plan, il faut aller vers le plein-emploi, et donc, il faut poursuivre la réforme de l'indemnisation du chômage. »
Au micro de France Inter, Bruno Le Maire s'est, en effet, dit « très circonspect sur les gages que l'on peut donner, sur les positions de circonstances, sur les calculs ». Et de craindre que ces « accommodements » ne soient contre-productifs.
« J'ai toujours dit qu'il fallait poursuivre la réforme de l'indemnisation du chômage. Je ne vais pas changer de convictions en l'espace de 24 heures, parce qu'il faudrait que j'arrive à convaincre un tel ou un tel », a insisté Bruno Le Maire.
Si cette déclaration illustre les fractures qui se forment dans le camp macroniste, elle peut aussi agacer le locataire de Bercy, d'un point de vue comptable. En année pleine, la nouvelle réforme d'assurance chômage devait permettre d'économiser au régime près de 4 millions d'euros.
Une stratégie dangereuse
Ce type d'annonce peut-il permettre la constitution d'un front contre le Rassemblement national ? Et surtout n'y a-t-il pas là le risque d'ouvrir la boite de Pandore ? Le Nouveau Front populaire ne va-t-il pas demander d'autres gestes ? A l'instar d'Olivier Faure, chef de file du PS, qui a réagi ce lundi matin au micro de France info : « Je suis sensible au fait que Gabriel Attal a entendu que les Français sont largement hostiles à cette réforme injuste... mais la liste est encore longue. » Et l'alliance des gauches de cibler la réforme des retraites, notamment.
Dans cet esprit, la CGT - qui s'est rapprochée du Nouveau Front populaire - a d'ailleurs réagi, en exigeant que Gabriel Attal aille un cran plus loin : « Nous exigeons le retrait de la réforme » de l'assurance chômage, a ainsi expliqué Denis Gravouil, membre du bureau confédéral de la CGT. Et l'ancien négociateur de la réforme pour la centrale de Montreuil de dénoncer « un chantage, du marchandage » à quelques jours du second tour des élections législatives.
Le patronat lance un appel
Dans ce contexte, Eric Chevée, le vice-président de la CPME, en charge des Affaires sociales, a, de son côté, lancé lundi un appel aux partenaires sociaux à se saisir du sujet de l'assurance-chômage : « On est au bout d'un système de réformes paramétriques (de) l'assurance-chômage, devant la nécessité de remettre à plat complètement le dispositif et de repenser de façon systémique la question de la protection sociale emploi-formation en France ».
Et d'ajouter : « Si les partenaires sociaux s'en saisissent, nous pourrions le faire avancer, surtout dans un univers politique incertain, c'est un appel que nous, CPME, envoyons aux partenaires sociaux ». Reste à voir si dans cette période électorale particulièrement tendue, les syndicats vont saisir cette main tendue.