![Parmi les familles professionnelles qui vieillissent le plus, figurent les enseignants, constate l'Insee.](https://static.latribune.fr/full_width/2394121/baisse-de-la-population-active-en-normandie.jpg)
C'est un signal d'alarme que les chefs à plumes normands auraient tort de prendre à la légère. Dans une étude réalisée en partenariat avec le conseil régional, l'Insee montre que la Normandie pourrait perdre près de 300.000 actifs à un horizon de trente ans (-13%). Davantage en proportion que dans toutes les autres régions de la France métropolitaine, y compris dans le Grand Est et la Bourgogne-Franche-Comté qui, elles aussi, devraient accuser un recul supérieur à 10%.
Pour arriver à ce résultat, les statisticiens ont prolongé les tendances actuelles en combinant les trois facteurs qui font varier le nombre de personnes en âge de travailler : les entrées et sorties du marché du travail, le taux d'activité et les migrations résidentielles. Autrement dit, les changements de lieux d'habitation. C'est sur ce dernier point, par nature compliqué à anticiper, que la situation de la Normandie diffère le plus de celle de ses devanciers.
Plus de départs que d'arrivées
Les projections de l'Insee montrent que si la pente perdure, le nombre d'actifs partants restera nettement supérieur à celui des entrants, alors que l'écart est plus faible dans le Grand Est et en Bourgogne-Franche-Comté. L'écart est encore plus marqué avec les régions situées sous la Loire, comme l'Occitanie et l'Aquitaine dont le magnétisme ne semble pas devoir se démentir d'ici 2050. En clair, à moins d'une inversion de la courbe, la Normandie continuera « d'exporter » vers l'Ouest ou le Sud plus de bras et de cerveaux qu'elle n'en « importe ».
Pour autant, les estimations varient sensiblement entre ses cinq départements. Les plus peuplés, Seine-Maritime et Calvados, devraient parvenir à contenir la baisse de leur population active autour de 8%, grâce au dynamisme des bassins d'emplois de Rouen et de Caen.
En revanche, l'Orne, la Manche et l'Eure, trois territoires à forte dominante industrielle, pourraient accuser un recul d'environ 20%, faisant craindre un fort déséquilibre entre les besoins de l'appareil productif et la main-d'œuvre disponible. Enfin en volume, ce sont les agglomérations du Havre, d'Evreux et de Cherbourg qui pourraient être confrontées aux coupes les plus importantes : de l'ordre de 20.000 actifs de moins pour chacune à un horizon de 25 ans.
12 professions qui se font des cheveux blancs
S'agissant des métiers, la Normandie devra se montrer particulièrement attentive au renouvellement des générations au sein de douze familles professionnelles. C'est notamment le cas chez les cadres et les professions intermédiaires de la fonction publique, les cadres des services administratifs, comptables et financiers, les assistantes maternelles, mais surtout, des enseignants.
Au nombre de 50.000, ceux-ci présentent un indice de vieillissement préoccupant supérieur à 8.
« Cela signifie qu'il y a 8 fois plus d'enseignants âgés de plus de 55 ans que de moins de 55 ans », décrypte Camille Hurard, auteur de l'étude. A l'Insee, on admet que ce curseur sera compliqué à faire évoluer. « Il faut des chocs pour les que les choses changent ».
Reste pour les Normands à espérer que la barre se redresse grâce à des politiques publiques volontaristes en terme d'attractivité, de natalité, d'enseignement supérieur, de qualité de vie, voire d'immigration étrangère. L'infléchissement de la courbe pourrait aussi venir de facteurs moins maitrisables telles que les modifications du climat, comme le souligne le directeur régional de l'Insee. « L'aléa climatique pourrait jouer en faveur de la Normandie », risque Philippe Scherrer. En 2023, la région a enregistré un solde migratoire positif avec plus 5.000 nouveaux arrivants.