Logement : le Sénat sonne l'alarme sur la paupérisation des copropriétés

Les sénatrices du Pas-de-Calais Amel Gacquerre (Union centriste) et de la Seine-et-Marne Marianne Margaté (Communiste, républicain et écologiste-Kanaky) viennent de dévoiler les conclusions de leur commission d'enquête sur la paupérisation des copropriétés. Si les chiffres officiels de la rénovation des immeubles donnent le tournis, les parlementaires relèvent que les syndics sont souvent prisonniers des blocages. Les professionnels regrettent, eux, que le rapport ne dise pas un mot sur l'épargne. Décryptage.
César Armand
Parmi les propositions du Sénat sur la table, celle consistant à renforcer le poids des copropriétaires présents et actifs risque de faire débat (Photo d'illustration)
Parmi les propositions du Sénat sur la table, celle consistant à renforcer le poids des copropriétaires présents et actifs risque de faire débat (Photo d'illustration) (Crédits : REUTERS/Youssef Boudlal)

C'est le dernier texte du gouvernement relatif au logement qui a été adopté avant la dissolution : la loi visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement, promulguée le 9 avril dernier. Dans la continuité d'un rapport remis en octobre 2023 par les maires de Saint-Denis (PS) et de Mulhouse (LR), l'exécutif s'est attelé à « lutter contre l'habitat indigne ».

Trois mois et demi plus tard, c'est au tour du Sénat de sortir du bois sur ce sujet sous l'angle de la paupérisation des copropriétés. A l'issue de cinq mois d'enquête, les sénatrices du Pas-de-Calais Amel Gacquerre (Union centriste) et de la Seine-et-Marne Marianne Margaté (Communiste, républicain et écologiste-Kanaky) pointent, ce 23 juillet, « un phénomène dont on commence seulement à prendre la mesure ».

« Les pouvoirs publics peinent à détecter, à prévenir ou à contrer les phénomènes de dégradation », relèvent les deux parlementaires.

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Les chiffres officiels donnent le tournis

Et pour cause : les copropriétés sont mal connues. En théorie, il en existe 578.000 selon le Registre national d'Immatriculation des Copropriétés (RNIC). En réalité, l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema - services du Premier ministre) en dénombrent 888.000.

« Ce sont donc plus de 300.000 copropriétés qui ne seraient pas immatriculées et encore les données sur celles qui le sont restent souvent lacunaires voire erronées », poursuivent ainsi les sénatrices Gacquerre et Margaté.

Pis, les chiffres officiels donnent le tournis : 215.000 copropriétés ont un montant d'impayés qui dépasse les 20% de leur budget annuel (Banque des territoires) ; 35% ont un diagnostic de performance énergétique (DPE) F ou G (Anah), et plus d'un million de propriétaires modestes ou très modestes seraient très copropriétaires (Sénat).

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Les syndics souvent prisonniers des blocages

Le Sénat pointe ainsi les limites des dispositifs de prévention et de redressement, considérant que les élus locaux ne sont « souvent que tardivement informés » et les outils « pas toujours utilisés ». Et ce alors que la loi sur l'habitat dégradé renforce le permis de louer.

« Le maire pourra faire réaliser d'office des travaux, voire faire démolir des bâtiments non-conformes aux règles d'urbanisme [et] demander un diagnostic structurel des immeubles », rappelle le site Internet spécialisé Vie-publique.fr.

Les syndics sont aussi souvent prisonniers des blocages, n'étant que les mandataires d'une assemblée générale dysfonctionnelle et pas toujours en capacité d'enrayer les impayés. Aussi, le Sénat préconise de faire du conseil syndical un véritable conseil d'administration de la copropriété. « Cela apporterait de la souplesse et de la réactivité », salue le président de l'association nationale des gestionnaires de copropriété (ANGC), Gilles Frémont.

Pas un mot sur l'épargne

Les parlementaires pointent également « le court-termisme de copropriétaires qui perçoivent l'immeuble comme immuable alors qu'il est en réalité périssable ». « Il existe un vrai décalage entre les besoins long-terme du bâtiment et les stratégies des copropriétaires qui vont vendre leur appartement au bout de deux ans », appuie Raphael di Meglio, le directeur général de la jeune pousse Matera, spécialisée dans l'autogestion des copropriétés.

