En France, les prix de marché de l’électricité resteront déterminés par ceux du gaz, affirme RTE

Selon le gestionnaire du réseau français de transport d’électricité (RTE), les prix de l'électricité sur le marché de gros devraient être déterminés par le prix du gaz « l’essentiel du temps » entre 2025 et 2035, même lorsque l'Hexagone n'en a pas besoin. Or, les cours de ce combustible fossile s'avèrent imprévisibles, ce qui pourrait se ressentir sur les factures.
Marine Godelier
Dans le scénario de référence, « dès lors que la consommation [...] commence à s'infléchir à la hausse de manière significative pour répondre aux défis de la décarbonation et de la réindustrialisation, les prix de gros peuvent atteindre des niveaux élevés (au-delà de 100 euros/MWh) », explique RTE dans un nouveau rapport.
Dans le scénario de référence, « dès lors que la consommation [...] commence à s'infléchir à la hausse de manière significative pour répondre aux défis de la décarbonation et de la réindustrialisation, les prix de gros peuvent atteindre des niveaux élevés (au-delà de 100 euros/MWh) », explique RTE dans un nouveau rapport. (Crédits : Reuters)

Cela promet de relancer les débats sur le juste prix de l'énergie. Même si d'ici à 2030, la France n'utilisera pas ou très peu de combustibles fossiles pour produire son électricité, le prix de celle-ci sur le marché de gros, où les fournisseurs et certains grands consommateurs industriels s'approvisionnent, dépendra toujours du gaz, du charbon et du CO2 « l'essentiel du temps ».

C'est en tout cas ce qu'affirme le gestionnaire du réseau de transport d'électricité en France, RTE, dans un rapport publié la semaine dernière. En analysant l'équilibre offre-demande selon différents scénarios, l'organisme conclut en effet que « l'architecture actuelle des marchés de l'électricité conduit structurellement à une forte volatilité des prix » jusqu'en 2035, qui « n'ont pas de raison de correspondre aux coûts de production français ».

Dans sa trajectoire de référence, ceux-ci sont même couplés au gaz « plus de 75% du temps à moyen terme »... alors même que « la production d'électricité française sera assurée à plus de 95% par des moyens décarbonés - renouvelables et nucléaire - et caractérisés par de faibles coûts variables », peut-on lire. Seulement voilà : les cours de cet hydrocarbure restent très volatils, puisque très sensibles aux chocs géopolitiques et aux politiques climatiques. Ce qui aura un impact indirect sur les factures des Français, étant donné que le tarif réglementé de vente d'EDF sera calculé sur la base du marché de gros dès 2026.

Echanges d'électricité aux frontières

Mais comment est-ce possible ? Concrètement, cela est lié au fait que le marché de l'électricité est interconnecté sur le Vieux continent. Même si l'Hexagone n'avait pas besoin de gaz pour générer son courant en raison du nucléaire et des renouvelables, ses prix de marché dépendraient donc souvent - lorsque les liaisons ne sont pas saturées - des moyens de production activés à l'étranger. Notamment chez ses voisins directs, avec lesquels il échange constamment, comme l'Allemagne, la Belgique ou encore l'Espagne et l'Italie.

Or, « le système européen nécessitera » toujours « quelque part », pour répondre à la demande et en derniers recours, « l'activation de centrales à gaz ou au charbon », explique RTE dans son rapport. Comme en Allemagne, par exemple, qui a choisi de sortir du nucléaire et « dont l'électricité provient encore à 40% de la combustion d'hydrocarbures » pour pallier l'intermittence de l'éolien et du solaire en fonction de la météo, précise à La Tribune l'économiste Jacques Percebois,

Lire aussiSortir du marché européen de l'électricité : les risques pour la France

Les prix s'alignent sur les coûts d'activation de la dernière centrale appelée

Sur cette plaque européenne, c'est la dernière centrale appelée qui définit, à chaque instant, le prix de l'électricité dans l'UE. Et ce, pour une raison précise : s'il coûtait plus cher à son propriétaire de mettre en route cette installation plutôt que de ne pas produire, celui-ci privilégierait la deuxième option... ce qui conduirait à un déficit d'offre. En période de pointe, cette ultime centrale appelée en Europe est donc souvent une centrale à gaz, c'est pourquoi l'on entend parfois que les prix de l'électricité sont « indexés » à ceux du gaz.

« Comme ce système est très largement interconnecté et qu'il est marginaliste [la centrale aux coûts de fonctionnement les plus élevés fait le prix, ndlr], les cours du gaz et de la tonne de CO2 jouent forcément un rôle dans l'information donnée aux marchés », explique à La Tribune Thomas Veyrenc, directeur Général en charge de l'Economie, de la Stratégie et des Finances chez RTE.

