Face à la montée du niveau des mers, Caen revoit ses plans

Les stations balnéaires ne sont plus les seules à s’inquiéter des prévisions alarmantes du GIEC. Ville de fond d’estuaire, Caen fait son deuil d’un projet d’éco-quartier qui était censé voir le jour sur une immense friche baignée par les eaux. Entre forêt citadine et urbanisme transitoire, l’agglomération cherche un autre modèle d’aménagement en version « redirection écologique ».
Vue d'artiste du parc urbain, qui prendra place sur une partie de l'emprise de l'éco-quartier, sera livré à l'occasion des festivités du millénaire de Caen, en 2025.
Vue d'artiste du parc urbain, qui prendra place sur une partie de l'emprise de l'éco-quartier, sera livré à l'occasion des festivités du millénaire de Caen, en 2025. (Crédits : Phytolab)

Dix ans d'études détaillées, des concertations en pagaille, des litres de jus de crâne et puis stop. En juin 2023, la communauté urbaine de Caen mettait un coup d'arrêt inattendu à la construction de son éco-quartier de la presqu'ile. Sur le papier, le projet labellisé « d'intérêt majeur » par l'Etat avait pourtant fière allure. Sur une bande en friche de 30 hectares bordée d'un côté par un canal menant à la mer et de l'autre par un fleuve côtier, 2.500 logements et presque autant de locaux d'activité devaient sortir de terre à deux pas du château de Guillaume le Conquérant. L'ensemble était élégant, bien conçu et répondait aux meilleurs standards environnementaux.

Mais patatras. La révision -à la hausse- des prévisions du GIEC sur la montée du niveau des mers est venue soudainement obscurcir l'horizon. Les élus ont du se rendre à l'évidence. Tout laisse à prévoir que tout ou partie du site se muera en marécage à plus ou moins long terme. « Des marges étaient prises dans le projet initial mais tout s'accélère », est bien obligé de constater Emmanuel Renard, vice-président de l'agglomération en charge de l'urbanisme. D'où la décision du maire de Caen de renvoyer les pelleteuses au garage et les promoteurs à leurs affaires. « J'ai agi en responsabilité pour ne pas créer un défi supplémentaire pour les générations futures », nous confiait Joël Bruneau, l'été dernier.

Un virage à 180 degrés

Un an plus tard, la communauté urbaine n'a pas renoncé à aménager la presqu'ile  devenue, au fil des années, une sorte de no man's land peu engageant pour le chaland. Mais ses élus revoient leurs plans de fond en comble. Oubliés les appartements avec vue sur le canal, les restaurants pieds dans l'eau et la ligne de tramway qui devait desservir le quartier. « On redirige le projet pendant qu'il en est encore temps », résume Nicolas joyau, maire adjoint, à La Tribune. Le rediriger mais vers où ? Telle est la question qui se pose désormais au microcosme.

En guise de boussole, l'exécutif de l'agglomération a commandé une étude hydraulique à l'échelle de tout l'estuaire dont les résultats devraient lui parvenir dans deux ans. Rendu prudent, il a tablé sur une élévation du niveau des mers de 1,80 mètre « supérieure aux projections du Haut Conseil pour le climat ». Dans l'entrefaite, plus question de travaux pharaoniques sur l'emprise de feu l'éco-quartier.

En quête de modèles

Tout juste Joël Bruneau vient-il de donner le coup d'envoi, (pour 5,8 millions d'euros) de l'aménagement d'un parc urbain avec allées arborées, forêts alluviales, bancs et esplanades publiques. Le tout sur un peu moins de 8 hectares en bordure du canal et du terminal et du terminal de croisières. « C'est à la sobre et qualitatif et cela n'hypothèque les futurs possibles », souligne Thibaud Tiercelet, directeur de la société publique d'aménagement de la presqu'ile qui pilote de l'opération avec le paysagiste nantais Phytolab.

Quant à la grosse vingtaine d'hectares qui resteront en friche, bien malin qui pourrait dire ce qu'il en adviendra, à ce stade. « Tout le modèle économique de la ZAC est à revoir puisque on va continuer d'avoir des charges et qu'il manquera la case recettes », anticipe Emmanuel Renard. Difficile en effet d'imaginer céder à des promoteurs immobiliers des terrains susceptibles d'être noyés sous les eaux à une échéance de quelques décennies.

Aussi, la communauté urbaine réfléchit-elle à d'autres modèles amortissables « sur 30, 40 ou 50 ans » : hôtels, restaurants, résidences étudiantes, espaces de loisirs... « Il est probable que nous nous orientions vers de l'urbanisme transitoire avec des autorisations d'occupations temporaires plutôt que vers des cessions », fait valoir Nicolas Joyau. De son côté, le Monsieur urbanisme de la communauté urbaine veut croire que le projet s'imposera comme un cas d'école, en définitive. « Caen peut devenir une ville pionnière de ce que l'on appelle la redirection écologique », assure t-il. Dont acte.

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