JO 2024 : un tremplin pour les startups de la sport tech

PARIS 2024. Après un lent décollage, les startups françaises qui allient sport et technologie voient, avec les Jeux olympiques, l'opportunité d'un bel éclairage sur leur secteur. Et bien que les retombées économiques directes pourraient laisser à désirer, l'élan sportif qui a gagné la France ces derniers mois, profite à la filière qui espère attirer encore davantage les investissements publics comme privés.
En 2023, 75 % des start-ups considéraient que l'organisation de l'événement serait déterminante pour leur business, elles ne sont plus que 29 % quelques mois avant le coup d'envoi de la compétition.
En 2023, 75 % des start-ups considéraient que l'organisation de l'événement serait déterminante pour leur business, elles ne sont plus que 29 % quelques mois avant le coup d'envoi de la compétition. (Crédits : Reuters)

Des milliers de personnes chez elles, en simultané, courant sur leurs tapis de course tout en visionnant le parcours du marathon olympique sur leurs télévisions. C'est ce que proposera le 10 août prochain le Marathon pour tous des Jeux olympiques de Paris 2024 : la plus grande course à pied connectée de l'Histoire. Cette petite prouesse et innovation technologique est le fruit du travail de Kinomap, seule startup française à pouvoir afficher son partenariat avec les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. « Le sport a besoin d'innovation ! » s'enthousiasme Jacques d'Arrigo, président du collectif SporTech, qui réunit depuis 2019 plus de 150 startups françaises qui allient sport et technologie.

Selon lui, le secteur est même « en pleine accélération ». En juin dernier, l'étude annuelle de la filière, réalisée par le cabinet Deloitte, révélait que l'écosystème français de la SporTech se situe au septième rang mondial en termes de levée de fonds, avec quelque 900 millions de dollars investis dans les jeunes pousses françaises ces quatre dernières années. Certes, loin derrière les 16,3 milliards américains, mais malgré la tendance mondiale baissière sur l'année 2023, le montant total investi en France a, lui, augmenté de 25 %. Et les auteurs du rapport de préciser que : « cette observation semble témoigner d'un intérêt des fonds de capital-risque pour les pépites françaises en amont des Jeux olympiques de Paris de 2024. »

Jeux d'opportunités

Néanmoins, si l'accueil des JO à Paris permet de mettre la lumière sur le business français de la sportech, l'événement seul ne comblera pas les carnets de commandes des acteurs du secteur. En 2023, 75 % des startups considéraient que l'organisation de l'événement serait déterminante pour leur business. Elles n'étaient plus que 29 % en mai, deux mois avant le coup d'envoi de la compétition, selon l'étude du cabinet Deloitte.

Et pour cause. D'après un connaisseur du dossier, seule une petite dizaine de jeunes entreprises travaillent pour des sponsors des Jeux olympiques, comme partenaires de partenaires ou simples prestataires. A la différence de Kinomap, elles ne peuvent donc pas afficher leur participation à l'évènement.

Les JO devraient être en revanche un évènement « vitrine » et « tremplin » pour les startups. C'est du moins ce qu'espère Cédric Roussel, délégué ministériel aux JOP Paris 2024 en charge de l'économie du sport qui appelle de ses vœux à une « exposition universelle de l'économie du sport français ».

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Pierre Paquin a fondé en 2015 Airfit, une entreprise qui aménage des aires de fitness en libre-service et qui, depuis, s'est implantée sur quelque 500 sites en France. Avec le même regard sur ces JO « vitrine », il analyse : « on sait que notre chiffre d'affaires ne va pas exploser avec les JO. Mais le COJO (NDLR : comité d'organisation des Jeux olympiques) avec sa volonté d'héritage a mis la lumière sur le sport dans la vie des gens.»

L'appui de l'Etat

Car depuis que Paris a été désignée ville-hôte, le sport est devenu un sujet plus sérieux. Désignation de la pratique sportive comme grande cause nationale, appels à projets en tout genre, ou encore digitalisation des fédérations sportives... Autant de projets nés de politiques publiques et qui offrent de nouveaux terrains de jeux pour les startups de la sportech française. Après un premier contrat de filière sport en 2016, le ministère des Sports a même signé en 2023 une convention avec le collectif Sportech.

« J'ai vu - lorsque j'étais député - la montée en puissance du budget et les initiatives se multiplier. (...) Récemment nous avons mis en place un programme de soutien à l'innovation dans le sport à hauteur de 70 millions d'euros » raconte Cédric Roussel à La Tribune. La Banque Publique d'Investissement se montre ainsi généreuse au point que 40% des startups françaises du sport collaborent avec des entités publiques, selon le rapport du cabinet Deloitte.

