Crise du logement : Christophe Béchu témoigne de sa frustration et fustige Bercy

Le futur ex-ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires s'est, longuement, confié ce mercredi sur ses états d'âme moins d'une semaine après la démission du gouvernement Attal. Interrogé par La Tribune sur la crise du logement, Christophe Béchu a lâché ses coups. Verbatims.
César Armand
« Si on est honnête, les gens ne veulent plus de voisins depuis le Covid. A chaque programme, vous avez des pétitions et quand vous êtes maire, il vous arrive d'y être sensible » selon Christophe Béchu. (Photo d'illustration)
« Si on est honnête, les gens ne veulent plus de voisins depuis le Covid. A chaque programme, vous avez des pétitions et quand vous êtes maire, il vous arrive d'y être sensible » selon Christophe Béchu. (Photo d'illustration) (Crédits : © Eliot Blondet/ABACAPRESS POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

Rendez-vous est pris à 10h30 ce mercredi à l'hôtel de Roquelaure, 244 boulevard Saint-Germain dans le VIIème arrondissement de Paris. Le futur ex-ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, « souhaite revenir sur les avancées des dernières années, répondre aux questions et aussi parler de la suite », écrit son cabinet à quelques journalistes en début de semaine.

Il est finalement 10h45 quand le représentant du gouvernement Attal entre dans son bureau. Tantôt premier adjoint au maire (MoDem) d'Angers, tantôt secrétaire général d'Horizons, le parti politique d'Edouard Philippe, tantôt ministre défendant son action, Christophe Béchu se confie, une heure et demie durant, sur ses convictions, sa méthode, ses souhaits, mais aussi sur son discours, ses douleurs et ses frustrations.

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 Le logement fait-il l'objet d'un mauvais calcul de la part de Bercy ?

C'est dans cette dernière catégorie que le ministre range la crise du logement. Interrogé par La Tribune, il a témoigné d'une lettre - a priori restée sans réponse - envoyée à la Première ministre Elisabeth Borne « le 8 février 2023 ». « Je l'alertai sur la situation et j'y suggérai un certain nombre de pistes sur lequel il était souhaitable d'avancer », commence Christophe Béchu, qui a compté trois ministres sous sa tutelle : Olivier Klein de juillet 2022 à juillet 2023, Patrice Vergriete de juillet 2023 à janvier 2024 et Guillaume Kasbarian depuis janvier.

Avant d'asséner que « le logement fait l'objet d'un mauvais calcul de la part de Bercy ».

« Il n'y a rien de personnel - nous avons de bonnes relations avec Bruno Le Maire - même si je pense qu'il a peu apprécié que j'obtienne le ''Fonds vert'' [qui finance la transition écologique dans les collectivités] et si j'aurais préféré que le coup de rabot [de 10 milliards d'euros] se présente de manière différente », poursuit-il.

« On se concentre sur ce que le logement coûte sans voir ce que ça rapporte », enchaîne le ministre. En 2022, rappelle-t-il, le secteur a rapporté 91 milliards d'euros de recettes budgétaires et coûté 41 milliards d'euros de dépenses publiques. Soit un solde positif de 50 milliards d'euros. « Pourtant, on était tétanisés par le fait de dire qu'il faut qu'on évite de mettre trop d'argent », lâche Christophe Béchu.

Ou est-ce un problème local ?

Dans le même temps, il se déclare « à l'aise » avec la fin au 31 décembre 2024 du dispositif Pinel. Ce dernier permet aux particuliers qui investissent dans un logement neuf en immobilier collectif destiné à la location de bénéficier d'une réduction de leur impôt sur leur revenu. « Ce n'est pas ce qui vous assure que les gens se logent », assure le ministre.

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La crise du logement est « européenne », embraye Christophe Béchu, du fait de l'augmentation des taux d'intérêt et des coûts de construction, tout en récusant tous les causes dites écologiques comme la hausse des prix de l'énergie ou la politique de zéro artificialisation nette des sols (ZAN) qui vise la sobriété foncière à horizon 2050 avec un palier en 2031. « C'est factuellement faux », martèle-t-il.

« C'est d'abord un problème local », tranche le premier adjoint de la ville d'Angers.

« Si on est honnête, les gens ne veulent plus de voisins depuis le Covid. À chaque programme, vous avez des pétitions et quand vous êtes maire, il vous arrive d'y être sensible », concède Christophe Béchu qui érige en « vrai problème » l'enclenchement des permis de construire.

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Y-a-t-il un problème avec les prix de sortie ?

« Nous avons également un problème des prix de sortie [prix de vente], mais il se pose à tous les étages. Cela commence avec le prix du foncier [du terrain] et ça se termine avec les prix de construction, tant est si bien qu'on a un problème de pouvoir d'achat immobilier », ajoute-t-il.

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Et de remettre sur la table le crédit in fine qui dissocie le paiement des intérêts - tout au long de la vie du prêt - et le remboursement du capital - à la fin de ce dernier -. « Je suis convaincu qu'on ne fera pas l'économie de ce débat. Les prix de l'immobilier progressent plus vite que les salaires qui ne suivent pas. L'héritage a de même disparu [du fait du vieillissement de la population, Ndlr] et n'est plus un déclencheur d'achat », relève-t-il.

« Je pense que ça participe à un sentiment de déclassement et que cela conduit à une rigidité qui va beaucoup trop loin sur les conditions de prêt et qui finit par bloquer une partie [du marché] », dit encore Christophe Béchu.

Ou avec le budget 2024 de Ma Prime Rénov' ?

Aussi incroyable que cela puisse paraître, le même défend la coupe de 1 milliard d'euros dans le budget 2024 de Ma Prime Rénov' décidée en janvier dernier par Bercy. « On a un retard considérable dans les copropriétés, mais tant que vous ne résolvez pas ce problème d'un point de vue juridique, vous ne pouvez pas déclencher les travaux », estime-t-il. En cause, selon lui, l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sur la propriété qui érige la propriété en « droit inviolable et sacré ».

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Christophe Béchu défend également le retour à la rénovation par gestes après avoir vendu la rénovation globale. « Dans la vraie vie, lorsque votre chaudière tombe en panne le 15 février, pas une personne ne va attendre des devis globaux. Je suis pour une écologie du réel et préfère accompagner des changements de vecteur plutôt que d'attendre une perfection qui n'existe pas », conclut-il.

César Armand

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Commentaire 1
à écrit le 25/07/2024 à 7:14
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"Si on est honnête, les gens ne veulent plus de voisins depuis le Covid." Oui à savoir 90% des riches mais seulement 10% des pauvres. "Tout est bruit pour celui qui a peur" or le fortuné a un niveau de peur qui augmente tacitement en fonction de sa r...

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