Le rapport ne dit pas un mot en revanche sur l'épargne, au grand dam de Gilles Frémont, président de l'ANGC: « Ce serait très sain et très utile de mettre de l'argent de côté quand bien même cela augmente la charge financière trimestrielle des copropriétaires. Sauf que, lorsque c'est trop tard, il n'y a pas d'argent et la situation se dégrade. Quand bien même cela se fait avec des fonds publics, c'est avec l'argent du contribuable... »

Et ce alors même que les copropriétaires peuvent désormais souscrire à un prêt global collectif afin de financer les travaux. « Permettons aux copropriétés de s'endetter pour que le remboursement soit inclus dans leur budget et supporté par les copropriétaires d'aujourd'hui et de demain », exhorte le startuppeur Raphael di Meglio. « C'est le meilleur moyen de débloquer les financements », veut croire le patron de Matera.

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Sanctionner le « retard intentionnel et abusif » des paiements de charge

Le cas échéant, les sénatrices Amel Gacquerre et Marianne Margaté défendent la création d'une banque de la rénovation et de la copropriété. Une idée historiquement poussée par l'Union des syndicats de l'immobilier (Unis). « Le reste à charge demeure un frein qui dissuade le ménage s'il n'a pas possibilité de le financer », estime sa présidente Danielle Dubrac.

Aussi propose-t-elle un suramortissement pour les propriétaires bailleurs qui se lancent dans un chantier. « Pour les récompenser, nous pourrions imaginer que la valeur de leur bien soit revalorisé de 10 à 20% selon le diagnostic de performance énergétique (DPE) obtenu. Cela permettrait de même d'anticiper la valeur verte de leur logement », ajoute la patronne de l'Unis.

Parmi les autres propositions du Sénat sur la table, celle consistant à renforcer le poids des copropriétaires présents et actifs risque de faire débat. Il s'agirait de limiter le droit de vote de ceux présentant « un retard intentionnel et abusif » des paiements de charge, de restreindre le droit de recours contre les décisions d'AG ou encore de donner un bonus aux copropriétaires s'occupant des questions d'entretien et de vie quotidienne de la copropriété.

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Le ministère du Logement ne souhaite pas réagir à ce stade

En parallèle, il s'agirait de renforcer l'inclusion des locataires en créant un conseil de résidents ou en autorisant des locataires mandatés à assister aux réunions du conseil syndical et aux assemblées générales. « Ne soyons pas dans le juridique, mais sensibilisons en amont avec un meilleur affichage des informations. Auquel cas, cela risque de créer des incompréhensions entre les propriétaires bailleurs et leurs locataires », prévient Danielle Dubrac de l'Unis.

Reste maintenant au futur gouvernement, quel qu'il soit, de s'emparer de ces conclusions. Sollicité par La Tribune, le ministère du Logement ne souhaite pas, pour autant, réagir « à ce stade ».

César Armand

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Commentaires 7
à écrit le 24/07/2024 à 9:38
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J'ai pas accès à l'article entier mais on en parlait déjà en 2005 dans mes cours d'éco-droit de lycée de bac pro compta. Pas un thème nouveau, il paraît que c'est le drame de coins comme la Seine Saint Denis et des cités nouvelles construites dans le...

à écrit le 24/07/2024 à 2:22
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Deja dans les annees 90 la sonette sonnait. Personne ne l'a entendu. Depuis le temps a coule, et tous ces immeubles de mauvaises qualite se sont litteralement effrites. Certains menacent, mais on ne fait toujours rien. France a la ramasse

à écrit le 23/07/2024 à 19:59
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les charges explosent, les impots explosent, on te met des lois des normes et des obligations pour sauver la planete, et on s'etonne de ou ca va!!!!!!!!!! la suite sera encore bcp moins rejouissante......sinon, ca sent bon un impot de perequation pou...

à écrit le 23/07/2024 à 19:27
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"Paupérisation des copropriétés"; encore un succès✌de plus?🤡

à écrit le 23/07/2024 à 18:36
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"Logement : le Sénat sonne l'alarme sur la paupérisation des copropriétés" Encore la prédation de gauche sur les copropriétaires subissant l'impunité de locataires mauvais payeurs et sources de dégradations non pris en charge par le montant dér...

à écrit le 23/07/2024 à 18:30
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Un modèle bancal dès sa création.

à écrit le 23/07/2024 à 18:24
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Avec la taxe foncière qui explose et le gaz, et l'inflation sur le moindre travaux, c'est bizarre ça qu'on arrive plus a payer les charges ! Qui aurait pu prévoir qu'en mettant à genoux Poutine on allait mettre a genoux les immeubles chauffés au gaz ...

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