Virgil, Hestia, Neoproprio... les startups de l'immobilier à la rescousse des primo-accédants privés de crédits

Plusieurs jeunes pousses ont décidé de répondre à l’appel des primo-accédants restés à la porte de l’achat immobilier du fait des prix élevés et, depuis près d’un an, de la hausse des taux d’intérêts des crédits. Ces dernières s’attaquent notamment au problème de l’apport ou proposent des modes d’accès à la propriété innovants telle que la location avec option d’achat (ou leasing). Explications.
Maxime Heuze
Avec des taux d'intérêts autour de 4% qui augmentent sévèrement les mensualités des crédits, les banques demandent beaucoup plus de fonds propres aux aspirants propriétaires.
Avec des taux d'intérêts autour de 4% qui augmentent sévèrement les mensualités des crédits, les banques demandent beaucoup plus de fonds propres aux aspirants propriétaires. (Crédits : DR)

C'est l'un des plus gros blocages à l'achat d'un bien immobilier ces dernières années et auquel certaines startups ont voulu s'attaquer : l'apport personnel.

Avec des taux d'intérêts autour de 4% qui augmentent sévèrement les mensualités des crédits, les banques demandent dorénavant des fonds propres colossaux aux aspirants propriétaires afin que leur taux d'endettement global (TAEG) ne dépasse pas 35% de leurs revenus comme exigé par les règles du Haut conseil de stabilité financière (HCSF). Dans ces conditions, Auguste, un nouveau propriétaire parisien gagnant 35.000 euros bruts par an a notamment dû engager 67.000 euros d'apport - dont 57.000 euros prêtés par ses parents - pour pouvoir acquérir un bien à 200.000 euros.

« Toutes nos économies ont dû y passer. Et malgré cet apport, l'accord de la banque pour financer les 130.000 euros restant pour cet achat était incertain jusqu'au bout », confie l'acquéreur de 25 ans.

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La classe moyenne bloquée

Faute de capital, nombre de Français se retrouvent à présent à la porte du bien de leur rêve. « C'est notamment très réducteur pour les primo-accédants qui souffrent le plus de cette condition au crédit quand ils n'ont pas de capital ou possibilité d'aide de leur famille », alerte Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim).

Si le Bail réel solidaire permet d'économiser entre 20 % à 40 % sur l'achat de son bien en louant le terrain à un Organisme Foncier Solidaire (OFS), il reste limité aux ménages les plus modestes (gagnant moins de 30.000 euros net par an seul). « Mais pour la classe moyenne, les Français avec des revenus nets entre 30.000 euros et 40.000 euros par an, il n'y a pas d'aides de l'Etat et ils ne sont pas assez riches pour acheter et pas assez pauvres pour être aidés » regrette Xavier Lépine, fondateur de la startup Neoproprio.

Fortes de ce constat, plusieurs startups proposent justement, à ces aspirants propriétaires oubliés, des solutions pour accéder à la propriété.

Financer l'apport

Virgil s'est notamment attaqué au cœur du problème en proposant depuis 2020 à des particuliers de financer une partie de l'apport demandé par les banques.

« Nous co-investissons avec l'acquéreur, c'est-à-dire que nous lui fournissons de l'argent pour son apport en échange d'une part de l'appartement », présente Saskia Fiszel, cofondatrice de la startup. Virgil propose ainsi des financements jusqu'à 100.000 euros avec un billet moyen autour de 50.000 euros, sur une période de 10 ans maximum. « Concrètement si nous finançons 10% du bien, l'acheteur devra nous rembourser 15% de la valeur du bien dans les dix ans, soit de sa poche, soit à la revente de l'appartement », ajoute l'entrepreneure qui base le modèle économique de sa startup sur les plus-values à la revente.

Un système peu habituel mais encadré par la loi. « Il s'agit d'un co-investissement dormant, avec un contrat signé chez un notaire, qui assure à l'acheteur qu'il est propriétaire de la totalité de son appartement pendant dix ans et que nous n'avons contractuellement aucun droit de lui demander le remboursement de nos parts avant la fin de cette échéance », veut rassurer Saskia Fiszel. En revanche, une fois les dix années écoulées, la startup ayant le statut d'Intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP) peut légalement exiger la vente du bien.

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Le leasing immobilier

D'autres observateurs du marché immobilier ont opté pour une approche différente. Créées en 2022, Sezame et Hestia ont appliqué à l'immobilier un modèle de financement bien connu dans le monde automobile : le leasing.

