Du rugby à la politique, Pierre Rabadan s'est pris aux Jeux

L’ancien troisième ligne du Stade français est le « Monsieur JOP » de la Ville de Paris. Sa carrière continue de l’inspirer.
Pierre Rabadan à l’Hôtel de Ville, le 26 juin 2024.
Pierre Rabadan à l’Hôtel de Ville, le 26 juin 2024. (Crédits : © LTD / Albert Facelly/Divergence)

Sur un terrain de Rugby, Pierre Rabadan n'y allait pas par quatre chemins. Quand un obstacle se présentait, ce combattant phénoménal accélérait dans sa direction. En politique, son nouveau champ de bataille, il ne se dérobe pas davantage. Des attaques subies depuis quatre ans qu'il est le « Monsieur Jeux olympiques et paralympiques (JOP) » d'Anne Hidalgo, l'élu parisien fait des fiches. Qu'il consulte pour se remémorer les polémiques surmontées. « Le pire, ç'a été les punaises de lit », expose-t-il incrédule depuis son bureau de l'Hôtel de Ville décoré avec ses souvenirs de joueur. Il rembobine.

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Un jour, un journaliste lui demande : « Pensez-vous pouvoir accueillir le monde avec une ville envahie par les punaises de lit ? » Lui n'en avait jamais entendu parler. Il s'étonne. Les services lui remontent deux cas, circonscrits. « On apprend que c'est l'Azerbaïdjan, soutenue par la Russie, qui est derrière. Je me suis dit "OK"... » Pierre Rabadan est resté calme. Sage, lorsqu'on dirige 2 600 agents du service des sports, l'office de tourisme, et qu'on est donc chargé de la Seine et des JOP - fonction la plus chronophage avec visites des sites, rencontres des délégations étrangères, animations. Il dort six heures par nuit, mais « beaucoup mieux qu'il y a six mois », quand les infrastructures restaient à livrer.

Pendant un an, 80 personnes se réunissaient chaque semaine « pour étudier la faisabilité de la cérémonie ». Alors il a eu du mal à avaler les reproches sur l'inconséquence supposée des décisions prises « sur un coin de table ». Il plaque à tour de bras le criminologue Alain Bauer « qui a parlé de suicide » sécuritaire. Et Guy Drut « qui ne voulait ni de la Seine ni du surf à Tahiti... » Tahiti : une fiche bien noircie par le voyage polémique d'Anne Hidalgo, entre visite officielle et vacances privées. Il l'a évidemment défendue. « La théâtralisation » de la politique le choque. « Le Conseil de Paris, ça peut être le cirque, constate-t-il. J'ai vu des élus d'une violence verbale et comportementale maximale venir me parler cinq minutes après comme des copains. Ça fait beaucoup de mal à la politique. »

À 44 ans, l'élu a pourtant le cuir tanné. Porter le maillot du Stade français sans trêve de 1998 à 2015 a eu un prix. « Le sport de haut niveau est violent, souffle Pierre Rabadan. Le plus dur, c'est quand 40 rugbymen vivent ensemble, et que seuls 15 jouent. » Son ami et coéquipier Raphaël Poulain s'y est perdu. Alcool, dépression. « On a vécu ensemble, reprend-il. Son livre m'a fasciné : j'avais vécu les mêmes choses au même moment, mais je ne les ai pas du tout ressenties comme lui. Une leçon. » L'ailier Christophe Dominici, tragiquement disparu en 2020, était un autre intime : « Il a eu une grande influence sur moi. Il vivait à 200 à l'heure et était excessif. Pas comme moi. Mais on s'enrichit des gens différents. »

Le Conseil de Paris, ça peut être le cirque

Pierre Rabadan

Pierre Rabadan s'est toujours montré solide. « Quand tu ne le connais pas, il est un peu ténébreux, réfléchit beaucoup, ne rigole pas facilement, observe Éric Lemaire, cadre dirigeant d'AXA, partenaire du Stade français de 2005 à 2016. Quand il parle, tu l'écoutes. Et il y a sa voix, assez particulière. Ce garçon dégage quelque chose. » Un temps en couple avec la James Bond girl Caterina Murino, il a fondé une famille avec la journaliste Laurie Delhostal, mère de leur fillette de 8 ans, Anna-Rose.

Cinq fois champion de France avec le Stade français, il reste un symbole de fidélité à un club et une ville. « J'y ai vécu partout, j'y ai déménagé 15 fois. » Il s'y est formé au journalisme et à l'entreprise. A bénéficié de l'entregent de ce sport prisé par les élites, et de ce club rendu flamboyant par son ancien président Max Guazzini. Pour son dernier match en 2015, le troisième ligne avait couché 500 noms sur sa liste d'invités. Anne Hidalgo s'était excusée. Mais elle lui a proposé un poste dans son cabinet, en partie pour la candidature aux JOP. Cœur à gauche, l'ancien bénévole aux Restos du cœur a accepté, avant de devenir élu en 2020.

Trajectoire improbable pour ce fils de garagiste d'Aix-en-Provence, petit-fils d'un des conducteurs de la navette vers Marseille. « Quand j'ai rejoint Paris et le Stade français après mon bac, je voulais représenter mes copains de rugby d'Aix, indiquet-il. Je n'aime pas faire les choses seul, pour moi. Le collectif me fait avancer, sans doute parce qu'il a meublé des carences personnelles, un schéma familial compliqué. Je m'y suis beaucoup investi, mais il faut trouver des équilibres. »

Pour Éric Lemaire, « il aurait dû jouer davantage en équipe de France ». Deux sélections avec de telles qualités, c'est peu. « J'ai surjoué le côté collectif, je suis tombé dans l'excès, convient Pierre Rabadan. Quand j'ai été pris avec les Bleus, j'aurais dû me concentrer sur mon intérêt personnel. » Une nécessité pour survivre en politique. « Il devrait avoir plus d'ego dans un monde qui est guidé par cela », acquiesce Laurie Delhostal. L'issue des législatives lui a pourtant « donné envie de continuer ». Le début des Jeux olympiques aussi ?

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