![Manoir Industries emploie un peu moins de 500 salariés : 400 sur le site de Pitres, ici en photo, et une soixantaine en Angleterre.](https://static.latribune.fr/full_width/2388278/manoir-industries-paralloy-metallurgie-nucleaire.jpg)
Nouvel épisode dans l'histoire tumultueuse de Manoir Industries. Installée à Pitres dans l'Eure, cette fonderie centenaire est connue pour être l'une des deux seules entreprises françaises capables de fabriquer les coudes des circuits primaires des centrales nucléaires. Sujet hautement sensible. Aux mains du fonds chinois CAM SPC, elle s'était placée fin mars sous la protection du tribunal de commerce de Paris dans l'espoir de trouver un actionnaire plus prodigue afin de financer l'accroissement de ses activités. L'affaire semble en bon chemin.
Selon les informations recueillies par La Tribune auprès de plusieurs sources, une solution de reprise aurait été trouvée avec le groupe Paralloy. Le métallurgiste britannique n'est pas un nouveau venu dans ce dossier. Il s'était déjà positionné en 2021 lors du placement en redressement judiciaire de Manoir Industries avant de retirer son offre. Trois ans plus tard, la firme basée à Billingham au Nord Est de l'Angleterre est donc de nouveau en course. Avec, cette fois, de bonnes chances de l'emporter.
C'est en tout cas l'option défendue par l'exécutif de la Région Normandie qui s'est beaucoup démené en coulisses pour échafauder un mécano financier ad hoc, avec la complicité de l'Etat (via la délégation interministérielle aux restructurations d'entreprises). « Cela fait plusieurs semaines que nous bataillons pour sortir de l'ornière cette entreprise qui fait vivre 470 familles et qui est au cœur de la relance du programme électronucléaire français », confirme à La Tribune son président, Hervé Morin. Lequel salue au passage « la créativité et l'agilité des outils financiers » de sa collectivité. « C'est la relation intime que la Région entretient avec son écosystème qui a permis l'émergence de cette solution », souligne t-il.
FO dit banco
Selon nos informations, l'offre qui doit être présentée demain au tribunal prévoit un premier investissement de 6 millions d'euros de Paralloy complété par un prêt de l'Etat du même montant, un autre d'EDF de 3 millions ainsi qu'un apport en quasi-fonds propres de la Région à hauteur de 3,5 millions. Quant au reste des besoins de financement, il doit être apporté par un pool de banques en tête desquelles la Caisse régionale du Crédit Agricole Normandie Seine dont l'ancien ministre de la défense salue l'implication. « Sa direction a pris une décision très courageuse sans laquelle le projet n'aurait pas abouti », se félicite t-il.
Il n'est pas le seul à afficher sa satisfaction. Joint au téléphone dans le train qui l'emmenait à Paris, le délégué FO de Manoir Industries ne cache pas son soulagement. « C'est la seule solution qui vaille. Nous la défendrons d'autant que nous avons négocié et obtenu le maintien de tous les acquis sociaux et l'absence de plan social pendant 24 mois », indique Eric Lafon. Lequel se risque à prédire un avenir radieux à son entreprise. « Paralloy est un acteur sérieux qui connaît bien les marchés sur lesquels nous opérons. Cela va nous donner les moyens de devenir, demain, un très gros numéro 3 mondial voire plus », assure t-il avec la foi du charbonnier.
« Une filière stratégique »
Malgré un important besoin de financement, tout porte à croire, il est vrai, que la fonderie est sur la voie du redressement. Forte d'un chiffre d'affaires de 86 millions d'euros en 2023 (versus 60 millions en 2022), elle affiche un carnet de commandes « plein pour un an et demi », d'après plusieurs sources. En pointe dans la réalisation d'alliages spéciaux, elle se positionne plus que jamais comme un fournisseur critique. « Manoir Industries est une filière stratégique pour la France avec des activités en voie d'accélération pour les secteurs du nucléaire, de la pétrochimie et de la défense », faisait valoir son président, Ludovic Lambert, il y a quelques semaines dans un communiqué.
Le patron de la Normandie partage l'analyse s'agissant de l'atome. « On parle beaucoup de la construction des EPR à Penly mais n'oublions pas non plus les travaux programmés chez Orano qui représentent plusieurs milliards d'investissements », rappelle t-il. Chez FO, on table aussi sur les marchés de la défense pour parachever le redressement. « Nous fabriquons déjà les embouts du canon Caesar, note Eric Lafon. C'est l'une des raisons qui expliquent le soutien de l'Etat ». Reste maintenant à convaincre le tribunal de commerce de Paris de la pertinence du projet. Il rendra sa décision le 18 juin prochain, mais à moins d'une grosse surprise, l'issue ne fait plus guère de doutes.
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