Les énergies renouvelables coûteront six fois plus cher que prévu à l'Etat en 2024

Une fois le bouclier tarifaire terminé, le gouvernement pensait s’alléger d’importantes charges sur l’énergie. C’était sans compter sur le retour d’un soutien important aux renouvelables, alors que les prix de marché baissent davantage que prévu.
Marine Godelier
La baisse des prix de marché renchérit de 5,9 milliards d'euros les charges de l'Etat liées au soutien aux énergies renouvelables en 2024, notamment pour le solaire photovoltaïque. L'éolien terrestre continuera lui de rapporter, à hauteur d'une centaine de millions d'euros.
La baisse des prix de marché renchérit de 5,9 milliards d'euros les charges de l'Etat liées au soutien aux énergies renouvelables en 2024, notamment pour le solaire photovoltaïque. L'éolien terrestre continuera lui de rapporter, à hauteur d'une centaine de millions d'euros. (Crédits : Agence APPA)

Encore une mauvaise nouvelle pour les finances publiques. Alors que l'Etat n'avait pas capté les surprofits escomptés des énergéticiens pendant la crise de 2022 et 2023, il touchera également moins que prévu en 2024. En effet, la baisse des prix de marché de l'électricité, que l'on observe depuis plusieurs mois, l'oblige désormais à soutenir davantage les producteurs d'énergie renouvelable.

Résultat : les charges qu'il devra compenser, c'est-à-dire les montants à rembourser à ces opérateurs, s'élèvent à 4,2 milliards d'euros sur l'année, a fait savoir mardi soir la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Soit 3,5 milliards d'euros de plus que ses prévisions initiales, qui datent de juillet dernier et qui misaient sur une dépense de 647 millions d'euros pour toute l'année 2024.

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Des contrats avec l'Etat pour soutenir les renouvelables

Mais comment expliquer une telle sous-estimation ? Pour le comprendre, il faut se plonger dans la manière dont le gouvernement soutient financièrement les énergies renouvelables. Une bonne partie de ces infrastructures se trouvent sous contrats dits « de complément de rémunération », afin de ne pas subir la volatilité de la bourse d'échange. Concrètement, un prix cible pour la vente de l'électricité des producteurs d'énergies renouvelables, appelé « strike price », est défini lors d'un appel d'offres. Si les cours du marché tombent en-dessous de ce montant, qui est proche de leurs coûts de production, l'Etat se doit de leur rembourser la différence. Et ce, afin d'éviter qu'ils ne vendent à perte sur les marchés.

A l'inverse, lorsque les cours du marché dépassent ce « strike price », les producteurs doivent restituer le surplus à la puissance publique, pour éviter tout superprofit. C'est pour cette raison qu'en 2023, alors que les cours avaient explosé à des niveaux jamais vus jusqu'ici, l'éolien terrestre a rapporté plus de 3 millions d'euros aux finances publiques.

Hausse des cours

Or, depuis la dernière estimation de la CRE pour 2024, ces cours ont drastiquement baissé sur les bourses d'échange. Et pour cause : les Français consomment moins d'électricité que prévu, alors même que le parc nucléaire a retrouvé de bons niveaux de production et que les barrages sont remplis. Ainsi, tandis que dans la première évaluation de la CRE de juillet dernier, les prix de marché retenus pour la simulation flirtaient en moyenne autour de 174 euros/MWh, ils n'étaient plus que de 63 euros/MWh dans la mise à jour de mardi !

Par conséquent, « les charges engendrées par les contrats de soutien à la production d'énergie augmentent en conséquence sur la fin de l'année 2023 et l'année 2024 », note l'autorité indépendante.

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Dans le détail, cela renchérit de 5,9 milliards d'euros les charges de l'Etat liées au soutien aux énergies renouvelables, notamment pour le solaire photovoltaïque, l'injection de biogaz et l'éolien en mer (tandis que l'éolien terrestre, lui, va rapporter 100 millions d'euros).

