Mauvaise passe pour la Bourse de Tokyo qui clôture la semaine sur une baisse vertigineuse ce vendredi. L'indice vedette Nikkei a dégringolé de 5,81% à 35.909,70 points, soit le deuxième plus fort recul en points sur une séance de son histoire, le premier remontant à 1987. Il avait déjà reculé de 2,49% jeudi. Pourtant, début juillet, le Nikkei avait atteint de nouveaux sommets à 41.831 points, porté par les valeurs technologiques mais également par la frilosité des investisseurs vis-à-vis des actions chinoises.
De son côté, l'indice élargi Topix a sombré de 6,14% à 2.537,60 points, au lendemain d'une perte de 3,24%. L'une de ses plus fortes baisses depuis 2016. Hong Kong a abandonné 2,08% et Shenzhen 1,38%.
Les craintes aux Etats-Unis pèsent sur la Bourse japonaise
La déroute des places japonaises a suivi la chute des indices un peu plus tôt à Wall Street. En effet, la Bourse de New York, qui se réjouissait ces derniers mois de signes de ralentissement économique aux Etats-Unis, annonciateurs de baisses de taux de la Fed, s'est cabrée jeudi face à une série d'indicateurs préoccupants pour la santé de la première économie mondiale. De quoi participer au repli des indices japonais.
L'indice mesurant l'activité manufacturière aux Etats-Unis a notamment enregistré un quatrième mois de baisse d'affilée en juillet, tombant de nouveau sous la barre des 50% qui signale une contraction de l'activité.
« Il s'agit d'un signal d'alarme indiquant que l'économie américaine ralentit plus que le marché ne l'avait prévu », a souligné Takuma Ikemoto dans une note du Tokai Tokyo Intelligence Lab.
« La crainte d'une récession reprend le dessus », commente de son côté Jochen Stanzl, analyste de CMC Market.
Ce vendredi, tous les regards étaient tournés vers les chiffres de l'emploi de juillet aux Etats-Unis. Le marché de l'emploi a finalement ralenti plus que prévu le mois dernier, avec un taux de chômage atteignant 4,3 %. Ce taux, le plus élevé depuis octobre 2021, a pris 2 points par rapport à juin et a surpris les analystes qui anticipaient une stabilité à 4,1 %.
Ces données sont particulièrement scrutées par la Fed, la Banque centrale américaine, qui est « focalisée sur l'inflation, mais aussi, et surtout, sur l'emploi », commente John Plassard, spécialiste de l'investissement pour Mirabaud. Mercredi, comme attendu, la banque centrale américaine a laissé ses taux inchangés, tout en ouvrant la porte à une baisse des taux dès septembre.
Dans ce contexte, « si les chiffres de l'emploi aux États-Unis sont trop faibles, les cours du monde entier pourraient continuer à baisser », avertit Jochen Stanzl. L'annonce d'indicateurs décevants aux Etats-Unis n'a pas manqué de faire réagir, ce vendredi, les marchés européens. Francfort, Amsterdam, et Milan ont enregistré des baisses de plus de 2 %, Paris a aussi chuté, le CAC 40 passant de 7.332 à 7.271 points à 14h30.
Changement de politique monétaire
La mauvaise performance de la Bourse japonaise s'explique également par le changement inédit de politique monétaire au Japon. La devise nippone s'est emballée et a atteint son plus haut niveau depuis mars, après que la BoJ a remonté, mercredi, son principal taux directeur à 0,25% - un niveau plus vu depuis 2008 -, et ouvert la porte à des hausses supplémentaires. Un renforcement du Yen qui pénalise les entreprises exportatrices et vient refroidir les investisseurs.
C'est « seulement la deuxième hausse des taux d'intérêt en 17 ans », et elle transmet nettement la volonté de normalisation monétaire de la BoJ, a noté Ricardo Evangelista, d'ActivTrades. Pour rappel, après plus de dix ans d'une politique monétaire ultra-accommodante, la BoJ avait amorcé un processus graduel de normalisation monétaire en remontant son taux d'intérêt entre 0% et 0,1%, signant la fin des taux négatifs en place depuis 2016.
« Le message de la BoJ est clair : elle ne veut pas que le yen continue de s'affaiblir », a affirmé Kit Juckes de la Société Générale. « Il semble que le gouverneur de la BoJ indique qu'on s'achemine vers un changement de régime », a ajouté l'analyste.
Pour Chris Low de FHN Financial, « le gouverneur Ueda Kazuo estime que l'inflation évolue conformément aux prévisions, ce qui laisse penser qu'il est convaincu que la politique monétaire est bien placée ». « Il encourage les traders à s'attendre à de nouvelles hausses de taux à l'avenir », a-t-il ajouté.
S'il ne s'agit pas d'une surprise totale pour les investisseurs, une grande partie d'entre eux avait revu leurs paris dans les jours précédant l'annonce et ne s'attendaient pas à une hausse dès mercredi. Autre signal de resserrement monétaire, la Banque centrale nippone a également annoncé réduire ses achats massifs d'obligations publiques japonaises (JGB).
Mauvais résultats des entreprises
Par ailleurs, la Bourse de Tokyo a été malmenée par la déroute de grands groupes japonais. A Tokyo, les valeurs liées aux semi-conducteurs ont été particulièrement touchées, Tokyo Electron dégringolant de 11,98% après le fort recul la veille d'un indice américain du secteur. Et SoftBank Group a chuté de 8%.
L'action Toyota a également poursuivi sa déroute (-4,22%), après avoir lâché près de 8,5% la veille. Le premier constructeur automobile mondial, dont l'image est écornée au Japon par des scandales, a vu son bénéfice net progresser au premier trimestre 2024 mais a maintenu, jeudi, ses prévisions annuelles inchangées.
Mais il n'y a pas qu'au Japon que les acteurs de la tech souffre de la publication de leurs résultats. Aux Etats-Unis, Amazon a publié « des prévisions de bénéfices pour le troisième trimestre nettement inférieures aux estimations, et Intel a annoncé une révision à la baisse de ses perspectives et des suppressions d'emplois », ont résumé les analystes de Deutsche Bank.
Dans les échanges électroniques qui précèdent l'ouverture du marché américain, Intel chutait de plus de 20% et Amazon de 8,13%. A Amsterdam, ASML chutait de 8,42% et BE Semiconductor Industries de 9,25%. A Francfort, Infineon abandonnait 4,23%. A Paris, STMicroelectronics reculait de 3,74% et Capgemini de 0,97%.
(Avec AFP)
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