Après Sainte-Soline, les opposants aux mégabassines dénoncent l'agro-industrie au Port de la Rochelle

« Une manifestation fleuve » est organisée samedi dans le terminal agro-industriel portuaire de La Pallice, à La Rochelle. L'objectif : dénoncer la responsabilité de l'industrie agro-alimentaire, « dernier maillon de la chaîne du système-bassines », dans le développement de l'agriculture intensive et de son besoin d'eau.
Giulietta Gamberini
Sixième port français, le Port atlantique de La Rochelle est le 2e pour les exportations de céréales -dont la France est le premier producteur en Europe.
Sixième port français, le Port atlantique de La Rochelle est le 2e pour les exportations de céréales -dont la France est le premier producteur en Europe. (Crédits : La Rochelle Port)

En mars 2023, à Sainte-Soline, les affrontements entre les opposants aux « mégabassines » - ces grandes retenues agricoles de stockage d'eau controversées - et les forces de l'ordre avaient eu lieu dans les champs. Cette année, après « une grande marche populaire et un convoi de vélos » vendredi dans la forêt de Saint-Sauvant -maintenue bien qu'interdite mardi par la préfecture de la Vienne -, contre le démarrage d'un nouveau chantier prévu pour septembre 2024, l'événement central de la mobilisation organisée toute cette semaine dans le Poitou contre ces bassines doit avoir lieu, samedi, dans un port.

« Une manifestation fleuve » est orchestrée dans le terminal agro-industriel portuaire de La Pallice, à La Rochelle. L'objectif affiché: s'attaquer à l'industrie agro-alimentaire, et dénoncer sa responsabilité dans le développement de l'agriculture intensive.

Lire: Contre les « mégabassines », un village de l'eau prépare des actions dans les Deux-Sèvres

« Un outil de la course au rendement »

« (...) Le déploiement des bassines sur le territoire est directement lié au projet de développement du port de La Pallice à La Rochelle », affirment, en effet, les organisateurs - le collectif Bassines Non Merci (BNM) et le mouvement Les Soulèvements de la Terre - dans un dossier de presse. « À la croisée des importations de soja et des exportations de céréales, des flux de pesticides et d'engrais chimiques, le port est le dernier maillon de la chaîne du système-bassines », dénoncent-ils, en pointant du doigt la responsabilité de l'industrie agro-alimentaire dans le développement de l'agriculture intensive et de son besoin d'eau.

« Face au dérèglement climatique, de plus en plus de coopératives demandent aux agriculteurs, avant de signer avec eux des contrats d'approvisionnement, qu'ils s'assurent d'avoir un accès à l'eau, afin de garantir un certain rendement », explique le président du comité de bassin Loire-Bretagne, Thierry Burlot. « Cette eau devient ainsi un outil de la course au rendement imposée par les marchés », en concluent BNM et Les Soulèvements de la Terre, qui déplorent une « politique de productivité poussée à l'extrême », essentiellement destinée à « alimenter le marché de la spéculation internationale ».

Deux visions opposées de la souveraineté alimentaire

Sixième port français, le Port atlantique de La Rochelle est en effet le deuxième pour les exportations de céréales - dont la France est le premier producteur en Europe. En 2023, presque 3 millions de tonnes de céréales et oléagineux ont transité par ses eaux, et c'était 25% de moins qu'en 2022. Il jouit « d'un positionnement au débouché de la troisième région céréalière de France », lit-on sur le site du port. Les céréales sont dirigées vers le Maghreb, le Moyen-Orient et l'Afrique de l'Ouest, mais aussi vers l'Italie, le Portugal et le Royaume-Uni.

Le Port atlantique de La Rochelle est aussi un centre névralgique des importations d'engrais manufacturés, essentiels pour la productivité agricole, et d'alimentation animale, aujourd'hui indispensable à l'élevage. Plus de 600.000 tonnes d'engrais et 115.000 tonnes de tourteaux de soja et de tournesol y ont transité en 2023.

Or, selon la vision épousée par les tenants d'une agriculture paysanne, ces importations et ces exportations sont le talon d'Achille de la « souveraineté alimentaire » française, puisqu'elles exposent les agriculteurs à la dépendance de marchés extérieurs. Ils estiment qu'elles font aussi obstacle à la souveraineté alimentaire des pays où sont vendus les produits exportés et d'où proviennent ceux importés.

