Crise du logement : l'Assemblée nationale pousse à un choc local, fiscal et social

La mission d'information transpartisane de l'Assemblée nationale sur l'accès des Français à un logement libre et à la réalisation d'un parcours résidentiel durable, voulu en juin 2023 par le groupe Démocrate (majorité présidentielle), vient de publier ses conclusions. Hasard du calendrier: le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, a été auditionné, hier, au Sénat et a déjà fait plusieurs pas dans le sens des députés.
César Armand
L'Assemblée nationale vient de sortir 35 propositions pour résoudre la crise du logement.
L'Assemblée nationale vient de sortir 35 propositions pour résoudre la crise du logement. (Crédits : Reuters)

Entre la major Bouygues Immobilier qui licencie faute d'acheteurs particuliers, la Fondation Abbé Pierre qui alerte sur une part croissante d'adultes devant cohabiter avec leurs parents et l'association d'élus France urbaine qui torpille le projet de loi relatif au logement abordable, ONG, maires et professionnels rappellent, tous les jours, l'urgence de la crise du logement. C'est dans ce contexte que la mission d'information transpartisane de l'Assemblée nationale sur l'accès des Français à un logement libre et à la réalisation d'un parcours résidentiel durable, voulu en juin 2023 par le groupe Démocrate (majorité présidentielle), vient de publier ses conclusions.

Encore un énième document de l'Assemblée nationale qui va finir sur l'étagère dans la poussière diront les mauvaises langues. Sauf qu'à la différence des précédents, le présent rapport pousse, simultanément, des préconisations d'ordre administratif, législatif et fiscal. Hasard du calendrier, le ministre du Logement, Guillaume Kasbarian, a été auditionné, hier, au Sénat sur le projet de loi relatif au logement abordable et a répondu, sans le savoir, à certaines idées émises par les députés.

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Définir des objectifs en fonction de la typologie des publics

Au premier chef, les spécialistes du logement au Palais-Bourbon défendent, toutes couleurs politiques confondues, une approche des politiques du logement en fonction des territoires et des parcours résidentiels. A commencer par territorialiser les objectifs en matière de construction de logements. D'autant qu'il existe déjà un outil statistique qui permet de prévoir les besoins en logement par bassin d'habitat et par intercommunalité en fonction des scénarii politiques décidées par les élus locaux. Sauf qu'une minorité d'entre eux l'utilise.

Autres recommandations : définir des objectifs de logement en fonction de la typologie des publics bénéficiaires (étudiants, jeunes actifs, jeunes ménages, séniors...) ou encore élaborer des approches stratégiques qui incorporent l'aménagement du logement au sein des politiques industrielles. Pour cette dernière, l'exécutif a labellisé 22 « Territoires engagés pour le logement », dont des collectivités qui vont accueillir de l'industrie, pour aider les élus concernés à sortir 30.000 logements d'ici à 2027.

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Prioriser la construction de logements dans la mise en œuvre du ZAN

Autres propositions : développer une boîte à outils à disposition des territoires afin de favoriser une meilleure différenciation des politiques du logement, notamment en confiant davantage de responsabilités aux intercommunalités, au travers du statut d'autorité organisatrice de l'habitat (AOH). Il s'agit d'une promesse du président-candidat Macron en 2022 mise en musique par les deux ministres successifs Olivier Klein et Patrice Vergriete.

Ce dernier, resté président de la communauté urbaine de Dunkerque, poussait en ce sens, mais depuis la nomination de Guillaume Kasbarian, les intercommunalités n'ont aucune nouvelle. « Les moyens devront être mobilisés de façon pérenne et sécurisée avec l'intercommunalité confortée dans son rôle pivot et stratégique : programmation/agrément des constructions et des rénovations attributions, encadrement des loyers, structuration des hébergements touristiques... » réaffirmait, mardi, France urbaine, qui porte la voix des métropoles. Reste à voir ce qui sortira du rapport Woerth sur la décentralisation remis officiellement au chef de l'Etat demain.

Autre idée : permettre une prise en compte des dynamiques territoriales et prioriser la construction de logements dans la mise en œuvre du zéro artificialisation nette (ZAN) des sols. Cela tombe bien : le Sénat vient de lancer une consultation auprès des élus locaux justement pour définir un modèle économique et fiscal du ZAN. Le vice-président (LR) de la Commission des Finances, Jean-Baptiste Blanc, est déjà prêt à déposer un amendement dans les projets et propositions de loi à venir.

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« Un choc d'offre en faveur du logement social et abordable »

Autres recommandations de l'Assemblée : favoriser un meilleur parcours résidentiel à chaque étape de la vie - le ministre Kasbarian vient de s'engager à aider les jeunes à accéder à la propriété dans le budget 2025 - ou expérimenter des versions régionalisées de dispositifs nationaux d'incitation à la construction de logements sur le modèle du « Pinel breton ». Aujourd'hui, le gouvernement refuse tout retour d'avantage fiscal.

Autres leviers cette fois locaux : rétablir l'aide aux maires bâtisseurs contribuant à l'effort de production de nouveaux logements par le versement d'une aide forfaitaire, remise sur la table par Olivier Klein avant son éviction du gouvernement. Encore mieux, tenir compte du surcroît de charges occasionnées pour les communes et les établissements publics de coopération intercommunale conduisant des politiques de logement et de rénovation énergétique volontaristes.

Après ces treize premières propositions, les députés plaident pour « un choc d'offre en faveur du logement social et abordable ». Comment ? En revenant sur les effets de la réduction de loyer solidaire (RLS) afin de restituer aux organismes HLM une capacité d'investissement supplémentaire annuelle de l'ordre de 1,3 milliard d'euros.

