La France veut renforcer la sécurité des équipements télécoms

Par Pierre Manière  |   |  526  mots
Toutes les générations de communication mobile sont concernées par le nouveau régime d'autorisation préalable de l'Anssi. (Crédits : Reuters)
Un amendement a été déposé, ce vendredi, au projet de loi Pacte. Il étend les pouvoirs de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi). Celle-ci pourra autoriser ou interdire un éventail plus large d’équipements télécoms utilisés dans les réseaux mobiles. Si Bercy affirme que cette mesure ne vise aucun équipementier en particulier, elle intervient alors qu’en Europe, plusieurs pays craignent que le géant chinois Huawei n’utilise ses infrastructures à des fins d’espionnage.

Non, non, et non, il ne s'agit pas d'une mesure « anti-Huawei ». Voilà, en somme, le message qu'a fait passer Bercy, ce vendredi, en annonçant à la presse un renforcement du contrôle des équipements télécoms des réseaux mobiles. Ce même jour, le gouvernement a déposé un amendement au projet de loi Pacte. Il vise, à travers un nouveau régime d'autorisation préalable, à étendre les pouvoirs de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi). Celle-ci sera en mesure d'autoriser ou d'interdire un éventail plus large de matériels et logiciels utilisés dans tous les réseaux de communication mobile. Concrètement, un opérateur désireux de déployer de nouveaux équipements jugés sensibles dans l'Hexagone devra d'abord décrocher le feu vert de l'Anssi, qui vérifiera qu'ils ne présentent aucun risque en matière d'espionnage ou de sabotage.

La mesure concerne les produits de tous les équipementiers télécoms, qu'il s'agisse de Huawei, de Nokia ou d'Ericsson. Bercy argue que « ce nouvel instrument de contrôle » était nécessaire avec l'arrivée, à partir de 2020, de la 5G. Cette technologie va permettre de nouvelles applications, comme la voiture autonome, qui nécessiteront un niveau de sécurité sans faille, justifie-t-on au ministère. En clair, il ne s'agirait pas d'un dispositif visant à écarter Huawei du marché de la 5G, alors qu'en Europe, plusieurs pays craignent que le géant chinois des télécoms n'utilise ses infrastructures à des fins d'espionnage.

Le Drian « conscient des risques » liés à Huawei

Il n'empêche que ce mercredi, Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, a déclaré devant le Sénat que le gouvernement était « conscient des risques » liés à Huawei, et qu'il prendrait « les dispositions nécessaires » quand il le faudrait. En outre, ce renforcement des pouvoirs de l'Anssi intervient dans le sillage d'une fâcherie entre l'exécutif et SFR, comme l'a indiqué La Tribune en décembre dernier. Selon deux sources proches du dossier, l'opérateur au carré rouge a fait le forcing pour déployer des équipements Huawei en Ile-de-France, un territoire sensible, ce qui a suscité un très vif agacement au sein du pouvoir.

Voilà pourquoi certains estiment que les nouveaux pouvoirs de l'Anssi visent, en réalité, surtout à contrôler Huawei, sans l'interdire manière officielle à l'instar des Etats-Unis, de la Nouvelle Zélande ou du Japon. En procédant ainsi, la France évite de se brouiller avec le géant chinois des télécoms, et surtout avec Pékin.

Bercy affirme également que le nouveau dispositif de contrôle n'a rien d'une « usine à gaz », et ne compliquera pas le travail des opérateurs. Un point jugé crucial par Didier Casas, le président de la Fédération française des télécoms. « Il est important que ce nouveau régime ne vienne pas ajouter de la complexité et de la lenteur aux déploiements », a déclaré à l'AFP le chef de file du lobby des télécoms.