JO 2024 : En Seine-Saint-Denis, la piscine olympique sera chauffée par... un datacenter

PARIS 2024. Sur son site de Saint-Denis, la société américaine Equinix est parvenue à réutiliser une partie de la chaleur produite par les serveurs entreposés dans l’un de ses quatre bâtiments pour chauffer la piscine olympique située à quelques centaines de mètres du datacenter. Une solution unique en France. REPORTAGE.
Maxime Heuze
La piscine olympique verra s'affronter des dizaines d'athlètes de tous les pays, entre le 27 juillet et le 4 août.
La piscine olympique verra s'affronter des dizaines d'athlètes de tous les pays, entre le 27 juillet et le 4 août. (Crédits : © BENOÎT TESSIER / REUTERS)

C'est le grand jour pour les nageuses et nageurs olympiques qui vont inaugurer la toute nouvelle piscine de Saint-Denis ce samedi. Un complexe, construit spécialement pour les Jeux de Paris 2024, qui verra s'affronter des dizaines d'athlètes de tous les pays, entre le 27 juillet et le 4 août, dans la quête d'une médaille olympique pour les épreuves de waterpolo, plongeon et natation artistique. Ce centre aquatique est donc tout à fait spécial par son usage... mais aussi par son système de chauffage unique en France. C'est, en effet, la toute première piscine chauffée grâce à un datacenter, celui de Saint-Denis, appartenant à l'américain Equinix.

Tout commence dans une pièce blanche baignée d'une lumière artificielle dans laquelle est enfermée une armoire noire à la face grillagée et parsemée de quelques diodes bleues, cachant un ordinateur surpuissant. Cette machine haute de deux mètres, aussi appelée baie, contient en son sein des dizaines de serveurs empilés les uns au-dessus des autres. Ces boîtes métalliques, louées à des entreprises tenues secrètes, stockent d'importantes quantités de données numériques - dont peut-être les dernières séries de Netflix. Elles peuvent également être « utilisées en tant que mémoire vive pour, par exemple, faire en sorte que les paiements en ligne soient rapides », détaille Thibault Roch, responsable du programme de développement durable chez Equinix.

Equinix datacenter

[Les serveurs sont loués à des entreprises qui stockent d'importantes quantités de données numériques selon Thibault Roch. Crédit : MH]

S'il est difficile de savoir combien de gigas ou de térabits de données sont stockés dans cette armoire, une chose est sûre, sa puissance de calcul est phénoménale... tout comme sa consommation d'énergie. Rien que pour cette baie, Equinix met à disposition de ses clients 300 kilowatts (kW) de puissance, soit l'équivalent de 15 chaudières à gaz de 20 kW. Autant d'électricité... qui finira en chaleur. « Un kilowatt d'électricité produit signifie un kilowatt de chaleur », précise l'ingénieur trentenaire. Un problème pour Equinix qui doit garder les machines « dans une température entre 18 et 27 degrés pour garantir leur fonctionnement ».

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D'autant que le site compte des dizaines de pièces abritant chacune différents types de baies pour « des centaines de clients » de toute taille. « Certains gros clients comme les Gafam peuvent demander un bâtiment entier, d'autres vont se partager une baie en collocation », explique Thibault Roch.

La consommation de 15 éoliennes

Un labyrinthe de machines sur trois étages, reproduit dans quatre bâtiments construits sur un campus de 30.000 m2 - le plus grand de France - et consommant jusqu'à l'équivalent de la production de 15 éoliennes de 3,5 mégawatts. Equinix dispose, en effet, d'une capacité installée de 50 mégawatts sur l'ensemble de son site « bien que, en général, nos clients n'utilisent que 50 à 60% de toute cette capacité », nuance le responsable du développement durable de l'entreprise.

Une activité qui produit donc une grande quantité d'air chaud aspiré par des souffleries placées dans chaque pièce puis envoyé dans des échangeurs. Au sein de ces machines imposantes, l'air transfère sa chaleur à une eau dédiée au refroidissement du site. Cette dernière termine son cycle dans un système de refroidissement, situé sur le toit de chaque bâtiment. Une fois dans ce dernier appareil, toute la chaleur accumulée est alors rejetée dans l'air extérieur.