Lire: La souveraineté alimentaire, une notion politique dont la définition fait débat

« (...) Le complexe agro-industriel gaspille 10 millions de tonnes de nourriture chaque année, tandis que 7,9 millions de personnes sont dépendantes de l'aide alimentaire pour survivre. 71% des fruits, 28% des légumes, 53% de la viande ovine consommés en France sont importés », soulignent encore BNM et Les Soulèvements de la Terre.

Nourrir le monde, réduire engrais et phytos

Dans un contexte de croissance démographique mondiale et d'instabilité géopolitique, les exportations françaises sont essentielles pour nourrir le monde, estiment au contraire la plupart des syndicats agricoles, notamment la Fnsea, les Jeunes agriculteurs et la Coordination rurale. Un point de vue épousé également par le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau. 50% du blé tendre et 75% du maïs cultivé en France sont par ailleurs destinés à sa consommation interne.

Quant aux importations d'engrais et de produits phytosanitaires, les partisans d'une agriculture orientée vers une maximisation de la production estiment qu'elles peuvent être réduites en maintenant les rendements. Ils prônent toutefois une approche progressive, tenant compte des difficultés techniques et économiques des agriculteurs, et martèlent le principe « pas d'interdiction sans solution ». Ils assument en revanche que l'accès à l'eau est un « moyen de production » incontournable pour les agriculteurs, et que les réserves de substitution visent à le garantir malgré le changement climatique.

Lire: « La réserve d'eau, c'est notre oasis » : en Charente, les agriculteurs irrigants en opération séduction

Les agriculteurs, pas des cibles

Pour les opposants aux « mégabassines », cibler l'agro-industrie sert toutefois aussi un autre objectif: démontrer qu'ils ne s'opposent pas aux agriculteurs en tant que tels, mais à un modèle agricole précis dont ces derniers sont à leurs yeux les premières victimes.

 « Nos mobilisations ne prennent pas et ne prendront pas pour cible les agriculteurs et leurs fermes, mais les ennemis réels des paysan-nes. Dans le système bassines, les agriculteurs sont les instruments et les fusibles des méga-coopératives et des multinationales qui les maintiennent dans une dépendance aliénante », écrivent BNM et Les Soulèvements de la Terre.

Une tentative de répondre aux accusations notamment du deuxième syndicat agricole, la Coordination rurale, classé à droite, qui dans son « appel national à une manifestation pour protéger les fermes » de lundi affirme que « des centaines d'exploitations agricoles sont menacées ».

Au contraire, « le mouvement anti-bassines est bel et bien un mouvement composé et d'agriculteurs et d'habitant-es des territoires directement concernés par la préservation des terres et des ressources en eau. Notre mobilisation est appelée cette année encore par plus de 120 organisations, dont plusieurs syndicats agricoles, et par de nombreux agriculteurs non syndiqués qui expriment la nécessité d'un autre modèle de production par leur présence active », insistent BNM et Les Soulèvements de la Terre.

La Confédération paysanne, qui figure parmi ces signataires, dénonce d'ailleurs elle aussi depuis longtemps « le système agro-industriel exportateur, qui met les exploitants en grande difficulté, les poussant à s'endetter pour produire à tout prix », souligne sa porte-parole, Laurence Marandola. Le syndicat agricole classé à gauche s'est mobilisé au port de La Pallice dès octobre 2022.

Lire: Les méga-bassines, sujet de discorde entre les syndicats agricoles

Giulietta Gamberini

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Commentaires 21
à écrit le 20/07/2024 à 20:04
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On les laisse casser, pourquoi arrêteraient-ils ? Le gauchisme tient le haut du pavé, jusqu'à la guerre civile...

à écrit le 20/07/2024 à 12:47
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C'est pas grave on aura le blé ukrainien.

à écrit le 20/07/2024 à 9:20
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"les opposants aux mégabassines dénoncent l'agro-industrie au Port de la Rochelle" Les opposants ne risquent rien puisque la Rochelle est à gauche.

à écrit le 19/07/2024 à 18:15
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On ne peut donner tort aux manifestants avec un bel exemple la Corée du Nord car en dehors du grand Kim Jong Un aucun obèse grâce à une agriculture rurale .

à écrit le 19/07/2024 à 10:00
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On les laisse faire ils auraient tord d'arrêter, moins de 6% des voix aux européennes, les écolos veulent sauver le monde avec des actions qui flirtent avec le terrorisme et nous imposer par la force leur vision du monde, comme certains mouvements au...

