Législatives : « L'investissement dans l'innovation doit être apolitique » (Véronique Torner, Numeum)

Les enjeux numériques ne sont quasiment pas abordés dans cette campagne express pour les élections législatives, regrette Véronique Torner, présidente de Numeum. Le premier syndicat du numérique a cosigné aux côtés d'autres organisations de la filière une tribune appelant à voter pour « des programmes qui permettent d'accélérer la transformation numérique de la France et l'Europe ».
Véronique Torner, présidente de Numeum.
Véronique Torner, présidente de Numeum. (Crédits : DR)

LA TRIBUNE - Quel a été votre ressenti après les résultats des européennes, l'annonce de la dissolution et l'organisation d'élections législatives ?

VÉRONIQUE TORNER - De l'incertitude, sans surprise. Et les entreprises n'aiment pas cela. C'est un sentiment partagé par l'ensemble du secteur économique, et au-delà. Tout le monde est inquiet. J'ajouterais que nous sommes déçus. La dissolution, c'est l'occasion d'engager un débat pour la société, pour l'avenir. Et ce débat n'est pas suffisamment éclairé sur les enjeux du numérique. On sort d'une élection européenne pendant laquelle nous avons beaucoup œuvré pour mettre ce sujet en avant. Il ne l'a pas été suffisamment et on se retrouve dans une situation similaire.

Il est certain que les gens sont concentrés sur d'autres problématiques. Mais nous pensons que le numérique fait bien partie des enjeux au cœur de la société, car il englobe des enjeux de sécurité, d'emploi, de développement des territoires. De même, on ne peut envisager la transition énergétique sans numérique. Il faut accélérer la numérisation de notre économie, qui est en retard par rapport aux États-Unis et l'Asie. Pour soutenir cette accélération, il faut financer l'innovation. L'arrivée de l'IA générative avait pourtant remis le sujet du numérique au centre. Ce débat, qui avait pris corps au sein de la société, a été relégué au second plan.

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Le gouvernement actuel a plutôt les faveurs de l'écosystème numérique, car il le soutient financièrement. Craignez-vous de voir disparaître cet accompagnement ?

Sur le volet numérique, les programmes des uns et des autres ne sont pas toujours très clairs. C'est vrai que sur les dernières années, beaucoup d'actions ont été menées par le gouvernement. Mais je crois que ce sujet est apolitique. On doit aujourd'hui investir dans l'innovation. C'est indispensable, je ne vois pas comment on peut envisager l'avenir sinon.

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Mais la manière dont on investit dans l'innovation relève de choix politiques. Le Nouveau Front populaire refuse le développement de technologies de reconnaissance faciale par exemple, le RN prône un souverainisme numérique...

Nous, nous prônons un numérique responsable. Cela fait partie de nos priorités. Le numérique doit être inclusif pour toutes et pour tous. On sait par exemple que l'alternance, dont notre filière est gourmande, est un bon ascenseur social. Cela permet à des jeunes de poursuivre des études plus longtemps, et donc d'atteindre un pouvoir d'achat supérieur. Vous parlez de la reconnaissance faciale, bien sûr, c'est un sujet de société sur lequel on doit se positionner. Tout comme les sujets de cybersécurité et d'autonomie stratégique. On contribue aujourd'hui à acculturer sur ces sujets.

Êtes-vous en adéquation avec la prise de parole de nombreux entrepreneurs qui appellent à voter « pour l'innovation », et donc contre, selon eux, le Rassemblement National et le Nouveau Front populaire ?

On en a discuté bien évidemment au sein de Numeum dès le lendemain de l'annonce. Nous représentons 2.500 entreprises, et je pense que les intentions de vote des dirigeants représentent celles de la société dans son ensemble. Notre mission c'est de décrypter les positions des partis pour inciter au vote. Mais nous ne prendrons pas position, cela serait maladroit.

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La situation exceptionnelle avec l'extrême droite aux portes du pouvoir pourrait amener à une prise de position...

L'extrême droite ou l'extrême gauche, oui [selon une décision du Conseil d'Etat datant de mars 2024, La France Insoumise et le Parti Communiste français, membres du Front Populaire, font partie du bloc de gauche, pas de l'extrême gauche, Ndlr]. Il y a deux blocs de partis extrémistes et un parti plutôt au centre. Notre mission c'est d'éclairer les dirigeants et leurs salariés. Pour la suite, on a confiance en l'intelligence des électeurs.

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Commentaires 4
à écrit le 30/06/2024 à 12:33
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"L'innovation pourquoi faire?" devrait être la seule question ! Si c'est pour éliminer le coté naturel des choses... on est sur la bonne voie, on pourra manger du fric !

à écrit le 29/06/2024 à 18:42
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Rendre la france totalement dépendante du numérique dominé par des multinationales étrangères est très dangereux. C'est au contraire un sujet d'abord politique. Par exemple, le minitel a été une décision politique qui a eu d'excellent impacts sur not...

à écrit le 29/06/2024 à 7:29
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« des programmes qui permettent d'accélérer la transformation numérique de la France et l'Europe » A quel prix ? Au prix de toutes nos données sensibles dorénavant achetables par ceux qui en ont lems oyens sur internet. Je rappelle quand même que pôl...

à écrit le 28/06/2024 à 20:01
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Depuis 1997 un rapport parlementaire sur le numérique et l'IT mettait en garde le retard français, son titre : "Un cri d'alarme et une croisade nécessaire" du sénateur Pierre Laffitte. Tout est dit. Soit oncle Sam ne voulait pas avoir de la concuren...

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