« Concrètement, si un de nos clients veut acheter une maison à 100.000 euros, nous l'achetons pour eux et nous convenons d'un prix à la revente dans trois ans, par exemple 110 000 euros. Ensuite pendant ces trois ans, notre client va verser un loyer dont une partie va dans une caisse qui leur servira d'apport. Cela va leur permettre d'augmenter leurs chances d'accéder à un crédit tout en vivant dans le bien qu'ils ont choisi pendant le temps où ils constituent leur apport », expliquait à La Tribune Nino Spiegel, cofondateur d'Hestia dans une interview en novembre 2022.

La société, dont les contrats de location-accession sont encadrés par la loi du 12 juillet 1984, se rémunère ensuite avec une commission sur les loyers et sur la plus value lors de la revente à leurs clients ou d'autres acheteurs si les premiers se désistent au bout du temps défini.

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Un leasing immobilier a inspiré une autre startup spécialisée dans le logement neuf. Lancée fin 2023, Neoproprio propose à des promoteurs immobiliers de s'associer avec eux pour attirer les acheteurs avec un contrat peu connu : le bail emphytéotique. Ce cadre légal permet à l'acquéreur de devenir propriétaire pendant une durée définie, en échange d'une importante économie sur son achat. Plus concrètement, « notre foncière achète le bien et le revend à l'acheteur pour la moitié du prix, contre un droit de propriété de 25 ans », présente Xavier Lépine.

Un contrat qui permet à l'acheteur de jouir librement de son bien pendant le temps imparti mais aussi de devenir définitivement propriétaire en rachetant l'autre moitié du bien à Neoproprio lors de ces 25 années. A l'inverse, l'acquéreur peut aussi quitter l'appartement et se faire rembourser de son investissement en vendant ses parts à la foncière, là aussi à tout moment. A noter, « le contrat de bail nous oblige à racheter les parts du propriétaire », assure le fondateur de la startup et ancien président de la Française AM. « Même si la startup fait faillite, la foncière existera toujours et aura toujours les fonds pour racheter les parts du propriétaire », précise-t-il.

Beaucoup plus de demandes que de financements

Autant d'idées et de projets qui pourraient sur le papier aider nombre d'aspirants propriétaires. Dans la réalité, néanmoins, ces solutions ne représentent qu'une goutte d'eau dans l'océan du marché immobilier.

Après quatre années d'activités, Virgil n'a, en effet, financé qu'un peu plus de 200 projets, uniquement à Paris. Or, « avec le resserrement des conditions de crédit, plein de gens ont été exclus de l'accession à la propriété et nous voyons que désormais, même un apport de 100.000 euros ne suffit parfois pas à décrocher un crédit », regrette Saskia Fiszel qui espère pouvoir augmenter le plafond de financement et le nombre de projets soutenus.

Un problème de réponse de la demande encore plus flagrant du côté du leasing immobilier. Alors que Neoproprio, tout juste lancé et en quête de fonds, envisage déjà de financer une cinquantaine de projets, Hestia et Sezame croulent sous la demande après deux années d'existence. Hestia a par exemple réalisé une vingtaine de financements... pour 15.000 demandes cumulées.

Les solutions de la « proptech » sont donc pour l'instant loin d'être suffisantes pour résoudre la crise de l'immobilier. Mais leurs services pourraient bien être complétés par un coup de pouce à venir de l'Etat. Auditionné mi-mai par la commission des Affaires économiques du Sénat sur son projet de loi en faveur du logement abordable, le ministre du Logement a expliqué qu'il pourrait intégrer dans ce texte « des dispositions nouvelles qui permettraient de donner un coup de pouce aux jeunes qui souhaitent accéder à la propriété (...) et qui ont besoin d'un pécule ». Affaire à suivre...

Maxime Heuze

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Commentaires 2
à écrit le 02/06/2024 à 19:25
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"innovant " la location avec option d'achat ? il y a 40 ans et un peu plus cela existait déjà dans la commune de 20.000 habitants du sud ouest où je réside , tous les ouvriers de l'usine du coin ont acheté leurs maisons sous cette forme de financemen...

à écrit le 31/05/2024 à 12:21
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A l'ere de "l'intelligence artificielle", on vous fabrique des "entreprises" parasites dites intermédiaire auquel il vous sera impossible d'échapper !

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