JO de Paris 2024 : camp de base des athlètes chinois, Deauville tire son épingle des Jeux

PARIS 2024. Principale base arrière de la délégation sportive chinoise des JO, la station balnéaire du Calvados saisit l’occasion pour se placer dans les radars des touristes de l’Empire du milieu. Les visiteurs chinois lui préfèrent traditionnellement Honfleur et le Mont-Saint-Michel.
Le maire de Deauville a reçu, en février dernier, Lu Shaye, ambassadeur de Chine en France, pour lui vanter les mérites de sa ville.
Le maire de Deauville a reçu, en février dernier, Lu Shaye, ambassadeur de Chine en France, pour lui vanter les mérites de sa ville. (Crédits : DR)

Depuis début juillet, le drapeau rouge aux cinq étoiles de la république populaire flotte crânement au-dessus de la piscine publique de Deauville. Rien de belliqueux dans cet affichage, mais la marque de la présence du Comité olympique chinois dans la cité immortalisée par le réalisateur Claude Lelouch. Le COC a privatisé les bassins pendant presque un mois pour entraîner les trente nageurs qui iront chercher des médailles à Paris. L'encadrement a veillé au moindre détail, allant jusqu'à financer l'installation de nouveaux plots de départ aux standards des JO. La piscine n'est pas la seule installation que l'équipe municipale met à sa disposition. « Moyennant un loyer à chaque fois », nous précise t-on expressément à l'Hôtel de ville.

Bien pourvue en équipements sportifs (pôle omnisports, piste d'athlétisme...), la station balnéaire de la Côte Fleurie a été choisie par l'Empire du milieu pour être la base arrière de 230 de ses athlètes dans huit disciplines du taekwondo au tennis de table.

« C'est le plus gros contingent de leur délégation », se félicite le maire de Deauville, tout sourire.

Il faut dire que Philippe Augier a beaucoup mouillé le maillot pour s'attirer les faveurs des instances du pays de Xi Jinping. « Il a fallu ferrailler parce que nous étions en compétition avec d'autres villes », se remémore-t-il.

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Les Jeux en valent la chandelle

A la clé, la promesse de retombées économiques non-négligeables pour ce gros bourg de 3.500 âmes, dont les 400 commerces (1 pour 9 résidents !) vivent grâce au tourisme. Logée selon nos informations dans le très chic hôtel de l'Amirauté à l'écart du centre, la délégation chinoise n'a pas regardé à la dépense. Entre l'hébergement, la restauration et la location des équipements sportifs, elle devrait régler une facture toute proche de deux millions d'euros, à en croire les calculs de Philippe Augier.

Mais ce sont surtout les retombées en terme d'image sur lesquelles table l'édile, sur la foi des entretiens qu'il a déjà réalisé avec plusieurs grands médias de Pékin.

« C'est une opération de promotion formidable en direction de ce public asiatique que nous voyons peu », s'enthousiasme-t-il.

Effectivement, les visiteurs venus de Chine sont absents du podium des clientèles étrangères établi par l'observatoire de l'Office du tourisme InDeauville. De facto, le pays n'était en 2023 que la dixième clientèle étrangère de la côte fleurie, soit seulement 1,5% des visiteurs (4,5 millions étrangers au global), très loin derrière les Allemands et les Britanniques.

Câlinothérapie

« Les Chinois sont très présents à Honfleur, mais ne s'arrêtent que rarement ici sur leur route vers le Mont-Saint-Michel », confirme Thomas Aubert, président de l'Union des commerçants. Dès lors, les JO pourraient-ils être un accélérateur ? Lui y croit dur comme fer. « Il va y avoir des retombées dans la branche luxe », pronostique-t-il en connaisseur. Confirmation au grand magasin Printemps, refait à neuf l'an dernier, qui rapporte déjà une hausse de son chiffre d'affaires depuis la fin du mois de juin. « On profite du savoir-faire du Printemps Haussmann pour capter l'entourage des athlètes : la presse, la famille et les sponsors », indique à La Tribune Frédéric Llorca, directeur de l'établissement.

L'enseigne n'a rien laissé au hasard. Guidés par des collaborateurs chinois nouvellement recrutés, les intéressés sont accueillis par des textes en mandarin qui ornent toutes les vitrines et par une exposition de leur compatriote Lin Wenjie, une artiste installée en Normandie. Ils se voient remettre au passage une petite bouteille de champagne en édition limitée, frappée aux couleurs de Deauville.

« Les Chinois sont sensibles aux typicités françaises comme les champs de lavande de Provence. Deauville avec son image glamour, mise en lumière dans le dernier clip de la maison Chanel, a tout pour leur plaire », disserte le maître des lieux.

Point trop n'en faut

Pour autant, gare à la submersion. La petite cité balnéaire, qui cultive son authenticité, goûte peu le tourisme de masse qu'elle aurait d'ailleurs peine à absorber dans de bonnes conditions. « Je ne veux pas des autocars des galeries Lafayette », prévient fermement le maire. Le patron du Printemps acquiesce. « Ce que nous cherchons à développer, c'est ce que l'on appelle la CII dans notre jargon : la clientèle internationale individuelle », explique-t-il.

Quant aux esprits chagrins qui se plaindraient de l'accueil, en mode tapis rouge, d'un pays peu soucieux des droits de l'Homme, Philippe Augier les renvoie dans leurs cordes. « Le sport comme la culture permettent de créer des ponts entre les peuples, davantage que la politique », leur rétorque-t-il.

Une antienne que l'impétrant répétera sans doute l'automne prochain. Du 12 au 14 novembre, la cité balnéaire mettra à nouveau ses pendules à l'heure chinoise. L'ancien couvent des Franciscaines accueillera la sixième édition du forum culturel sino-français créé par l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin. Une autre opération séduction.

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Commentaires 5
à écrit le 24/07/2024 à 21:34
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"La petite cité balnéaire, qui cultive son authenticité..." Authenticité dans quelle domaine? Authentiquement une facade.

à écrit le 24/07/2024 à 10:12
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Pour mieux connaître la Chine, lisez les trois récits de Jean Tuan : "Un siècle chinois" (chez CLC Éditions) évoque le parcours de son père chinois arrivé en France en 1929, leur voyage en Chine en 1967 lors de la Révolution culturelle et les incroya...

le 25/07/2024 à 7:22
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La vache mais il t'en reste combien en stock !? Ca fait combien d'années maintenant, bien 10 non ? ^^

à écrit le 24/07/2024 à 9:28
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J.O. 2024 ? Ne manquez pas de lire "Oxymore" de Jean Tuan chez C.L.C. Éditions. L'auteur observateur attentif de la Chine, le pays de son père, nous dévoile comment la Chine utilise tous les moyens pour que ses athlètes triomphent au niveau mondial....

à écrit le 24/07/2024 à 7:14
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« Le sport comme la culture permettent de créer des ponts entre les peuples, davantage que la politique » LOL ! Il est quand même regrettable de ne pas avoir le courage d'assumer ses opinions et donc ses motivations, son but est de faire venir les to...

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