Législatives : « la filière de l'éolien craint un coup de frein » (Herveline Gaborieau, Alliance éolien)

ENTRETIEN. Alors que le salon Seanergy, un événement majeur du secteur des énergies marines renouvelables, s’apprête à fermer ses portes à Nantes (Loire-Atlantique) dans un contexte politique agité, les instituts b<>com, France Energies Marines, IRT Jules Verne et SuperGrid Institute ont créé L’Alliance Éolien dans le but de conjuguer leurs expertises et innovations alors que la filière doit se préparer à un gros changement d'échelle. A moins que l’arrivée du RN au pouvoir ne donne un coup de frein aux ambitions nationales. Entretien avec Herveline Gaborieau, directrice générale de France Energies Marines, Nathalie Baclet, directrice du développement et des projets de l'Institut de recherche technologique IRT Jules Verne, et Paul Vinson, directeur du marketing, du développement commercial et des projets au sein de SuperGrid Institute.
Projet de parc éolien au large des îles vendéennes Yeu et Noirmoutier (Pays de la Loire)
Projet de parc éolien au large des îles vendéennes Yeu et Noirmoutier (Pays de la Loire) (Crédits : Jesse de Meulenaere-Unsplash)

LA TRIBUNE - L'Alliance Eolien a officiellement vu le jour le 26 juin dernier à l'initiative de quatre instituts : b<>com, France Energies Marines, IRT Jules Verne et SuperGrid Institute. Pourquoi cette alliance entre IRT (institut de recherche technologique) et ITE (instituts pour la transition énergétique) ?

Herveline GABORIEAU - Nous avons le même mode de fonctionnement. Concernant l'éolien, nous nous sommes rendus compte que nous avions des champs très complémentaires. Nous travaillons d'ores et déjà ensemble sur des travaux. Via cette alliance, l'idée est d'aller plus loin en combinant nos expertises et nos moyens.

Chaque institut travaille avec un réseau d'experts académiques et scientifiques en France et à l'international. Nous avons donc une bonne vision de la recherche en amont tout en étant très proche de l'industrie. De ce fait, nous avons une bonne compréhension des enjeux et des besoins industriels.

Nathalie BACLET - Le domaine d'expertise de l'IRT Jules Verne est la fabrication de pièces et de structures métalliques (flotteurs) et en composite (pales). Notre particularité est de travailler sur des pièces de grandes dimensions. Rejoindre cette alliance est l'opportunité d'offrir une offre globale et de faciliter les échanges avec nos partenaires industriels qui n'auront plus à s'adresser individuellement à chaque institut. Ce sera un atout supplémentaire.

Paul VINSON - Nous avons une proximité d'ADN entre les IRT et les ITE. Raison pour laquelle SuperGrid Institute, qui se présente comme l'architecte du système électrique, a souhaité s'inscrire dans cette complémentarité. Demain, il va falloir travailler sur la typologie des systèmes électriques, repenser des éléments de conversion et de distribution de l'énergie électrique, tout en réfléchissant à la mutualisation des parcs, à leur design et à leur optimisation en terme de coût total d'exploitation pour être capable de produire une architecture électrique qui permette de fournir une énergie qui soit la plus efficace, sûre et au meilleur marché pour le consommateur final.

Quelle est sa vocation ?

Herveline Gaborieau - Le but est de développer davantage de projets pour mieux répondre aux besoins des industriels de cette filière de l'éolien et de pouvoir les accompagner sur toute la chaîne de valeur. Car ensemble nous en couvrons quasi tous les maillons. Nos solutions technologiques vont permettre d'apporter une réponse aux grands industriels qui vont développer des projets d'ampleur alors que l'on s'attend à une densification assez importante de l'éolien en mer avec un développement fort attendu au cours des prochaines années, l'objectif étant d'atteindre 18 GW d'éolien offshore à horizon 2035 et 45 GW à horizon 2050. L'enjeu principal est donc ce gros changement d'échelle. Ce qui nécessitera de développer des parcs de plus en plus grands, avec des puissances unitaires de l'ordre de 2GW (contre 500 MW aujourd'hui) avec l'augmentation de la distance à la côte des futurs parcs éoliens. Il va falloir les fabriquer, ce qui signifie des cadences plus fortes, mais aussi les connecter au réseau en sachant que l'utilisation de la technologie en courant continu sera privilégiée pour les futurs parcs. Il faudra aussi les mettre en service et les suivre dans la durée. Sans oublier la transmission des données sécurisées. Il y a donc de gros enjeux technologiques à venir.

D'ores et déjà, l'Alliance Eolien s'est engagée sur deux projets collaboratifs. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Herveline Gaborieau - Le premier, porté par France Énergies Marines et l'IRT Jules Verne, concerne la digitalisation de l'éolien offshore. Nous y travaillons depuis plus d'un an.

Paul Vinson - Le second, mené par France Énergies Marines et SuperGrid Institute, porte sur la thématique des sous-stations flottantes HVDC (courant continu haute tension) notamment dans le cadre du projet AFOSS-DC, d'une durée de 3 ans jusqu'en 2025, qui a pour but d'étudier ces sous-stations en tant que système, en analysant les exigences fonctionnelles, les contraintes d'intégration, les risques et la fiabilité. Le but étant d'aller vers un démonstrateur et une filière qui se structure.

A trois jours du premier tour des législatives anticipées, quelle est l'ambiance sur le salon Seanergy ?

Herveline Gaborieau - Il y a une certaine inquiétude alors que des programmes comptent arrêter le déploiement de l'énergie éolienne, en mer et sur terre. Mais ce qui est rassurant est que le cap européen reste le même.

Lire aussiLégislatives : de l'éolien en mer à l'agrivoltaïsme, l'inquiétude gagne la filière des énergies renouvelables

Vous l'avez dit plus haut, l'industrie de l'éolien offshore va connaitre une accélération sans précédent dans les prochaines années. Mais son développement pourrait-il être freiné si le RN arrive au pouvoir ?

Herveline Gaborieau - Les principales craintes de la filière : un coup de frein. Mais il faut bien comprendre que nous aurons besoin d'énergie et d'électricité. Il faudra donc développer des solutions dans une logique de mix énergétique.

Paul Vinson - Il y a d'abord une part d'incrédulité. Ces infrastructures demandent des investissements importants avec des temps de rentabilité long. Le contexte crée de l'incertitude sur les investissements, ce qui pourrait aboutir sur des retards à un moment où il faut accélérer.

Nathalie Baclet - Aller vers du tout nucléaire demande aussi du temps et ne résoudra pas le problème. Il faut donc maintenir ce mix énergétique.

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Commentaires 3
à écrit le 29/06/2024 à 15:44
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On peut donc couvrir la France d'éoliennes et de panneaux solaires, et tant pis pour l'environnement. Moi, je souhaite que l'éolien soit réduit à la portion congrue, et les panneaux solaires soient installés sur les toits des bâtiments. L'essentiel ...

à écrit le 28/06/2024 à 19:23
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Derrière chaque éolienne veille une station de puissance pilotable, alors pourquoi se ruiner avec ces moulins. Pour mémoire, une éolienne débute sa production pour des vents de l'ordre de 12km/h et est en pleine production entre 50 et 90km/h de vent....

le 28/06/2024 à 20:35
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L'installation d'énergie éolienne a également battu des records en 2023. En Europe, les projets offshore et la forte croissance aux Pays-Bas ont ete les principaux moteurs Dans l'UE, Eurostat indique que la production d'électricité éolienne a augm...

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