Législatives : Gabriel Attal met en pause la réforme de l'assurance chômage

Le Premier ministre a suspendu la réforme controversée de l'assurance chômage, dénoncée tant par l'extrême droite que par l'alliance de gauche, qui ont largement distancé le camp présidentiel dimanche soir au 1er tour des législatives. Cette réforme vise notamment à durcir les conditions d'accès aux indemnités.
La réforme de l'assurance chômage devait être ainsi entérinée par un décret publié au Journal officiel ce lundi (photo d'illustration).
La réforme de l'assurance chômage devait être ainsi entérinée par un décret publié au Journal officiel ce lundi (photo d'illustration). (Crédits : Reuters)

[Article publié le lundi 1er juillet 2024 à 8h11, mis à jour à 15h52] Après la débâcle du camp présidentiel au premier tour des législatives, le Premier ministre « a décidé ce (dimanche) soir de suspendre la mise en œuvre de la réforme de l'assurance chômage », a déclaré à l'AFP l'entourage du chef du gouvernement.

Pour rappel, la réforme devait réduire à partir du 1er décembre la durée maximale d'indemnisation de 18 à 15 mois pour les personnes âgées de moins de 57 ans. Il aurait aussi fallu avoir travaillé huit mois sur les 20 derniers mois pour être indemnisé, contre six mois au cours des 24 derniers mois actuellement.

Très critiqué par les syndicats, le texte attendu de la part du gouvernement, dont les dispositions ont été soumises pour avis au Conseil d'Etat, devait d'abord prolonger les règles existantes jusqu'au 30 novembre, puis mettre en œuvre la réforme de l'assurance chômage décidée par l'exécutif à compter du 1er décembre.

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Un « décret de jointure » dans les cartons...

Cette réforme devait être ainsi entérinée par un décret publié au Journal officiel ce lundi. Dans un contexte très difficile pour le camp présidentiel, largement distancé au premier tour des législatives par le RN, nettement en tête, mais aussi la gauche, le Premier ministre a donc préféré suspendre le projet.

La réforme n'est pas enterrée pour autant. Elle pourra « faire l'objet d'aménagements, de discussions entre forces républicaines », selon l'entourage de Gabriel Attal, renvoyant à de « futures majorités de projets et d'idées » après le second tour des législatives. Afin d'éviter un vide juridique, les règles actuelles n'étant valables que jusqu'à ce dimanche, Matignon a d'ores et déjà précisé qu'un « décret de jointure » doit être publié dès ce lundi matin pour prolonger les conditions en vigueur « jusqu'au 31 juillet ».

... qui fait déjà l'objet de critiques

Voire plus loin encore ? A minima, « il y aura une prolongation (des conditions actuelles, ndlr) entre le 1er août et le 30 novembre parce que, pour des raisons opérationnelles, France Travail n'est pas en mesure de changer les règles avant le 1er décembre », observe Denis Gravouil, le négociateur CGT sur l'assurance chômage. Selon lui, « la grosse question » c'est ce qu'il va se passer « à partir du 1er décembre ? (...) Il y a une épée de Damoclès qui pèse sur la tête des chômeurs », considère-t-il.

« Pour nous, ça exige de rouvrir une négociation avec un décret de jointure qui maintienne les droits jusqu'à la fin de l'année », selon le négociateur CGT.

Un avis partagé par Michel Beaugas, secrétaire confédéral chez FO chargé de l'emploi. « Un nouveau gouvernement peut nous demander de rouvrir une négociation » sur la base d'une nouvelle « lettre de cadrage », note-t-il. Mais il faut du temps, donc il faudra « proroger de nouveau le décret de jointure », même si juridiquement, « c'est un peu bancal depuis un moment ». Pour Éric Chevée, le négociateur de la Confédération des PME, « ce qu'on pourrait imaginer être fait d'ici la fin juillet, en un mois, c'est un plan d'action » pour rouvrir des négociations entre partenaires sociaux en septembre, affirme-t-il.

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Le RN et le NFP opposés à la réforme pendant leur campagne

Le Rassemblement national (RN), à l'extrême droite, s'est engagé à revenir sur cette réforme. « J'en ai un peu assez qu'on demande systématiquement des efforts toujours aux mêmes », a notamment affirmé le chef de file du RN, Jordan Bardella. S'il a la majorité absolue, il aura la main pour changer les règles à sa guise. « Les partenaires sociaux devront négocier et faire des propositions », a précisé ce lundi à l'AFP le député sortant RN Jean-Philippe Tanguy. Les syndicats s'affichent néanmoins prudents. « On n'a pas entendu de projet sur l'assurance chômage (ndlr : de la part du RN), donc on ne sait pas », relève Michel Beaugas pour FO. « On ne peut pas leur faire confiance vu que chaque fois ils ont voté contre les chômeurs, (pour) toutes les mesures de durcissement qui ont conduit au décret de 2023 », la précédente réforme, ajoute Denis Gravouil.

Du côté de la gauche, réunie dans le Nouveau Front populaire (NFP), on entend « abroger immédiatement » la réforme, qui est vue comme « cruelle ».

À droite, les Républicains (LR) se montrent plus divisés, certains soutenant en partie le projet tandis que d'autres s'y opposent.