à écrit le 19/07/2024 à 7:41
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Je n'y comprend rien au problème politique des bassines. 1 faire des réserves d'eau pour des périodes de sécheresse me paraît plein de bon sens. 2 les avoir à ciel ouvert me paraît douteux pour cause d'evaporation 3 revenir à une culture raisonnée...

le 19/07/2024 à 8:15
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"faire des réserves d'eau pour des périodes de sécheresse me paraît plein de bon sens." Concentrer l'eau en un seul point en décuplant ainsi son évaporation est pour toi logique en période de sècheresse alors que décuplant l'évaporation ?

le 20/07/2024 à 9:31
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Ces Écolos qui viennent dire aux Agriculteurs ce qu’ils doivent faire alors qu’ils ne sont même pas capable de faire pousser un pot de géranium sur leur balcon, c’est plutôt cela le danger pour le futur ! Et en plus ils sont motivés et chauffés à bla...

le 22/07/2024 à 7:51
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"faire pousser un pot de géranium sur leur balcon, c’est plutôt cela le danger pour le futur !" Heu non, l'apport nutritif du géranium est très faible tu sais... ^^

à écrit le 19/07/2024 à 0:01
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quand je lis ca, j'ai toujours a l'sprit la visite de de gaulle a massu a baden baden; ce dernier avait avant recu juste avant un general russe ( dont j'ai oublie le nom) , donc communiste donc tolerant car de gauche, avec leur 100 millions de morts...

à écrit le 18/07/2024 à 23:56
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bonjour, toutes les cultures n'ont pas besoin d'eau comme les blés d'hiver, les tournesols les radis d'hiver, la betterave, dans mon village même le maïs on.l'arrose

à écrit le 18/07/2024 à 19:30
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Il faut aussi detruire Serre Poncon revenir a l'etat avant 1960 ainsi que tous les autres barrages et lac artificiels

à écrit le 18/07/2024 à 17:34
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Il ne faut pas exporter ni importer (dans les produits il y a de l'eau venant d'ailleurs, en bilan de production et dans les produits pas secs (fruits, légumes)), comme ça 'tout ira bien'. Les surface où on cultive du blé pourront servir à d'autres p...

à écrit le 18/07/2024 à 15:54
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opposants mégabassines ....les réserve d' eau ont toujours existé depuis tout temps ....importer l' industrie (Maroc ou de l' Espagne )..des gauchistes des bobo feignants ..

à écrit le 18/07/2024 à 14:28
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stop la privatisation de l'eau? donc l'agriculteur bio, très a gauche, adhérent a confédération paysanne qui a une cuve souterraine de récupération de l'eau de pluie (ce qui est parfaitement normal cela dit), il doit dégager sa cuve car il privatise ...

le 19/07/2024 à 6:46
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Oui oui voilà tu as tout compris... bosses pas trop tes commentaires surtout hein ! ^^

à écrit le 18/07/2024 à 12:19
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Mais ne leur donnez donc pas tant d'importance ! C'est un principe propre au gauchisme que de chercher à tout détruire sans savoir construire : le peuple du chaos et de la chienlit réunis...

le 18/07/2024 à 14:33
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@Britabicus: tout détruire ?... Entre la nature et la production industrielle artificielle, veritable fuite en avant vers la catastrophe, je choisis la nature... Ces megabassines accaparent une ressource naturelle et nuisent aux cycles de l'eau. S...

à écrit le 18/07/2024 à 11:57
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Ce sera une sorte de congrès du NFP où tous ces grands démocrates pourront débattre, avec batte de base ball et boules de pétanque pour affirmer leurs solides arguments. Pitoyable.

à écrit le 18/07/2024 à 10:22
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Importer des engrais et des pesticides pour polluer les sols et les nappes de nos territoires et exporter de la matière première, le tout avec des subventions publiques, n'est pas un modèle économique viable et compétitif. C'est de l'assistanat ravag...

à écrit le 18/07/2024 à 10:02
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Hou là ils vont y mettre les brigades antiémeutes, les chars d'assaut et les snipers, chasseurs et hélicoptères prêts à décoller.. "La société pardonne bien souvent aux criminels jamais elle ne pardonne aux rêveurs" Oscar Wilde

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