Surtout, plus les Français se tourneront vers l'électrique afin de délaisser le pétrole, le gaz et le charbon, comme le prévoit RTE, plus ce phénomène risque de s'amplifier. « Dès lors que la consommation [...] commence à s'infléchir à la hausse de manière significative pour répondre aux défis de la décarbonation et de la réindustrialisation, les prix de gros peuvent atteindre des niveaux élevés (au-delà de 100 euros/MWh) », peut-on lire. Et pour cause : l'augmentation de la demande exigera de mettre en route des centrales à gaz ou au charbon pour ne pas se retrouver en « black-out ».

Volatilité extrême

Au contraire, à certaines heures de la journée, le phénomène inverse peut survenir - et s'observe d'ailleurs depuis plusieurs mois dans l'Hexagone -. Si la consommation d'électricité ne repart pas à la hausse, comme c'est le cas actuellement, l'offre risque d'être régulièrement excédentaire par rapport à la demande. Ce qui entraînera des périodes de prix bas, voire négatifs, puisqu'aucune centrale fossile ne devra être appelée pour faire l'appoint.

De fait, puisque l'électricité ne se stocke pas à grande échelle, les prix peuvent tomber en-dessous de zéro en période de forte production d'énergies renouvelables et de faible demande, lorsque des actifs non flexibles (comme les centrales au gaz et, dans une moindre mesure, les centrales nucléaires) soumettent des offres négatives pour éviter les coûts de redémarrage. Avant de bondir au niveau des cours du gaz à d'autres moments, lorsque l'éolien et le solaire produisent moins, et que les centrales fossiles sont appelées à la rescousse.

« Le fonctionnement actuel des marchés peut conduire à des alternances entre des périodes de prix bas, dans lesquelles les coûts totaux du système électrique ne sont pas couverts, et des périodes de prix hauts menant à des revenus les excédant largement », précise ainsi RTE.

Lire aussiElectricité : l'ère des prix négatifs commence

Vers une régulation plus poussée ?

Et ces fluctuations posent problème. « Elles n'aident pas les acteurs économiques à se projeter. Si les prix sont trop bas, et ne couvrent plus les frais fixes des centrales renouvelables et nucléaires, ces filières auront besoin de subventions pour ne pas vendre à perte, ce qui pèsera sur les finances publiques. Et s'ils sont trop hauts, cela découragera l'électrification », pointe Thomas Veyrenc.

Dans ces conditions, RTE appelle de ses vœux un « cadre spécifique » pour « stabiliser les prix sur le long terme ».

« En Europe, de nombreux acteurs demandent qu'il y ait des dispositifs de ce type-là. La France [qui s'était opposée à la libéralisation du secteur de l'électricité voulue par Bruxelles dans les années 1990, ndlr] n'est plus l'un des seuls pays à dire que le marché n'est pas suffisant », développe Thomas Veyrenc.

Reste à voir comment réguler ce marché. RTE, lui, ne se prononce pas sur les voies et moyens. Mais évoque l'option d'un retour à l' « Acheteur unique », ce système qui avait la préférence de la France il y a une trentaine d'années : un gestionnaire public, qui pourrait être EDF ou RTE, procèderait par appels d'offres et négocierait des contrats de long terme avec les différents producteurs. « Les prix s'aligneraient alors sur le coût marginal à long terme, et non sur le coût variable de court terme. Ce qui permettrait de lisser les coûts dans les tarifs payés par les consommateurs », explique Jacques Percebois, favorable à cette méthode. Pour l'heure, cependant, le gouvernement français l'écarte. Et pour cause : EDF s'oppose mordicus à un encadrement poussé du marché, et donc de ses tarifs - qui s'envoleront si les prix de marché augmentent - par l'Etat. Une position intenable ?

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Marine Godelier

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Commentaires 20
à écrit le 31/07/2024 à 12:20
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Quand il y a trop d'électricité, les prix de gros (échanges entre pays UE) deviennent négatifs mais pas pour les particuliers. Si le gaz voit son prix croitre, les prix de vente de l'électricité aux particuliers vont augmenter, étonnant comme système...

à écrit le 30/07/2024 à 14:43
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voila la belle escroquerie ! on paie les infrastructures, , le risque nucléaire et le prix est adossé au gaz!! les malins ! Franchement, lorsque le niveau de corruption permet a des institutionnels de pouvoir faire cela, cela montre a présent qu'i...

