« Les populistes au pouvoir, un drame pour la démocratie » (par Jean-Hervé Lorenzi)

Jean-Hervé Lorenzi est le président des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, dont « La Tribune » est partenaire, qui se tiennent les 5 et 6 juillet. Il explique qu’en cette période de tensions politiques, les entreprises doivent devenir les moteurs de l’intérêt général et du bien commun.
Jean-Hervé Lorenzi, Président des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence.
Jean-Hervé Lorenzi, Président des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence. (Crédits : © LTD / Marc BERTRAND/CHALLENGES-REA)

Les Rencontres économiques d'Aix-en-Provence 2024 se trouvent confrontées à deux défis de taille. En premier lieu, l'absolue nécessité de restaurer un débat éclairé et apaisé. Ensuite, l'impératif de répondre à la question qui taraude nos sociétés contemporaines : l'idée même de progrès est-elle en crise ? Nous avons vécu pendant près d'un demi-siècle en étant convaincus que la science, la technologie, les savoirs et le développement des classes moyennes créeraient les conditions d'un monde aux avancées ininterrompues. Certains mettaient en avant le poids des évolutions matérielles.

Lire aussiRetraites : un sujet explosif au coeur des législatives anticipées

D'autres se félicitaient des révolutions d'une médecine permettant de vivre mieux et plus longtemps. L'école s'ouvrait à tous et l'Europe compensait son retard sur les États-Unis. L'époque était aux illusions d'un Occident triomphant, utilisant la Chine comme usine du monde pour se réserver les seules fonctions nobles. La chute du mur de Berlin actée, on alla jusqu'à croire que l'Histoire était « finie ». Que le triomphe des démocraties libérales et de l'économie de marché était acquis.

Cette euphorie fut de courte durée. Le 11-Septembre, les invasions de l'Irak et de l'Afghanistan puis la crise des subprimes amorcèrent un premier désenchantement. Le retour de la guerre en Europe, la nouvelle phase du conflit israélo-palestinien et l'opposition croissante entre Chine et États-Unis entérinent la disparition de la vision héritée de l'après-guerre. Multidimensionnelle, cette crise n'est pas seulement géopolitique. Elle est aussi identitaire. Les tensions sur la scène internationale favorisent le repli, la défiance et plus récemment une course aux armements. Partout, on observe un retour du cadre national, conséquence d'une construction européenne trop longtemps focalisée sur la seule intégration économique. Les espérances d'un Francis Fukuyama paraissent abstraites à l'heure où un immense choc menace, dans quelques jours, d'ébranler notre République.

Les moteurs de l'intérêt général et du bien commun

Dans ce contexte d'incertitudes, nous avons quitté le domaine du réel, nous trouvant face à un règne idéologique où le bon sens n'a plus aucun poids. Les faits et l'objectivité sont supplantés par des visions partisanes qui altèrent notre perception commune de la réalité. En conséquence, le débat public se polarise et alimente des fractures sociétales profondes. L'érosion de la confiance dans les institutions et les médias contribue à un climat de méfiance généralisée, menant à un rejet des élites. Cette atmosphère ouvre la voie aux populismes. Ces mouvements se présentent comme une solution aux dysfonctionnements démocratiques. Ils constituent en réalité une fausse réponse à ce qu'ils prétendent combattre. Le monde économique, des personnalités académiques aux chefs d'entreprise, doit prendre ses responsabilités et participer activement à l'apaisement de la société. L'histoire récente nous l'a montré : l'accession au pouvoir des populistes est toujours synonyme de drame pour la démocratie.

Cette édition 2024 des Rencontres place au cœur de la discussion le nouveau rôle des entreprises. Ces dernières doivent devenir les moteurs de l'intérêt général et du bien commun. Il faut qu'elles repensent leurs modes de fonctionnement en les articulant autour de trois dimensions: la reconnaissance, les perspectives et la rémunération. Mieux reconnaître, c'est faire des salariés des acteurs pleinement investis dans l'avenir de l'entreprise, capables de mesurer l'impact réel de leurs actions. Dans un climat d'angoisse perpétuelle (climatique, sociale, économique, politique), le monde du travail doit être celui de l'espoir et de perspectives renouvelées.

L'économie ne peut être réduite à une simple opinion

Enfin, dans la sixième puissance économique mondiale, il est frappant de constater que le travail ne permet pas à tous de se loger ou de vivre dignement. La rémunération doit être repensée et la mise en œuvre récente du « salaire décent » par Florent Menegaux [directeur général de Michelin] ouvre la voie à un débat incontournable. Ces discussions ont lieu alors que ces mêmes entreprises sont confrontées à des transformations radicales. Les transitions énergétique, numérique, démographique, géopolitique modifient leur fonctionnement, recomposent les chaînes de valeur, menacent leur rentabilité et de facto la croissance de nos sociétés. Il leur incombe pourtant un rôle plus fondamental que jamais, celui d'être au cœur d'un contrat social renouvelé.

La fonction de ces Rencontres d'Aix 2024 est aussi de redonner un rôle central aux économistes. Ces derniers ne peuvent plus rester en marge du débat public, et leur voix doit résonner de nouveau. Face aux défis de notre époque, il est impératif qu'ils s'engagent à fournir des analyses approfondies et des solutions pratiques. Ils ont la responsabilité de simplifier la compréhension de concepts complexes pour le grand public et de promouvoir une culture du débat fondée sur des arguments étayés par des données solides. L'économie ne peut être réduite à une simple opinion ; c'est une science rigoureuse qui doit avoir pour mission d'éclairer les décideurs politiques dans leurs choix et les citoyens dans leurs décisions électorales. Il revient aux économistes de réintroduire cette idée fondamentale de progrès. Chaque génération définit sa propre voie. Les 5 et 6 juillet prochains donneront un rôle essentiel aux jeunes, condition nécessaire pour nous réengager sur les chemins du progrès.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 30/06/2024 à 20:54
Signaler
bref, les entreprises doivent se sacrifier pour pallier a la folie et l'incompetences des politiciens ( enfin, quand je parle d'incompetence, je voulais dire ' cynisme et incompetence volontaire').......ce que lorenzi n'a pas bien compris c'est que c...

à écrit le 30/06/2024 à 9:50
Signaler
"Les populiste au pouvoir" pourrait s’interpréter comme "Les macronistes au pouvoir" : la situation décrite est le résultat de cette idéologie ultra-mondialiste qui visait à imposer un modèle de société unique sur la planète entière. Devant cet échec...

à écrit le 30/06/2024 à 8:14
Signaler
Combien gagnez vous monsieur Lorenzi ? Ca va tranquille la vie quand même !? Descendez voir chez les gens au moins par curiosité et pour vous empêcher des raconter des poncifs rincés. Merci. La dame qui a du déménager avec ses 3 filles parce que la h...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.