Nucléaire : Bruno Le Maire s'affiche prudent sur le projet des huit EPR2 supplémentaires

Le ministre de l'Économie s'est montré très prudent ce mercredi quant aux objectifs en matière de construction de nouveaux réacteurs nucléaires français. Pour Bruno Le Maire, EDF doit d'abord « apporter la preuve » qu'il est capable de réaliser « dans de bonnes conditions, dans les délais et dans les coûts » les six premiers EPR2 inscrits dans le programme de relance de l'atome, avant d'envisager les huit supplémentaires.
Le ministre de l’Économie et de l’Énergie Bruno Le Maire s'est exprimé auprès d'une commission d'enquête du Sénat sur l'électricité (photo d'archive).
Le ministre de l’Économie et de l’Énergie Bruno Le Maire s'est exprimé auprès d'une commission d'enquête du Sénat sur l'électricité (photo d'archive). (Crédits : Reuters)

Les ambitions d'Emmanuel Macron en matière de nucléaire sont-elles faisables ? Pour rappel, le président français a annoncé, en février 2022, la prolongation de la durée de vie des réacteurs nucléaires en activité et la création de six réacteurs de nouvelle génération (EPR2). Prévus pour être mis en service d'ici 2035-2037 pour les deux premiers, ils pourraient être complétés par huit autres. Une éventualité à propos de laquelle le ministre de l'Économie a pesé ses mots ce mercredi, interrogé par une commission d'enquête du Sénat sur l'électricité.

Bruno Le Maire a souligné « l'ampleur gigantesque » du chantier que représente la réalisation de six nouveaux EPR, « dans une filière qui malheureusement a connu des hauts et des bas, a été trop souvent pointée du doigt, qui a perdu beaucoup de compétences et qui doit maintenant se reconstruire ». Une reconstruction nécessaire « aussi bien sur l'ingénierie civile que sur les sujets plus technologiques ». « Donc 6 EPR2 me paraît la quantité raisonnable d'absorption par notre industrie nucléaire », a insisté le ministre.

« Si EDF apporte la preuve de sa capacité à réaliser dans de bonnes conditions, dans les délais et dans les coûts ces six EPR, il faudra considérer cette option de huit nouveaux EPR2 », a ajouté Bruno Le Maire.

Feu vert aux premiers travaux préparatoires

Cette prise de parole intervient alors que le gouvernement a donné son « autorisation environnementale » à EDF pour engager les travaux préparatoires des deux premiers réacteurs EPR2, prévus sur la centrale nucléaire de Penly, en Seine-Maritime.

Lire aussiNucléaire: l'État donne son feu vert à EDF pour lancer les travaux préparatoires des deux futurs réacteurs EPR2

Selon un décret du 3 juin paru ce mercredi au Journal officiel, il est indiqué que les « activités, installations, ouvrages, travaux » concernés par ce feu vert comprennent notamment des opérations telles que le « débroussaillage et déboisement, et relocalisation de la faune et la flore à protéger », « la création des installations de chantier », des opérations de « terrassement » et de reprofilage de la falaise, d'« amélioration des accès du site » ou encore la « création d'un parking ».

Dans un message sur le réseau professionnel LinkedIn, la délégation interministérielle au nouveau nucléaire (DINN) a détaillé ces travaux « dont le lancement se fera de manière progressive à compter de cet été ». Ainsi, certaines espèces seront déplacées pour « veiller à leur préservation », sans citer lesquelles, des interventions de défrichement auront lieu, des dispositifs de limitation des bruits, de poussières et de vibrations seront mis en place, la plateforme en mer sera étendue « à des fins de logistique de chantier »...

Ces travaux dits préparatoires, qui « devraient durer 3,5 ans » selon la DINN, sont distincts des travaux dits « nucléaires » (c'est-à-dire de construction de l'ouvrage), qui eux « sont subordonnés à l'obtention du décret d'autorisation de création ».