Le camp présidentiel avait répété assumer cette réforme au nom du plein-emploi. Mi-juin, le président Emmanuel Macron l'a qualifiée d'« indispensable » et a jugé que le gouvernement avait « raison de l'assumer en campagne ». Il a néanmoins assuré être ouvert sur les « modalités », d'autant que d'autres voix gouvernementales plaidaient pour une réouverture du sujet après les législatives, au vu de l'opposition des différentes forces politiques non macronistes.

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Les syndicats ravis de la suspension de la réforme

Les syndicats, eux, sont farouchement opposés à cette réforme qui vient s'ajouter à celles de 2021 et de 2023 : ils craignent une précarisation accrue des chômeurs, notamment parmi les jeunes et les seniors. Mi-juin dans un communiqué conjoint, les huit confédérations syndicales (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, Solidaires et FSU) avaient exhorté le gouvernement à « renoncer à la réforme la plus inutile, la plus injuste et la plus violente jamais vue ».

La secrétaire générale de la CFDT, Marylise Léon, avait notamment exprimé sa « colère », dénonçant une réforme « uniquement budgétaire » qui va faire « la poche des chômeurs ».

Sa suspension est donc vu d'un très bon œil par les syndicats. « C'est une excellente nouvelle », a réagi dimanche soir auprès de l'AFP la leader de la CGT, Sophie Binet. « Il faut maintenant abandonner définitivement cette réforme injuste et violente qui menace de faire basculer dans la pauvreté plus d'un million de travailleurs et de travailleuses », a-t-elle ajouté.

L'avis est plus nuancé du côté de la CFTC. « C'est une mauvaise réforme. Elle devait être annulée, point », fustige Cyril Chabanier, son président. Il a regretté que « l'assurance chômage [serve] comme monnaie d'échange » dans l'espoir, pour le gouvernement, de constituer une majorité plus large à l'issue du second tour, « en disant grosso modo : "Si vous venez avec nous, on met ça de côté" ». Pour FO aussi, « l'abrogation pure et simple du décret aurait été plus simple », selon Michel Beaugas.

Revalorisation des allocations d'assurance chômage

Par ailleurs, les allocations d'assurance chômage vont être revalorisées de 1,2% le 1er juillet. Cette revalorisation « concernerait environ 2 millions de demandeurs d'emploi indemnisés » sur environ 2,7 millions au total, selon l'Unédic. Certains allocataires de moins de six mois ne sont pas concernés.

La décision a été prise lors d'un conseil d'administration de l'Unédic, composé de représentants des salariés et des employeurs, et a été votée « à la majorité des suffrages exprimés », ajoute l'organisme. L'Unédic fait valoir qu'elle « tient compte à la fois du contexte économique et de l'équilibre financier du régime d'assurance chômage » et rappelle que cette revalorisation « intervient après deux autres en 2023 (+1,9% au 1er avril, puis +1,9% au 1er juillet) ».

En moyenne, la revalorisation annuelle a été de 1,68% au cours des cinq dernières années. Un allocataire n'ayant pas travaillé dans le mois et bénéficiant de l'allocation minimale passera ainsi de 979,29 euros brut à 991,07 euros brut, détaille l'Unédic.

Néanmoins cette revalorisation reste insuffisante aux yeux des syndicats. La CFDT précise dans un communiqué que « le patronat a fait une première proposition de revalorisation à hauteur de 1% et n'a accordé que 1,2% après une suspension de séance ». La CFDT plaidait de son côté pour une augmentation de 2,5% au vu de l'inflation persistante. La CGT a, elle, dénoncé « l'extrême faiblesse de cette revalorisation ».

(Avec AFP)

Commentaires 8
à écrit le 01/07/2024 à 16:23
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Le 3à juin, plus de 10 millions d'électeurs forcent le 1er juillet, Gabiel Attal à suspendre (pas abroger, faudrait pas déconner non plus!). Cela donnera bonne conscience aux castors de "gôche" qui vont une fois de plus (de trop?) glisser dans l'urne...

à écrit le 01/07/2024 à 13:57
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Même pas encore élu, le RN a déjà un effet bénéfique sur la vie des français.

à écrit le 01/07/2024 à 13:39
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Il serait temps...mais attention: "suspendu" n'est pas "abrogé". On peut suspendre pour 8 jours...le temps que le second tour soit passé ! Petit malin, le Gaby...

à écrit le 01/07/2024 à 10:34
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Il est gentil,le petit, il n'avait pas compris qu'il avait eu dissolution de l'Assemblée Nationale, qu'il expédiait les affaires courantes et que son gouvernement serait démissionnaire à très court terme ?

à écrit le 01/07/2024 à 9:52
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C'est plus compliqué....taxes, retraites, déficits, etc...sans oublier l arrogance de nombreux ministres et une envie de changer. Perso, j'ai voté Ensemble mais je comprends le voté à droite toute....immigration, haine de la police entretenue par la...

à écrit le 01/07/2024 à 9:22
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L important est de constituer un front républicain contre la gauche caviar et la NUPES NPA Un véritable cordon sanitaire face à LFI /NPA

à écrit le 01/07/2024 à 8:53
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Le contraire serait difficilement compréhensible mais bon des incohérences et du difficilement compréhensible nous en avons depuis Sarkozy au final. Au fait je trouve que les souris ont été plus nombreuses pour voter pour les chats ce coup ci non ? E...

à écrit le 01/07/2024 à 8:42
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"Législatives : Gabriel Attal met en pause la réforme de l'assurance chômage" Reculer pour mieux dynamiter la France...

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