Ce midi, au palace Shangri-La, avenue d'Iéna à Paris, discrètement installé avec son entourage dans l'un des salons, le rappeur nigérien Wizkid (@wizkidayo) picore tranquillement sa Caesar salad. Non loin de lui, il y a là son bébé (Zion) dans une poussette Fendi (2 900 euros), sa nounou, la sculpturale maman, Jada Pollock, mais sur lui il y a surtout un ruissellement de montres, diamants et colliers pour près de 1 million d'euros. Autant dire que la Caesar salad a intérêt à être à la hauteur. En cuisine, à la tête de 70 cuisiniers, Quentin Testart (ex-Royal Monceau) sait très bien que la clientèle très pointue du palace ne va pas forcément le juger sur son plat signature de la Bauhinia, le pain perdu au homard, mais plutôt sur ses club-sandwichs, ou encore la Caesar salad. « C'est à la fois le plus simple et le plus compliqué, avoue-t-il, il faut viser juste entre les deux et la réussir sans sortir de la musique initiale. C'est à moi de choisir les meilleurs produits : les anchois Desclaux de Collioure, les œufs bio de la ferme la Bigottière, en Normandie, une bonne romaine. Il faut la faire en toute humilité, sans trembler. »

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La Caesar salad résume les grands classiques de la cuisine, facile à faire, difficile à réussir, avec au bout de la roulette le client. Ce dernier n'a pas une idée précise d'une Caesar salad, il en a une idée très, très précise. Sa chimie interne devance l'arrivée de la salade, les capteurs sont en place. Si cette dernière est (légèrement) à côté de la plaque, c'est dédain et mépris. Chose toute naturelle pour un exercice que certains chefs aiment « revisiter » (la maladie du siècle) ou, le trouvant indigne de leur talent christique, traitent par-dessus la jambe.

« La Caesar salad, explique Sylvain Ercoli, directeur du Bulgari Hotel à Paris, c'est le plat universel qui transcende les frontières et les cultures. Lorsqu'on arrive dans un hôtel, que ce soit à Bangkok, Sydney ou Londres, en décalage horaire, c'est la comfort food par excellence et, comme on hésite sur le club-sandwich, les spaghettis bolognaise, on se replie sur un plat "léger". » Une chose est sûre, ce n'est certainement pas César luimême qui inventa la salade du même nom. Comme pour la TSF (Marconi, Hertz, Popov, Branly et Lodge), ils sont un bataillon (Caesar Cardini, Livio Santini, Giacomo Junia, Paul Maggiora) à se réclamer de cette brave salade au vrac somme toute banal. Il ne s'agit pas non plus de vider sottement son frigo pour faire le malin. Il est ainsi souhaitable de réunir de la laitue romaine, des croûtons à l'ail, du jus de citron, de l'huile d'olive, de l'ail et du parmesan, des œufs durs, du sel, du poivre noir et de la sauce Worcestershire. On y ajoute également des anchois. Mais ces derniers étaient absents lors de la naissance (4 juillet 1924) de ce plat inscrit au panthéon de la gastronomie américaine. On breveta à tour de bras autour de ce joyeux fouillis, notamment la Cardini's Original Caesar Dressing (1948). Cela dit, vous ne risquez pas de voir débarquer les gendarmes si vous ajoutez du blanc de poulet, des crevettes, des tomates confites, des tuiles de parmesan, de l'avocat... Car la Caesar salad est finalement une bonne fille, elle n'a guère d'amour propre. Mais elle a sa fierté.