Un passé qui appelle à la prudence

Le fait que le ministre de l'Économie s'affiche prudent n'est en tout cas pas sans raison. Car si EDF a connu mi-mai une étape décisive dans la mise en service du réacteur EPR de nouvelle génération de Flamanville, où vient de se terminer le chargement du combustible, cela arrive douze ans après la date initialement prévue. Ce chantier a en effet connu de multiples déboires entraînant de nombreux retards et faisant exploser la facture. Elle se chiffre désormais à 13,2 milliards d'euros selon EDF, soit quatre fois plus que les 3,3 milliards d'euros initialement envisagés.

Lire aussiNucléaire : pourquoi les EPR2 devraient être plus faciles à construire que l'EPR de Flamanville

D'ailleurs, en matière de coûts, ceux des six premiers réacteurs ne sont pas encore clairement connus. Selon une information du journal Les Échos dévoilée début mars, leur coût prévisionnel est désormais évalué à 67,4 milliards d'euros au lieu des 51,7 milliards initialement annoncés en février 2022. Selon le quotidien, ce nouveau chiffrage - encore provisoire - tient notamment compte de la hausse des coûts d'ingénierie alors que le groupe a pris 9 mois de retard pour finaliser les plans de conception génériques de son EPR2, lesquels sont désormais attendus cet été.

EDF a indiqué mi-avril être « actuellement dans une phase d'optimisation des coûts et du planning », au sujet de ce nouveau chiffrage qui pourrait évoluer. Nul doute que celui-ci fera partie des éléments clés qui donneront le « go » à la suite du programme, vers huit réacteurs supplémentaires ou pas.

(Avec AFP)

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Commentaires 10
à écrit le 06/06/2024 à 15:56
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Au prochain remaniement il ne sera plus là !

à écrit le 06/06/2024 à 11:49
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En matière de coûts, Bloomberg vient de publier une étude sur le Stockage d'Energie Longue Durée (LDES) dont il ressort que les stockages thermique et adiabatique (air comprimé en sous sol) sont devenus moins chers que le stockage par batteries à $23...

à écrit le 06/06/2024 à 11:18
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Il a du mal à comprendre la différence entre "dépenser" et "investir". C'est pour ça qu'il a de tels résultats...

à écrit le 06/06/2024 à 10:38
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De toute façon, lorsque l'on parle d'investissement structurel, ça n’intéresse pas Bruno Lemaire. A croire qu'il ne recherche que les pertes sèches...

à écrit le 06/06/2024 à 10:33
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Environ 10 Millards de pertes (deja) pour Flamanville Au moment prevu pour le debut des 2 EPR de Penly (dans 3 ou 4 ans), les pertes pour EDF sur les 2 EPR de Hinkley Point seront au mini de 10 Millards, alors que le chantier ne sera pas encore term...

à écrit le 06/06/2024 à 9:56
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C'est au politiques de s'engager, j'imagine que les industriels concernés hésitent avec une telle prudence affichée..

à écrit le 06/06/2024 à 9:34
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On peut nous expliquer pourquoi des travaux dits préparatoires devraient durer 3,5 ans? Dans les autres pays il faut autant de temps? Je ne parle pas des travaux dits nucléaires.

le 06/06/2024 à 13:43
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Si l'EPR2 est une version simplifié de l'EPR il faut quand même tout redessiner, tout calculer, savoir où les mettre, voir les aménagements à faire (sol, etc), ... L'EPR était trop sécurisé à cause des allemands qui ont quitté le navire avec Fukushim...

à écrit le 06/06/2024 à 9:26
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La confiance règne...Dans les années 70-80-90, EDF savait construire 1 à 2 réacteurs par an, parce qu'il ne s'est jamais arrêté, donc l'expérience était transmise de génération en génération. L'important est de trouver le bon chef de projet parfaitem...

le 06/06/2024 à 13:49
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A part en construire à l'étranger, comment aurait-on pu construire un nouveau réacteur tous les 5 ans pour maintenir les compétences ? Peut-être pour fabriquer des voitures électriques plus tôt ? L'énergie il faut la consommer, d'où les grilles pains...

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