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Preuve de l'engouement, Antoine Pirovano, cofondateur de Deeptimize, outil d'aide à l'analyse de la performance sportive basé sur l'intelligence artificielle a ainsi « bénéficié en mai de l'aide de l'appel à projet Innov'up Sport » lancé par la BPI et la Région Ile-de-France pour « valoriser le savoir-faire des entreprises francilienne (...) à l'occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 ». Deeptimize et les 10 autres lauréats se sont partagés 2 millions d'euros. Pierre Paquin, lui, évoque le « plan gouvernemental de réhabilitation des équipements sportifs », annoncé par le président de la République en 2023 et qui vise la création de 5.000 équipements sportifs entre 2024 et 2026. Une aubaine pour la startup d'équipements de fitness en plein air de Pierre Paquin. Ce dernier raconte comme il a ressenti l'évolution des mentalités vis-à-vis des institutions publiques qui constituent le cœur de sa clientèle :

« C'est beaucoup plus facile de parler de sport à une collectivité aujourd'hui qu'il y a encore quelques années (...) avant on était toujours le parent pauvre en France, car les gens y voyaient le milieu associatif et non le business ».

Une vision que partage Frédéric Fouco, cofondateur d'Anybudy, startup qui met en relation les pratiquants de sports de raquette avec des clubs pour profiter d'un terrain. Selon lui, « la France est encore sur un système sportif basé sur l'association dont il faudrait être membre. Dans des pays comme l'Espagne, la location d'un terrain à l'heure par exemple est déjà répandue et acceptée (...) des secteurs comme la santé ou l'alimentation ont déjà fait leur révolution numérique, pour le sport ça commence mais plus tardivement ».

Les sportifs investissent

La SporTech française peut aussi se targuer d'avoir une licorne comme porte-étendard. Sorare, jeu de cartes sportives à collectionner en ligne façon Panini 3.0, est valorisé à quelque 4,5 milliards d'euros, « une mégavitrine pour toute la filière » d'après Frédéric Fouco. Le géant français, qui a levé quelque 620 millions d'euros en 2021, distille aujourd'hui ses conseils aux jeunes pousses et peut même se poser « en laboratoire, en jouant les incubateurs » explique le président du collectif Sportech, Jacques d'Arrigo. Pour preuve, « un des associés de Sorare a investi chez nous l'an dernier » ajoute Frédéric Fouco, co-fondateur d'Anybudy.

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Car, au-delà des coups de pouce des institutions publiques, l'intérêt croissant des investisseurs privés et des fonds d'investissement change aujourd'hui la donne. Au début du mois de juillet, le géant français Decathlon annonçait, par exemple, le lancement de Decathlon Pulse, sa filiale d'investissement dans les startups.

« Avant les fonds d'investissement ne s'intéressaient pas à notre filière. Mais aujourd'hui les gros fonds commencent à comprendre que des pépites sont à aller chercher » analyse Jacques d'Arrigo.

En 2023, le défenseur central Raphael Varane investissait dans l'application Kobi qui vise à démocratiser la pratique sportive. Avant de prendre sa retraite internationale, le vainqueur de la Coupe du monde 2018, avait déjà placé son argent dans Kinvent, une startup qui analyse la biomécanique pour permettre aux préparateurs physiques et aux kinés de suivre les progrès de leurs patients. Blaise Matuidi, Tony Parker, Pierre Gasly, de nombreux sportifs et anciens sportifs prêtent, en effet, leur image et leur argent à des startups du sport. Pour le président du collectif Sportech « si les investisseurs s'intéressent plus à nous, c'est aussi grâce à ces anciens sportifs qui donnent de la lumière à la filière », et d'ajouter que parmi les tendances chez les investisseurs « il y a de moins en moins le calcul risque/gain, mais plutôt une quête de sens et la puissance de l'impact qu'ils vont générer.»

L'IA pour renouveler la SporTech

Le collectif devrait grossir à l'avenir, car, à l'image de Deeptimize, qui allie intelligence artificielle et sport, « une grosse filière IA va arriver » confie Jacques d'Arrigo. Ainsi, en prenant en compte, un très grand nombre de données, l'application GrAIg - dont la startup est membre du collectif Sportech - calcule et offre des résultats aux entraîneurs sur la performance des athlètes. « L'IA a le vent en poupe», confirme Antoine Pirovano, CEO de Deeptimize, « et les fédérations réalisent qu'elles ont un besoin en datas. »

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Quant au risque du « pschitt » de la filière à la fin des JO, nul ne semble inquiet et beaucoup préparent déjà la suite. « Il faudra faire des retours d'expérience de ces Jeux olympiques » soutient Magali Tézenas de Montcel, présidente de Sporsora, qui précise que « chaque année jusqu'en 2030, la France accueillera au moins un grand évènement sportif.» Avec la montée en puissance des budgets, de la filière sportech et plus globalement de l'économie du sport, le délégué ministériel, Cédric Roussel, rappelle la volonté « d'un avant et d'un après JO ». Et Frédéric Fouco de conclure avec philosophie et positivisme :

« Ce qui a été fait pour le changement des mentalités sur le sport et l'économie n'est désormais plus à faire. »

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Commentaire 1
à écrit le 25/07/2024 à 8:44
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Que l'on arrête avec ces startups qui ne sont que des "objets" a vendre pour être développer inutilement ou pour disparaitre afin d'éviter une concurrence !

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