Cette accalmie permet néanmoins, dans le même temps, de diminuer les dépenses du bouclier tarifaire, ce dispositif mis en place par le gouvernement fin 2021 pour protéger les consommateurs et qui tire peu à peu sa révérence. Mais « seulement » à hauteur de 3 milliards d'euros, un montant insuffisant pour compenser les autres hausses de charges.

Vers des contrats de droit privé ?

Reste à savoir ce qu'il se passera après 2024. Selon la CRE, les dépenses de l'Etat liées au soutien aux énergies renouvelables devraient continuer d'augmenter, pour atteindre autour de 6 milliards d'euros en 2025, « soit un retour au niveau d'avant-crise ». Et cette tendance se poursuivra probablement après cette date, si tant est que les prix de marché ne redécollent pas. « Le soutien à l'éolien en mer va s'accélérer, ainsi que celui à l'injection de biogaz. Cela est de nature à augmenter les charges », explique une source proche du dossier.

Alors qu'en avril 2022, l'association France Energie Eolienne (aujourd'hui France Renouvelables) assurait que d'ici à 2035, l'éolien rapporterait à l'Etat une recette nette estimée à 18 milliards d'euros à l'Hexagone, ces projections ne sont plus d'actualité, explique Mattias Vandenbulcke, son directeur de la stratégie.

« Ce sera beaucoup moins. Nous avions fait cette évaluation dans un contexte de prix qu'on pensait très élevés. La CRE les fléchait autour de 96 euros/MWh à long terme ; ce n'est plus le cas aujourd'hui », développe-t-il, tout en précisant que l'éolien terrestre a déjà « remboursé en 2022 et 2023 une grande partie du soutien public dont il a bénéficié ».

Dans ces conditions, la CRE tente de favoriser le développement des Power Purchase Agreements, ou PPA, ces contrats de droit privé liant un producteur d'électricité à un ou plusieurs consommateurs, notamment des entreprises. Et pour cause, leur généralisation permettrait de soutenir le développement de l'éolien et du solaire, notamment, sans reposer davantage sur le budget de l'Etat. Selon nos informations, l'autorité administrative a d'ores et déjà demandé aux producteurs volontaires leurs retours d'expérience sur le sujet, alors que les PPA peinent à se développer en France.

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Pourquoi le solaire coûte si cher à l'Etat

En 2025, les panneaux solaires devraient peser pour la moitié des 6 milliards d'euros de soutien de l'Etat aux énergies, selon la CRE. En effet, tandis que l'éolien représentera alors une charge de 100 millions d'euros, l'injection de biogaz d'un peu plus d'un milliard d'euros et l'éolien en mer de 500 millions d'euros, le photovoltaïque coûtera, à lui seul, presque 3 milliards d'euros aux finances publiques !

Pendant la crise, d'ailleurs, les opérateurs solaires n'avaient pas restitué autant d'argent à l'Etat que pour l'éolien, loin de là : en 2023, les premiers avaient remboursé près de 100 millions d'euros, contre 3,5 milliards pour les seconds.

Et pourtant, les prix de cette énergie ne sont pas si éloignés de ceux de l'éolien terrestre, puisque les derniers appels d'offre flirtent autour de 80 euros/MWh. En toute logique, lorsque les cours du marché dépassent ce montant (comme en 2022 et 2023, où ils ont atteint plusieurs centaines d'euros/MWh) les producteurs devraient donc rendre la différence.

Seulement voilà : 20% du parc solaire installé en France bénéficie toujours d'anciens tarifs de rachat très avantageux. « Les premiers contrats signés au début des années 2010 avec l'Etat ont été décrochés à un tarif autour de 600 euros par MWh », explique à La Tribune une source informée. Soit un niveau bien éloigné des coûts de production actuels, et qui oblige la puissance publique à mettre la main à la poche. Ainsi, sur les 2,9 milliards d'euros de soutien prévus pour le secteur en 2025, 67% de ce montant correspond à des charges engendrées par ces deals d'un autre temps, qui n'ont pas été renégociés depuis.

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Marine Godelier

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Commentaires 18
à écrit le 25/07/2024 à 12:05
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Après avoir subventionner avec les impôts des français les énergies renouvelables ,les gouvernements successifs dont la gauche ont obligé RTE a acheter de façon prioritaire quelques soit le coup des MW verts , et maintenant le contribuable va devoir ...