à écrit le 25/07/2024 à 18:14
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c'est au trompeur Et à 80% faux l'affirmation que le prix de l'electricité en france est determinée par le gaz est très très trompeur. Il y a evidemment plusieurs parametres qui influent sur le prix de l'electricité Mais le premier n'est PAS le p...

le 26/07/2024 à 12:48
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Le prix de l électricité en France dépend du gaz !! Contrairement à l ESPAGNE !!! Sortons de cette UE, sinon les Français vont se révolter . VIVA ESPANIA !!!!

à écrit le 23/07/2024 à 17:53
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Ce qui veut dire que le prix de notre électricité est dépendante du bon vouloir de nos fournisseurs étrangers. Même dans l'énergie que nous produisons, nous n'avons aucune souveraineté. C'est une entrave manifeste à la transition écologique vers une ...

le 30/07/2024 à 14:45
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oui comprenez que si il y avait un rapport avec le coût de production, vous auriez une facture de 50% de moins. Mais faut bien faire un faux marché de l'électricité pour permettre aux amis des politiques de faire des marges sans rien faire ! vous...

à écrit le 23/07/2024 à 15:40
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Pourtant la ministre Agnès Pannier-Runacher avait expliqué le 18 octobre 2023, lendemain de la signature de l'accord des 27 sur le prix de l'électricité, que celui-ci permettrait de "déconnecter le prix de l'électricité européenne du prix des énergie...

à écrit le 23/07/2024 à 15:13
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il faudrait découper la France en 3 zones (comme en Italie, Suède ou Danemark), Etant donnée que la majorité du Gaz est utilisé pour la région Parisienne pourquoi pas faire payer plus chère a Paris que dans les régions qui ont besoin de moins de gaz?

à écrit le 23/07/2024 à 14:42
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Cela s'appelle la souveraineté...européenne (allemande). Demandez à McKron de vous expliquer le concept de souveraineté. Il vous expliquera que c'est un concept qui ne doit surtout pas s'appliquer à la France.

à écrit le 23/07/2024 à 14:37
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Faut-il le rappeler ? la crise de l'énergie a commencé parce qu'il n'y a pas eu assez de vent l'été 2021, que les éoliennes n'ont pas fabriqué assez d'électricité, et qu'il a fallu faire appel en catastrophe aux centrales à gaz, qui n'ont pas eu asse...

le 25/07/2024 à 10:13
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C'est un fait ignoré et même dissimulé, la plupart restant persuadés que le prix du gaz n'a augmenté qu'après l'invasion à grande échelle de l'Ukraine début 2022.

à écrit le 23/07/2024 à 11:28
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Puisqu'on vous dit que l'essentiel c'est de faire barrage au RN et pas le débat d'idées...

à écrit le 23/07/2024 à 6:51
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Et bien nous ne sommes pas sorti de l’auberge, comme prévu le prix de l’électricité en France devrait se mettre au niveau de l’Allemagne soit 0,30 voir plus donc les factures vont doubler….

à écrit le 23/07/2024 à 1:20
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Les enr intermittentes sont une aberration, il faut arrêter ces daubes de toute urgence.

le 27/07/2024 à 22:36
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Adressez vous aux ecolos. Ils savent comment faire pour plomber l'économie française. Ils ont déjà mis à mal notre aéronautique et notre industrie automobile. Ils s'attaquent à TOTALENERGIES actuellement, puis un jour ils vont venir chouiner ...

à écrit le 22/07/2024 à 21:39
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En conclusion vous allez payer l’électricité au prix maximum alors qui va coûter au prix minimum Scandaleux

à écrit le 22/07/2024 à 21:39
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En conclusion vous allez payer l’électricité au prix maximum alors qui va coûter au prix minimum Scandaleux

à écrit le 22/07/2024 à 18:04
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C'est qui le propriétaire d'edf ? Le patron d'edf ? Les salariés d'edf ? Des spéculateurs boursier ? Non. C'est l'état français depuis le rachat d'edf à prix cassé (12 euros l'action) par l'état. Donc l'état pourrait forcer l'edf à vendre son éle...

le 23/07/2024 à 14:44
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[C'est l'état français depuis le rachat d'edf à prix cassé (12 euros l'action)] Un propriétaire (l'État) à 100% dont la reprise des actifs (les actions) comporte le volet de la dette EDF à 64 milliards d'euros. La dette EDF fut-elle contractée par la...

le 24/07/2024 à 7:33
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Sauf que non, l'électricité ça ne marche pas comme ça. Tu a besoin d'une production global pour maintenir la stabilité du réseau. Si la France avais 100% de sa consommation en capacité de production ce serait possible, mais ce n'est pas le cas. Donc ...

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