Echangeur, Equinix, Thibault Roch

[Les systèmes de refroidissement retransforment l'eau chaude en air expulsé dehors. Crédit : MH]

Cette chaleur appelée « fatale » car perdue, vaut à l'industrie des datacenters de nombreuses critiques sur son empreinte carbone. Et pour cause, ce secteur représente environ 4% de la consommation mondiale d'électricité et 1% des émissions mondiales de gaz à effet de serre selon Engie. Un point noir qu'a en partie réussi à effacer l'entreprise américaine sur son site de Saint-Denis, avec son quatrième bâtiment construit en 2022. Dans ce dernier, « sur 10 mW de chaleur émise, 6,6 mW sont réutilisés », affirme Thibault Roch.

Une dizaine de bâtiments chauffés grâce aux serveurs...

Pour ce faire, une partie de l'eau chaude sortant du bâtiment est détournée pour être envoyée dans un autre échangeur placé, quant à lui, juste à la sortie du site, en direction de la piscine olympique située quelques centaines de mètres plus loin. En effet, Equinix a raccordé, fin juin, son réseau d'eau chaude à ce bâtiment où nageront les sportifs olympiques.

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Un projet issu d'un contrat avec Engie Solutions, la Métropole du Grand Paris, Plaine Commune Energie, et la région stipulant que l'entreprise va envoyer gratuitement, pendant quinze ans, 6,6 mW de chaleur dans le réseau de chauffage urbain de la Zone d'aménagement concerté (Zac) Plaine Saulnier. Ce quartier de Saint-Denis composé d'une dizaine de logements, bureaux et infrastructures (dont la piscine), consommera un total de 8,25 mW de chaleur, le reste de la production venant de centrales électriques ou à gaz. Au sein de ce réseau, l'infrastructure olympique - seul bâtiment raccordé pour le moment - consomme 3 mW à elle seule.

Ainsi, « le datacenter produira 10.800 mégawattheures une fois relié à tous les bâtiments de la Zac, soit l'équivalent de la consommation de 1.000 logements » explique à La Tribune, Jérémy Auroy, responsable du projet pour Engie Solution. Un partenariat unique en France, selon Engie qui confie que d'autres projets similaires pourraient voir le jour ailleurs dans l'Hexagone « dès l'année prochaine ».

...ainsi qu'une serre

Chauffer la piscine olympique n'est d'ailleurs pas le seul projet d'Equinix. Une autre partie de l'eau chaude des étages inférieurs termine sa course dans une serre de 430 m3 posée sur le toit du récent bâtiment.

Serre Equinix

[Au sein de la serre d'Equinix, on trouve des tomates, des fraises ou encore des poivrons. Crédit : MH]

Un énième échangeur se charge ensuite de transformer le liquide en air chaud afin de permettre à des agriculteurs locaux de cultiver des tomates, fraises ou encore des poivrons dans une température constante. « Les récoltes sont ensuite données à des associations locales », précise fièrement le responsable du développement durable d'Equinix.

Maxime Heuze

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Commentaires 6
à écrit le 28/07/2024 à 0:48
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Il est triste de voir qu'une fois encore on préfère faire appel à des entreprises américaines alors que le savoir faire pour réutiliser la chaleur fatale d'un data center est maîtrise par des entreprises françaises.

à écrit le 27/07/2024 à 15:32
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Super coup double !!! récupérer l'énergie des data centers pour chauffer la piscine .Que l'expérience se renouvelle et finisse par se généraliser et cela serait une des première retombée des JO !!

à écrit le 27/07/2024 à 13:46
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"JO 2024 : En Seine-Saint-Denis, la piscine olympique sera chauffée par... un datacenter" Si c'est pas merveilleux le greenwashing spécial JO... A quand le terreau de jardinage éco-bobo parisien aux mégots de cigarettes?

à écrit le 27/07/2024 à 13:17
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Coquilles "gratuitement, pendant quinze ans, 6,6 mW de chaleur dans le réseau de chauffage urbain " 6,6 MW ? "8,25 mW de chaleur," 8,25 MW ? "consomme 3 mW à elle seule" 3 MW ? Milliwatt c'est rikiki (un poste radio peut fournir 0,5W, 500mW sur le ha...

à écrit le 27/07/2024 à 12:29
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La piscine de Val d'Europe dans le 77 est chauffée par un datacenter depuis 2012... La piscine de Saint Denis n'est donc pas la première de France.

à écrit le 27/07/2024 à 10:39
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Il est quand même particulièrement dommage mais particulièrement révélateur d'un système économique et politique totalement défaillant, d'attendre une crise de l'énergie pour voir émerger enfi ndes solutions intelligentes, des "une pierre deux coups"...

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