à écrit le 25/07/2024 à 11:04
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L'éolien a rapporté 3 milliards à l'état en 2023, pas 3 millions !

le 26/07/2024 à 12:45
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Oui mais l'éolien avait promis des dizaines de milliards de bénéfices, et là on a beucoup moins et des milliers de tonnes de béton partout pour rien. Grosse déceptions et promesses mensongères.

à écrit le 25/07/2024 à 10:36
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Qu a foutu Lemaire ?… il a priviligie ses amis revendeurs et intermédiaires de tous pools ? Lamentable Le problème c est que nos élites politiques fonctionnarisées - elles critiquent les fonctionnaires mais elles font carrière alors que dans les au...

à écrit le 25/07/2024 à 10:31
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Si à foutu Lemaire ?… il a priviligie ses amis revendeurs? Lamentable Le problème c est que nos élites politiques fonctionnarisées - elles critiquent les fonctionnaires mais ce sont elles qui les embauchent …- sont trop acoquinées avec des intérêt...

à écrit le 25/07/2024 à 9:32
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On se demande bien ce que l’état (Bruno Lemaire) allait faire dans cette galère..

à écrit le 25/07/2024 à 8:42
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Ce sont les mêmes qui devaient "effondrer l'économie russe". Des cadors vous dis-je et les Français les maintiennent quand même dans la course! :):):)

à écrit le 25/07/2024 à 7:21
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C’est quand même surprenant cette inertie sur les contrats d’énergie solaire. On sent les fonctionnaires en charge « bien au fait de leur mission » et « concernés par l’usage ainsi fait de nos impôts »… Trop de monde dans les administrations, pas tr...

à écrit le 25/07/2024 à 6:57
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Tout comme le nucléaire, donc ce n'est bel et bien pas un problème d'énergie mais de responsable qui les gèrent. Nos dirigeants politiques et économiques sont nuls.

à écrit le 25/07/2024 à 3:30
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Les installations renouvelables ont été 100% financées par le secteur privé. Le contribuable n'a pas payé un centime. Contrairement au nucléaire ou le contribuable paye 100% plus les intérêts parce qu'évidemment, les nouveaux EPR ne sont absolument p...

à écrit le 25/07/2024 à 1:41
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Chiffre parcellaire sur une production positive souvent excédentaire hélas. La production électrique réelle est revendue 250 € par MWh aux particuliers. Parler de coût est donc impropre puisque la marge bénéficiaire reste énorme. Maintenant, nos vo...

le 26/07/2024 à 14:44
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L production des énergies renouvelables intermittentes va donc exploser, et bien entendu les problèmes divers liés à ces décisions stupides aussi.

à écrit le 25/07/2024 à 1:15
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Et il faut se rappeler que les enr sont intermittentes et qu'elles nécessitent impérativement des centrales à gaz en complément.

à écrit le 24/07/2024 à 21:45
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Merci pour cet article très clair, ça change des gros titres sur Twitter "l'éolien ruine l'état" et c'est pour ça qu'on lit La Tribune. Ces mécanismes de rétribution sont coûteux mais nęcessaire pour développer la filière EnR car la consommation élec...

le 27/07/2024 à 11:02
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La filière EnR électrique variable et non commandable est inutile ( ne couvre pas la pointe de consommation d'hiver qui dimensionne l'outil de production français) est très chère et responsable de l'augmentation du coût de l'électricité pour les Fra...

à écrit le 24/07/2024 à 21:30
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Concurrence libre et non faussée ???

à écrit le 24/07/2024 à 21:14
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Preuve que le renouvelable est un panier percé pour l'Etat et pour les consommateurs car les remboursements ne viennent pas du Ciel, mais jamais de pertes pour ces producteurs. Le nucléaire qui appartient à l'Etat est en outre le plus important contr...

à écrit le 24/07/2024 à 20:19
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Encore un succès de plus✌pour le radeau de la Méduse! Y a pas à dire, nous sommes des champions.

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