Rien de tout cela n'est prévu dans la loi sur le logement abordable

Les parlementaires du Palais-Bourbon suggèrent aussi d'étendre le taux de TVA de 5,5 % à l'ensemble de la production de logements sociaux et conventionnés, d'augmenter les contributions de l'État au fonds national d'aide à la pierre (Fnap), de maintenir dans la durée les financements à taux bonifié accordés par la Banque des territoires ou encore d'assortir la hausse du financement du logement social de garanties tenant, par exemple, à la mobilité des locataires.

C'est original: ils appellent à mieux organiser les mutations au sein du parc social, en incitant les locataires en situation de sous-occupation à accepter un logement plus petit grâce à des contreparties financières (garantie d'absence de hausse du loyer, prise en charge sous conditions de ressources de certains frais liés au déménagement), ainsi qu'en favorisant l'accession sociale à la propriété.

Pour autant, rien de tout cela n'est prévu par le projet de loi relatif au logement abordable présenté il y a treize jours au Conseil des ministres. Au Sénat - décidément -, le ministre du Logement s'est simplement engagé, hier, à ce que les locataires de logements locatifs intermédiaires (LLI), où vivent les classes moyennes, puissent acheter leur bien au bout de cinq ans, et non plus au bout de dix ou quinze ans. Cela se traduira dans la loi de finances 2025.

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Vers la mise en place d'une garantie universelle des loyers ?

Dans un autre registre, les membres de l'Assemblée nationale défendent le rapprochement de l'offre de service d'Action Logement des besoins des petites et moyennes entreprises (PME). Et ce en établissant un lien financier entre les deux qui passerait par un assujettissement à la participation de l'employeur à l'effort de construction (Peec) de l'ensemble des entreprises de plus de dix salariés, contre cinquante aujourd'hui.

En dehors du secteur privé, les députés poussent au développement, pour les agents publics, d'une offre de services comparable à celle d'Action Logement, financée le cas échéant par une cotisation assise sur la rémunération des agents. L'élu Renaissance David Amiel a déjà remis un rapport sur le logement des fonctionnaires...

Pour tous, il conviendrait de soutenir la montée en charge du dispositif Visale et engager une réflexion visant à la mise en place d'une garantie universelle des loyers (GUL). Là aussi, il s'agit du promesse du président-candidat Macron en 2022, mais Action Logement, qui distribue Visale, avait freiné des quatre fers, pointant les coûts de l'opération.

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Fin des avantages fiscaux pour la location des meublés de courte durée ?

Dernier volet et non des moindres : la fiscalité immobilière. En l'occurrence, ils considèrent qu'il faut prioritairement encourager la primo-accession à la propriété d'une résidence principale. Par exemple, en passant la TVA à 5,5 % dans le neuf, en élargissant le prêt à taux zéro (PTZ) ou bien en réduisant le taux de TVA pour les travaux d'amélioration assortie, le cas échéant, d'une exonération temporaire de taxe foncière.

Dans le même esprit, les parlementaires du Palais-Bourbon entendent signer la fin aux avantages fiscaux dont bénéficie la location meublée touristique de courte durée et engager une réflexion sur les conditions de suppression progressive de la distinction fiscale entre location meublée et location non meublée. C'est le sens de la proposition de loi transpartisane de leurs collègues Annaig Le Meur et Inaki Echaniz qui sera examinée en séance publique le 21 mai au Sénat.

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 Plus controversé, ils préconisent d'établir un régime fiscal plus favorable aux revenus fonciers sous condition de durée de location, de niveau de loyer et de performance énergétique ou encore de poursuivre la modernisation de la fiscalité sur les logements vacants et les résidences secondaires, en généralisant la taxe sur les logements vacants (TLV) et la majoration de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS) à l'ensemble du territoire.

Reste à savoir comment le gouvernement et le Sénat vont s'en emparer

Afin de décourager les comportements de rétention immobilière visant à éviter l'impôt sur les plus-values immobilières, ils jugent qu'il faut remplacer les abattements pour durée de détention par l'actualisation de la valeur d'acquisition du bien en fonction d'un indice statistique pour déterminer la plus-value imposable.

Sans oublier les recettes fiscales pour les élus locaux en taxant les plus-values foncières résultant du ZAN en fusionnant les deux taxes existantes applicables aux plus-values de cession de terrain rendu constructible, en accroissant leurs assiettes et leurs taux, et en attribuant le rendement principal au bloc communal pour des dépenses d'aménagement et d'aide à la construction de logement.

Ultime levier : mettre à profit la révision des valeurs locatives à l'échéance de 2028 pour procéder à la bascule d'une partie de la fiscalité du logement vers l'impôt foncier, afin de réduire à due concurrence les impôts pesant sur les transactions ou les locations immobilières. Reste à savoir maintenant comment le gouvernement va s'emparer de ces 35 idées et comment le Sénat va les traduire dans les textes qu'il examine actuellement.

César Armand

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Commentaires 3
à écrit le 17/05/2024 à 8:40
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La maison construite en impression 3D existe, on peut en faire jusqu'à 80 m2 et c'est du solide ! Mais voilà en UE nous avons le lobby immobilier qui préfère faire bosser l'esclave moldave pour 300 balles par mois...

à écrit le 17/05/2024 à 7:47
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Quand l bâtiment va tout va !

à écrit le 16/05/2024 à 18:09
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arghhhhhh! un choc!!! la gauche fait des chocs, alors que c'est intolerant et brutal, c'est de droite comme disait hollande dans sa campagne de 2012!!!!!!! il faut plutot un pacte, c'est doux c'est bienveillant, c'est de gauche!!!!!! bon, leurs argum...

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