![La réduction proposée concernerait la « consommation de base » d'un ménage, soit 4,5 mégawattheures par an (MWh/an) s'il n'y a pas chauffage électrique et 6 MWh/an avec chauffage électrique.](https://static.latribune.fr/full_width/1855784/electricite.jpg)
Protéger les finances publiques tout en épargnant les ménages les plus fragiles, c'est ce que propose le Sénat qui prône « une baisse ciblée » de la fiscalité des prix de l'électricité. Le rapport spécial de la chambre haute publié jeudi, relève qu' « une baisse générale et indifférenciée de la TVA serait très coûteuse pour nos finances publiques et particulièrement injuste ».
A l'initiative des centristes, cette commission transpartisane, installée au terme d'une crise de l'énergie qui a vu en 2022 les factures s'envoler, a entendu plus de 140 personnes en six mois.
« L'idée est de baisser de façon ciblée et non générale car cela peut coûter très cher, et ce n'est pas juste » a déclaré le centriste Vincent Delahaye.
Pour la commission, le taux de TVA devrait être réduit de 20% à 5,5% pour la « consommation de base » des ménages, définie par un certain volume, et laissé à 20% au-delà.
Jusqu'à 600 euros en moins sur la facture d'un ménage
Ajoutée à l'instauration de contrats sur le nucléaire d'EDF, cette proposition du Sénat réduirait la facture électrique des Français de plus de 40% pour la consommation de base, indique le rapport. La réduction proposée concernerait la « consommation de base » d'un ménage, soit 4,5 mégawattheures par an (MWh/an) s'il n'y a pas chauffage électrique et 6 MWh/an avec chauffage électrique.
Sous ce volume, la TVA serait abaissée à 5,5%, l'accise sur l'électricité passerait de 21 euros actuellement à 9,5 euros/MWh, et la contribution d'acheminement (CTA) serait supprimée. « Tout le monde en bénéficie, sur un certain volume, qu'on pourrait appeler la 'consommation de première nécessité', pour éclairer, cuisiner... Après, si vous avez une piscine chauffée ou autre, là on ne vous aide pas particulièrement », explique le parlementaire. Cette mesure coûterait selon lui 3,5 milliards d'euros annuels - contre 12 milliards pour une baisse générale, estime Bercy.
Le rapport soutient aussi la mise en place de contrats avec EDF pour son nucléaire existant, à 60-65 euros/MWh. Il s'agirait de contrats CFD (« contrat pour différence »), avec, selon le niveau de prix du marché, un prix garanti ou au contraire un reversement du surplus à l'Etat. Pour un ménage dans un quatre-pièces chauffé à l'électricité consommant 6 MWh/an, ce serait 600 euros en moins sur la facture annuelle, selon les sénateurs. Et près de 7.000 euros en moins pour un boulanger consommant 99 MWh.
Prolonger les centrales actuelles au-delà de 60 ans
La commission s'est aussi penchée sur la production électrique de demain, alors que les besoins devraient croître de 38% d'ici 2035 (jusqu'à 615 TWh par an) et à 700 TWh en 2050. La France devra, d'ici 2035, assurer une « prolongation optimisée » de son nucléaire et « un essor raisonnable » des capacités renouvelables, estime le rapport, voté à l'unanimité des 23 membres de la commission moins l'élu écologiste.
D'ici 2050, il sera « nécessaire de prolonger les centrales actuelles au-delà de 60 ans », et construire 14 réacteurs, nombre déjà annoncé par le gouvernement. Selon la capacité à le faire, la production nationale électrique serait de 700-850 TWh en 2050, avec 52% à 61% assurés par l'atome, explicite encore le rapport. Quant aux renouvelables (éolien, solaire), « plus les mix électriques en comportent une part significative, plus le coût de production moyen est élevé », du fait du besoin d'investissement dans les réseaux, souligne le rapport, qui invite à « optimiser » les plans de modernisation des réseaux.
La commission alerte enfin sur « le risque, trop peu évoqué, de raréfaction de l'uranium naturel à une échéance assez rapprochée », si certains pays relancent l'atome comme annoncé, et appelle à « relancer au plus vite la recherche sur les réacteurs à neutrons rapides » permettant de « recycler nos propres déchets ». La France « a plus que jamais besoin d'une programmation énergétique à long terme », estime donc le Sénat. Le gouvernement avait renoncé à soumettre le sujet au Parlement faute de majorité. « On compte bien remettre le sujet à l'ordre du jour », déclare aujourd'hui Vincent Delahaye. « Il faudra peut-être laisser retomber la fièvre électorale. Mais ce sont des sujets sur lesquels on peut arriver à trouver des consensus, à partir du moment où on raisonne sur les chiffres ».
La crise politique plonge EDF dans l'inconnu
Reste que la crise politique et le résultat des élections législatives plongent EDF dans l'inconnu. Une partie du Nouveau Front populaire est anti-nucléaire, tandis que le Rassemblement national est pro-nucléaire et hostile aux éoliennes.
« Aujourd'hui, on s'est mis en ordre de bataille pour construire de nouveaux réacteurs, pour mener à bien tout un tas de projets et ce serait absolument dévastateur pour l'entreprise que de refaire machine arrière », expliquait mi-juin à l'AFP Amélie Henri, secrétaire nationale de la CFE-CGC, le premier syndicat de l'électricien national, qui évoque « l'inquiétude » des salariés.
Si Emmanuel Macron a décidé la construction de six réacteurs de nouvelle génération EPR2, assortis de huit autres par la suite, Amélie Henri souligne que « toutes les décisions structurantes » pour le secteur de l'énergie n'ont aujourd'hui « pas formellement été actées par le gouvernement » dans la loi. Il en va ainsi de la future programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) : cette feuille de route énergétique du pays, qui doit fixer le cadre pour sortir à terme des énergies fossiles, est censée être adoptée par décret d'ici la fin de l'année.
Or, la PPE actuellement en vigueur, adoptée en avril 2020, est un texte qui « annonce toujours la fermeture de 12 réacteurs d'ici 2035 » en plus des deux de la centrale de Fessenheim, déjà mis à l'arrêt, déplore la syndicaliste. A Bercy, on souligne que le calendrier est « clair », mais que tout cela dépend en effet des élections.
(Avec AFP)
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