Qui dit campagne pour les élections législatives, dit surenchère de promesses de la part des candidats. Or, depuis dix jours, celles sur l'énergie ne manquent pas. Tandis que la majorité présidentielle propose de baisser « de 10 à 15% » les factures d'électricité dès février 2025, le Rassemblement national assure carrément qu'il allégera la note de 30 à 40% pour tout le monde !
Mais ne s'agit-il là que d'effets d'annonce ? Sur les bourses d'échange, les cours de l'électricité chutent en effet déjà depuis plusieurs mois. « Ils fluctuent entre 0 et 50 euros le mégawattheure (MWh), c'est très faible par rapport à ce qu'on a connu ces dernières années ! », commente l'économiste Jacques Percebois. Au point qu'il est déjà possible, pour tous les ménages, de souscrire une offre indexée sur le marché 20 à 30% moins chère que le tarif réglementé d'EDF. Et ce, en raison d'une inversion de l'équilibre offre-demande : ces derniers temps, la consommation globale des Français a décliné, alors que la production, notamment nucléaire et hydraulique, s'est accrue.
Hausse des cours du gaz
Et pourtant, dans le même temps, les cours du gaz ont augmenté. Tandis qu'ils étaient descendus à 23 euros par MWh fin février sur la principale bourse d'échange européenne, le TTF, ceux-ci ont récemment dépassé la barre des 35 euros/MWh.
« La raison se trouve en Asie-Pacifique : d'un côté, la demande de GNL en Asie remonte fortement à cause de vagues de chaleur importantes et de l'autre, la troisième plus grosse usine d'exportation de GNL, en Australie, est tombée en panne, pour plusieurs semaines », explique-t-on chez Omnegy, un cabinet de conseil en énergie et décarbonation.
« Le marché est un peu nerveux, car l'offre n'est pas très importante par rapport à la demande », ajoute son cofondateur, Nicolas Leclerc.
L'écart se creuse avec l'Allemagne
Mais alors, pourquoi les cours du gaz n'entraînent-ils pas dans leur sillage ceux de l'électricité, comme cela a été le cas pendant la crise de l'énergie ? « C'est simple : on n'utilise quasiment plus de gaz pour générer notre électricité », répond Jacques Percebois. « Sur le deuxième trimestre de 2024, le gaz n'a représenté que 1,5% de la production totale d'électricité en France. C'est plus faible que jamais ! », complète Nicolas Leclerc. Alors que le prix des électrons correspond au coût de fonctionnement de la dernière centrale appelée pour les produire, il s'agit ainsi le plus souvent d'une centrale nucléaire plutôt que thermique. En effet, le parc atomique a retrouvé une bonne performance, après la crise de la corrosion sous contrainte ayant entraîné la fermeture de plusieurs réacteurs en 2022 et 2023.
Mais ce n'est pas le cas partout en Europe. Alors que dans l'Hexagone, un MWh d'électricité acheté ce vendredi pour une livraison en 2025 s'échangeait à 68 euros, le chiffre grimpait à 92 euros en Allemagne, qui a achevé l'an dernier sa sortie définitive du nucléaire.
« L'écart se creuse, alors que le mix des Allemands, et donc leur prix, est beaucoup plus dépendant des combustibles fossiles. 90 euros, c'est à peu près le coût marginal de fonctionnement d'une centrale à gaz », explique Nicolas Leclerc.
Et ce « découplage » n'est pas nouveau, puisqu'il s'observe depuis la mi-mars. De quoi mettre à mal l'idée selon laquelle le marché européen de l'électricité entraînerait un prix identique pour tous les Etats membres, quels que soient leurs choix de production nationaux. « Si les échanges d'électricité entre Etats n'étaient pas limités physiquement, le cours de l'électricité serait le même partout. Là où ils sont élevés, ils baisseraient, et inversement. Mais cette situation ne peut être qu'hypothétique », précise Jacques Percebois.
Hausse de taxe
Ainsi, selon les spécialistes, les prix de gros de l'électricité ne devraient pas grimper de sitôt dans l'Hexagone. « Pour cela, il faudrait que la consommation s'envole ou que les centrales nucléaires rencontrent un nouveau problème majeur. La probabilité est faible », poursuit l'économiste.
Attention, cependant : il faut distinguer les cours sur le marché de gros, sur lequel opèrent les fournisseurs et certains grands consommateurs industriels, de celui sur le marché de détail, qui concerne notamment les particuliers. Car pour les ménages, deux tiers de la facture d'électricité ne dépend pas des prix de gros, mais des coûts de réseau et des taxes. Et dans le dernier tiers, seule une partie est effectivement liée aux évolutions du marché. D'ailleurs, la hausse de 10% du tarif réglementé au 1er février 2024 était liée à la réintroduction d'un impôt par le gouvernement, que le Nouveau Front populaire propose de supprimer.
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