Charles de Courson (groupe Liot) crée la surprise. Le député centriste, membre de l'opposition, a ravi sur le fil au macroniste Jean-René Cazeneuve (Ensemble pour la République, ex-Renaissance) le siège stratégique de rapporteur général du budget de l'État, d'habitude occupé par un élu soutenant l'exécutif. Au terme de trois tours de scrutin, le député de 72 ans, a été élu par 27 voix contre... 27, grâce à la procédure prévoyant que le député le plus âgé l'emporte. Il a six ans de plus que son adversaire.
Le rapporteur général, sorte de numéro 2 de la commission des Finances, participe avec Bercy et l'exécutif à la création du budget annuel de l'État, l'un des textes les plus âprement discutés dans l'hémicycle. Il sert traditionnellement d'interface entre le gouvernement, sa majorité et le reste des parlementaires, et rend des avis sur les amendements des députés, sur le fond comme sur leur recevabilité financière.
Ce poste obtenu par Charles de Courson, avec le soutien de la gauche, revient d'habitude à un député soutien du camp présidentiel, à la fois pour que les discussions avec Bercy soient fluides, mais aussi dans l'idée de contrebalancer le fait que la présidence de la commission des Finances est elle dévolue à l'opposition.
Macronistes et opposition se renvoient la balle
« Il a bafoué l'esprit de nos institutions. Il faut un rapporteur général qui puisse travailler avec l'exécutif. Il va y avoir un dialogue entre les oppositions, et appauvri avec Bercy », a grondé Jean-René Cazeneuve après l'annonce des résultats.
Mais les adversaires des macronistes les accusent en retour d'avoir trahi l'usage voulant que le camp présidentiel ne prenne pas part à l'élection du président de la Commission des finances, poste réservé à l'opposition. Les députés macronistes ont en effet voté pour la députée de droite Véronique Louwagie, en vertu d'un accord passé entre les deux camps.
Une tentative qui a échoué puisqu'avant la nomination du rapporteur général c'est l'Insoumis Eric Coquerel qui avait été réélu à la tête de la puissante commission, avec le soutien de députés Liot.
Les macronistes remportent les Commission et le NFP le bureau de l'Assemblée
Avant le rapporteur général du budget, les 577 députés se sont réunis depuis jeudi pour élire plusieurs membres.
Ce matin vers 4H, après deux journées passées à voter pour élire les 22 membres du bureau, dont un président - Yaël Braun-Pivet (Ensemble pour la République), réélue mercredi - six vice-présidents, trois questeurs, et douze secrétaires, les 577 députés sont parvenus à attribuer tous les postes.
Et l'Assemblée a découvert que le Nouveau Front populaire était majoritaire au sein du bureau de l'Assemblée, après avoir raflé à la surprise générale vendredi et samedi 12 postes de sa plus haute instance exécutive. Le NFP a obtenu deux vice-présidences sur six, une questure sur trois, et neuf postes de secrétaire sur 12 de cette instance présidée par Yaël Braun-Pivet, chargée notamment de décider des sanctions contre les députés. Le reste des sièges étant divisés entre les groupes du camp présidentiel (cinq), la Droite républicaine (trois), et les indépendants de Liot (deux).
Plus tard, vers 12h. Les mêmes députés ont élu les huit présidents de commissions. Et le camp présidentiel en a obtenu six sur huit présidences. Les deux restant étant partagés par le PS et LFI.
Le Rassemblement national dénonce des magouilles
Ces résultats ne satisfont pas tout le monde. D'autant que l'élection des vice-présidents a été fortement perturbée vendredi par un incident au premier tour. Les urnes contenant plus d'enveloppes que de votant, celui-ci a dû être annulé puis réorganisé.
« Ces décisions rendent pour l'avenir les décisions de ce bureau parfaitement illégitimes », a estimé Marine Le Pen autour de minuit, annonçant que son groupe ne prendrait pas part à la dernière élection, concernant les secrétaires.
Surtout, après ces votes difficiles, le Rassemblement national n'a remporté aucune des six vice-présidences, pas de poste de questeur sur les trois en jeu, pas même un secrétaire sur douze: Marine Le Pen et ses alliés sont restés à l'écart des postes du bureau de l'Assemblée, sa plus haute instance exécutive. Il y a deux ans, la macronie avait concédé au Rassemblement national deux vice-présidences, dans le souci d'une représentation équitable des groupes, comme le préconise le règlement de l'Assemblée. Cette fois-ci, rien de tel: le groupe Ensemble pour la République (EPR) présidé par Gabriel Attal avait décidé lundi de ne mettre aucun bulletin « ni pour le RN, ni pour LFI », et de s'affranchir de cette proportionnalité. Une consigne qui a opportunément permis à la macronie d'offrir à ses propres troupes et à ses alliés de La Droite républicaine plusieurs postes au sein du bureau.
Marine Le Pen s'est empressée de dénoncer des « magouilles » et des « achats de poste» qui « foulent aux pieds la démocratie », privant les « 11 millions d'électeurs » du RN de représentants dans les instances de l'Assemblée.
(Avec AFP)